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Seconde guerre mondiale: pas d’amalgame sur la Suisse

La couverture du livre "Une autre Suisse". Jean-Pierre Richardot

Un livre veut corriger l'image négative de la Suisse durant la seconde guerre mondiale. L'ouvrage s'appelle "Une autre Suisse".... et vient de France.

L’idée revient au journaliste et écrivain français Jean-Pierre Richardot. Dans son livre, il présente la Suisse comme «bastion contre l’Allemagne nazie» et «carrefour de la Résistance européenne».

Né en 1929, Jean-Pierre Richardot connait bien le problème, ayant vécu dans le canton de Vaud de 1942 à 1945, comme beaucoup de «petits Français» accueillis en Suisse pendant la guerre. Selon lui, l’immense majorité des Suisses étaient hostiles aux nazis. Il s’indigne que l’on prétende le contraire aujourd’hui à Paris, New York et même Berne.

Aide aux résistants français

Le livre contient notamment des révélations sur l’importante aide suisse à la Résistance française. Elle a commencé dès 1941, et le lieutenant-colonel Bernard Barbey, chef de l’état-major particulier du général Guisan, y a joué un rôle essentiel, selon Richardot.

L’auteur raconte que des résistants français ont été nourris et rétribués par le service de renseignements helvétique, qu’ils ont pu installer à Genève une véritable ambassade auprès des Alliés grâce à de faux-papiers fournis par l’armée suisse, et que des banques genevoises finançaient l’achat d’armes et d’explosifs pour les maquis français.

«Il est impossible d’être plus helvétophile que les membres de la Résistance française», affirme Richardot. Les vieux résistants français ne comprennent pas les attaques systématiques contre la Suisse.

Résistance suisse

Il y a aussi eu une authentique résistance suisse, estime l’auteur, qui replace des faits connus des historiens dans une nouvelle perspective. Elle a été particulièrement importante en 1940, après les défaites militaires franco-anglaises. Le livre relate ainsi le «complot de Lucerne»: Où de jeunes officiers voulaient renverser le Conseil fédéral, accusé de défaitisme.

En outre, des personnalités de tous bords ont secrètement formé “L’ action de résistance nationale” (ANW), jurant de combattre l’Allemagne «quoi qu’il arrive». Selon M. Richardot, ce mouvement essentiellement alémanique a fortement contribué à éviter une «satellisation» de la Suisse, comparable à celle de l’Autriche ou de la Tchécoslovaquie.

Le livre retrace aussi l’action des «humbles» – des «Suisses courageux qui ont su affronter l’horreur nazie, parfois en bousculant leurs autorités et en désobéissant à leur gouvernement». Tel ce maraîcher genevois qui, en une nuit, a porté dans ses bras 75 enfants juifs à travers la frontière pour les cacher en Suisse.

Retourner l’opinion

L’écrivain ne fait pas pour autant l’apologie de la Suisse. Il critique la fermeture des frontières aux réfugiés juifs en 1942 et le «cynisme» des banquiers. Il dénonce une neutralité «dogmatique, bureaucratique et archaïque». La Suisse n’a été ni parangon de vertu, «ni ce pays intéressé et sans conviction dont on cherche à nous dresser une très étrange caricature», conclut-il.

Pour Jean-Pierre Richardot, «Une autre Suisse» est le point de départ d’une campagne visant à «retourner l’opinion» injustement antisuisse, notamment chez les intellectuels français. Après avoir fait paraître son livre simultanément à Genève et Paris, il entend le faire rapidement traduire au moins en allemand et en anglais, et en tirer un film.

Historien de formation, l’auteur a été journaliste au «Monde» et à «France 2», puis collaborateur de Lionel Jospin au ministère de l’éducation nationale. Pour son dixième livre, il s’est appuyé notamment sur des documents des Archives fédérales, de l’Institut d’histoire contemporaine de l’EPFZ et de la commission Bergier. Il a aussi interrogé une cinquantaine de témoins.

swissinfo avec les agences

Jean-Pierre Richardot: «Une autre Suisse, 1940-1944»
(préface de Gilles Perrault), Editions du Félin, Paris, Labor et Fides, Genève, janvier 2002.

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