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«Ben Laden était une monnaie d’échange»

Sur le site de Groung Zero à New York, la foule salue le résultat de l'opération américaine. Keystone

Oussama Ben Laden mort, les Etats-Unis peuvent envisager un retrait d’Afghanistan en affirmant avoir rempli leur mission. Expert suisse en sécurité, Albert Stahel souligne le rôle du Pakistan, qui a pu utiliser Ben Laden comme monnaie d’échange.

Professeur d’études stratégiques à l’Université de Zurich, Albert Stahel estime aussi que la mort du principal responsable des attentats du 11 septembre 2001 à New York et Washington va susciter des représailles, avant tout contre les intérêts américains.

Un avis partagé par le directeur de la CIA Leon Panetta. Selon lui, il est «presque certain» que les terroristes vont tenter de venger Oussama Ben Laden, tué dans la nuit de dimanche à lundi dans une luxueuse villa à deux heures de route d’Islamabad, au cours d’une opération américaine dont le Pakistan, officiellement, n’avait pas été averti.

swissinfo.ch: Par le passé, le Pakistan a été critiqué pour son rôle ambigu à l’égard de Ben Laden. Comment ce dernier a-t-il pu éviter la capture si longtemps?

Albert Stahel: Les Pakistanais l’ont protégé. Il était une sorte de monnaie d’échange. Les Pakistanais pouvaient dire: ‘Nous avons Ben Laden et aussi longtemps que c’est le cas, nous avons la possibilité de faire pression sur les Américains et d’avoir une influence accrue’.

Grâce à cette monnaie d’échange, ils ont ensuite pu dire: ‘Nous oublions Ben Laden, vous pouvez l’avoir, mais vous devez offrir quelque chose en retour’. J’ai l’impression que le point très important ici, c’est le retrait américain d’Afghanistan. 2014 – la date du début de ce retrait – est un des facteurs importants à garder en tête.

swissinfo.ch:Quelles sont les conséquences de la mort de Ben Laden pour les Etats-Unis?

A.S.: La période qui a suivi les attentats de 2001 est maintenant terminée et les Etats-Unis ont triomphé. Les opérations américaines en Afghanistan arrivent à leur terme. Le président Obama peut maintenant dire: ‘Nous avons défait Al-Qaïda, nous pouvons donc nous retirer d’Afghanistan’.

J’ai l’impression qu’un accord a donc été passé entre Pakistanais et Américains parce que sans les Pakistanais, une telle opération n’aurait pas été possible.

swissinfo.ch: Et quelles sont les conséquences de cette mort pour le leadership d’Al-Qaïda et ses groupes affiliés?

A.S.: Vers la fin de sa vie, Ben Laden n’était plus qu’une figure symbolique, il n’était plus impliqué dans la conduite des opérations terroristes d’Al-Qaïda.

Il va devenir un martyr – quelque chose comme un saint – et sa mort va envoyer un signal aux reliquats d’Al-Qaïda, et leur donner davantage d’élan en perspective de leurs prochaines actions.

swissinfo.ch: Il faut donc s’attendre dans le monde à des violences en représailles?

A.S.: Oui, bien sûr. Il y aura surtout des attaques contre les institutions et les citoyens américains. La situation peut dégénérer – elle était calme depuis un moment.

Certains groupes reçoivent un nouvel élan. Au Yémen, l’importance d’Al-Qaïda a toujours été grande, et c’est le cas aussi en Afrique du Nord.

Pour Elham Manea, politologue suisse et yéménite, la mort de Ben Laden ne signifie ni la fin du terrorisme ni celle d’Al-Qaïda.

«C’était une personnalité très importante, dotée d’une force de conviction indéniable. Par son charisme, il lui était facile de recruter des hommes dans le doute. Avec sa mort, Al-Qaïda est affaiblie».

«D’un autre côté, juge la politologue de l’Université de Zurich, il faut voir que ces derniers temps, nombre d’attaques terroristes ont été menées par de petits groupements et organisations inspirés par Al-Qaïda mais pas directement commandéspar Al-Qaïda

Elham Manea juge que la mort de Ben Laden est un «développement positif, même si j’aurais préféré le voir répondre de ses actes devant un tribunal

La politologue évoque aussi le printemps arabe. «Le changement au sein de l’espace arabe suscite un espoir qui n’était pas palpable avant. On pourrait aussi dire que cet espoir est une sorte de condamnation à mort pour le recrutement des membres d’Al-Qaïda. Les terroristes et leur extrémisme ont perdu une partie du terrain favorable à leur idéologie. Ce printemps arabe a plutôt affaibli Al-Qaïda.»

(Adaptation de l’anglais et de l’allemand: Pierre-François Besson)

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