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Les activistes pour le climat gagnent un match

Demonstranten
Les activistes pour le climat manifestent devant Credit Suisse. © Keystone / Jean-christophe Bott

La justice a reconnu l’urgence climatique. Les douze activistes climatiques, jugés pour avoir joué une partie de tennis dans les locaux de Credit Suisse, ont été acquittés lundi à Lausanne. Un verdict qui est déjà entré dans l’histoire, mais qui ne doit en aucun cas déboucher sur des actions qui débordent, commente la presse suisse.

«Jeunes militants pour le climat contre Credit Suisse 6:0». Le titre du quotidien alémanique Neue Zürcher Zeitung (NZZ) symbolise bien la victoire des douze militants pour le climat, acquittés lundi par la justice vaudoise. Le tribunal a estimé que leur action – une partie de tennis sauvage chez Credit Suisse (CS) à Lausanne en novembre 2018 pour dénoncer les investissements de la banque dans les énergies fossiles – était justifiée.

Le juge Philippe Colelough a retenu «l’état de nécessité licite» dans lequel ont agi les militants. Au vu d’une urgence climatique «indéniable», il a estimé que les jeunes activistes avaient mené une opération «nécessaire et proportionnée».

La presse suisse souligne le caractère historique du verdict. «Un tribunal suisse donne pour la première fois raison aux activistes», écrit l’éditorialiste de la NZZ. Le journal estime que les avocats n’exagèrent probablement pas lorsqu’ils affirment que le verdict va «montrer la voie» et que le 13 janvier 2020 devrait «entrer dans les livres d’histoire de la justice helvétique».

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Une décision qui a fait le tour du monde

Hors normes, le retentissement international du procès est mis en évidence par les commentateurs. «C’est un symbole extrêmement fort dont la portée dépassera à coup sûr les frontières suisses», affirme Le Temps. Les activistes ont largement dépassé leur objectif: ils ont alerté l’opinion publique «au-delà de toute espérance».

«Sans action judiciaire, Roger Federer n’aurait pas pris position. Sans Roger Federer, ils n’auraient peut-être pas été acquittés»
Le Temps

Le quotidien basé à Lausanne souligne que les militants «ont attiré l’attention du New York Times, de l’idole climatique Greta Thunberg et du principal destinataire: le ‘maître’», Roger Federer, ambassadeur du numéro deux bancaire helvétique. Depuis Melbourne où il se prépare à disputer l’Open d’Australie à partir du 20 janvier, la star du tennis s’est dit «reconnaissant aux jeunes activistes du climat de nous avoir tous poussés à examiner nos comportements» et s’est engagé à utiliser sa «position privilégiée pour dialoguer avec mes sponsors sur ces questions importantes».

L’impact médiatique exceptionnel du procès a joué en faveur des activistes, estime encore le journal. «Sans action judiciaire, Roger Federer n’aurait pas pris position. Sans Roger Federer, ils n’auraient peut-être pas été acquittés.»

La voie libre aux manifestants

La direction de CS n’ayant pas jugé bon d’être représentée au procès, les militants, leurs avocats et les témoins de renom convoqués à la barre, dont le prix Nobel de chimie 2017 Jacques Dubochet, ont ainsi bénéficié «d’une plateforme parfaite», relève le Tages-Anzeiger. «Grâce à la domination verbale et le monopole sur les questions environnementales, ils ont évidemment convaincu le juge», commente le quotidien zurichois.

Même point de vue du côté de la NZZ, pour qui une première victoire a été offerte aux militants par les grands absents du procès, CS et le ministère public du canton de Vaud. «Les 13 (!) avocats de pointe, qui ont défendu bénévolement les jeunes activistes du climat, ont pu dénoncer sans objections la place financière suisse pour son ‘comportement hypocrite’.»

«Le verdict de ce procès ne préjuge en rien de la conversion du capitalisme aux thèses climatiques»
La Liberté

Le match n’est pas fini

Mais quelles conséquences aura la victoire des militants dans de futures affaires similaires? «Elle légitime la poursuite des actions coup-de-poing des manifestants. Ces derniers ont longtemps été considérés comme des agitateurs. La justice est désormais avec eux», répond Le Temps.

L’éditorialiste de La Liberté se montre moins optimiste: «Ne nous emballons pas, car le verdict de ce procès ne préjuge en rien de la conversion du capitalisme aux thèses climatiques. Le premier set est gagné, mais le match ne fait que commencer.»

La presse alémanique, elle, préfère mettre en garde les acquittés. La NZZ et le Tages-Anzeiger rappellent les propos du juge, qui a souligné que sa décision ne constitue pas «un laissez-passer pour toute autre action». «Les militants doivent apprendre que dans notre pays, avec ses possibilités de participation politique au travers de la démocratie directe, la compréhension de la désobéissance civile a des limites étroites et pourrait rapidement basculer dans le rejet.»

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