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Samuel Schmid a fini par jeter l’éponge

Keystone

C'est un Samuel Schmid ému qui a expliqué longuement mercredi après-midi les raisons de sa démission du Conseil fédéral (gouvernement). Le ministre de la Défense a fait avec force l'éloge de la concordance et a eu des mots durs pour son ancien parti, l'UDC (droite nationaliste).

Retenant ses larmes, Samuel Schmid a précisé qu’il ne s’exprimerait pas sur la pression qu’il a subie au cours des derniers mois, même si cela a été une «forte charge» pour lui et sa famille.

Il a répété ce qu’il avait déjà dit en matinée lors d’une brève déclaration devant la presse, à savoir qu’il démissionnait pour le bien de sa santé, de sa famille, du pays et de l’armée.

Le Bernois a précisé avoir arrêté sa décision dans la nuit de mardi à mercredi, même s’il y songeait depuis le début de l’année en raison de problèmes de santé. Il souffre depuis le printemps dernier de problèmes circulatoires et prend des médicaments.

«Le prix de l’indépendance»

C’est «avec un certain regret mais aussi la satisfaction du devoir accompli» que Samuel Schmid quittera ses fonctions. Il espère que «l’humilité et la modestie reprendront du poids dans la vie politique suisse et que la polarisation apparue au cours des 15 dernières années sera corrigée».

A l’adresse de l’UDC, Samuel Schmid a dénoncé l’exclusion politique et la marginalisation d’individus et de la pensée d’autrui. Lui-même dit avoir accepté l’exclusion de son parti comme le «prix de l’indépendance».

Les centaines de messages de soutien de la population reçus au cours des derniers mois l’incitaient à tenir bon, mais il a préféré se retirer après huit ans au Conseil fédéral, à bientôt 62 ans et compte tenu des signes d’alarme quant à son état de santé (il vient de subir une ablation de la vésicule biliaire).

Samuel Schmid a plaidé en faveur de la concordance qui a permis à la Suisse de devenir un «haut lieu de sécurité et de bien-être». «Le chantage politique et la polarisation ne font pas partie de la culture politique de notre pays», a souligné le ministre.

Le Conseil fédéral «regrette»

Le Conseil fédéral de son côté «regrette le départ de Samuel Schmid, un collègue loyal, dont les prises de position sont toujours orientées vers des solutions équilibrées». D’ores et déjà, il lui exprime sa gratitude pour son activité au service du pays.

Par ailleurs, celui qui est également ministre des Sports a eu la responsabilité de l’organisation de l’Euro 2008 de football, événement de première importance qui «s’est déroulé sans problème, dans un esprit d’amitié sportive grâce aux mesures prises», souligne encore le Conseil fédéral.

«Victime de l’UDC»

Pas réellement surpris de cette démission, le président du Parti socialiste Christian Levrat s’en prend une nouvelle fois à l’UDC (droite nationaliste). Le Bernois a été d’une certaine façon «victime de la campagne haineuse et sans scrupule» de son ex-parti, déplore-t-il.

Pour le président du PS, l’armée doit être réformée beaucoup plus en profondeur qu’avec un programme d’armement (auquel la gauche est opposée) pour être projetée dans le futur, ce que Samuel Schmid n’était plus en mesure de faire.

Le PS n’est pas opposé à un retour de l’UDC au gouvernement, mais les socialistes y posent des conditions, prévient Christian Levrat. Le candidat devra respecter l’état de droit et donc la séparation des pouvoirs, les conventions internationales et les règles du jeu du gouvernement, énumère le président du PS.

«Une certaine grandeur»

Le président du Parti démocrate-chrétien Christophe Darbellay ne regrette pas le départ de Samuel Schmid, mais tire un bilan positif de son action. Selon lui, il a commis des erreurs, mais les a reconnues, ce qui est le «signe d’une certaine grandeur».

Christophe Darbellay se dit plutôt surpris que le ministre de la défense annonce son retrait maintenant alors que son programme d’armement semblait tiré d’affaire et «qu’on l’imaginait élu à la vice-présidence du Conseil fédéral en décembre». Le Valaisan comprend néanmoins cette décision.

Selon le président du PDC, l’UDC a une légitimité mathématique a récupérer le siège laissé vacant, mais le parti doit prouver qu’il a une réelle volonté d’être un parti gouvernemental. Pour le PDC, en cette période de ralentissement conjoncturel, seul un candidat soutenant la voie bilatérale avec l’Union européenne est éligible.

«Jeux politiques»

Au Parti radical (droite) également, on juge que l’UDC est légitimée à briguer le siège de Samuel Schmid, à condition d’abandonner sa politique d’opposition.

Selon Fulvio Pelli, président des radicaux, le parti «devra prouver sa volonté d’assumer à nouveau des responsabilités pour la Suisse au moment de la nomination d’un candidat à la succession». L’UDC doit donc renoncer à l’avenir «aux jeux politiques», comme celui du refus du programme d’armement.

Quant au ministre démissionnaire, il achève «une carrière pleine de succès et d’engagement. Les réformes ont permis de mettre l’armée sur le bon chemin dans une période difficile. Il faut désormais consolider les mesures prises», a dit Fulvio Pelli.

Les Verts prêts à partir

Avec la démission de Samuel Schmid, les Verts sont dans les starting-blocks. Le parti discutera du sujet dans les prochaines semaines, mais une candidature au Conseil fédéral est probable.

Le moment de l’annonce du ministre de la défense est une surprise. «Mais c’est une décision intelligente», a déclaré le secrétaire général du parti écologiste Hubert Zurkinden.

L’été dernier, les Verts avaient réclamé la tête de Samuel Schmid en lien avec l’affaire concernant le chef de l’armée Roland Nef. Pour leur secrétaire général, le ministre n’a jamais été la bonne personne pour résoudre les problèmes de l’armée.

UDC, le retour

Quant à l’UDC, elle a réitéré sa volonté d’un retour au Conseil fédéral. Le président du parti Toni Brunner s’est toutefois refusé d’annoncer officiellement une candidature.

«Tous les membres de l’UDC peuvent être considérés comme candidats, a déclaré Toni Brunner. Il n’est toutefois pas opportun de lancer la machine le jour où le conseiller fédéral Samuel Schmid annonce son retrait du gouvernement».

Les sections cantonales du parti vont désormais désigner leurs candidats et le groupe parlementaire aura le dernier mot.

swissinfo et les agences

Lorsqu’il aura quitté le Conseil fédéral, Samuel Schmid pourra de nouveau avoir un chien. En évoquant rapidement la question, le Bernois n’a pas réussi à retenir quelques larmes mercredi devant la presse.

Selon certains journaux, l’épouse du ministre de la Défense lui avait interdit de reprendre un compagnon à quatre pattes tant qu’il n’aurait pas quitté le gouvernement. Les deux chiens du conseiller fédéral, avec lesquels il aimait se promener, sont décédés.

Dès qu’il aura quitté le Conseil fédéral, Samuel Schmid aura droit à une rente annuelle de quelque 208’500 francs, ce qui correspond à la moitié de son salaire actuel. S’il reprend une activité lucrative, il verra cette somme réduite. Seuls les ministres qui se retirent après au moins quatre ans ou pour des raisons de santé ont droit à la rente complète.

Avec la démission de Samuel Schmid, le Parlement se retrouve à nouveau face à une vacance simple au Conseil fédéral. Ce cas de figure est le plus répandu depuis 1959, même si les observateurs misaient plutôt sur un départ à plusieurs.

La dernière triple élection a eu lieu en décembre 1973. Le dernier cas de double vacance remonte quant à lui à 1999, avec les départs simultanés de Flavio Cotti et d’Arnold Koller. Depuis, tous les ministres ont démissioné seuls: Adolf Ogi en 2000, Ruth Dreifuss en 2002, Kaspar Villiger en 2003, Joseph Deiss en 2006.

Mais, entretemps le Parlement s’est livré deux fois à un autre exercice, plutôt rare: celui d’évincer un conseiller fédéral: Ruth Metzler en a fait les frais en 2003 au profit de Christoph Blocher qui n’a pas été réélu quatre ans plus tard.

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