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«Travailler est une façon de participer à la vie»

Des bougies pour symboliser l'espoir mais aussi pour continuer à sensibiliser la population sur le Sida imagepoint

En Suisse, environ 25'000 personnes sont séropositives et 15'000 d'entre elles travaillent régulièrement. Swissinfo en a rencontré une.

Séropositif depuis des années, Helmut n’a pratiquement jamais cessé de travailler. Les nouvelles thérapies disponibles depuis la moitié des années nonante, il les a vécues comme une renaissance.

«J’aime ce que je fais, c’est une façon de participer à la vie» raconte Helmut.

Physicien de profession, il est malade depuis 25 ans. L’infection par HIV lui a été diagnostiquée en 1983. En fait, Helmut est un des survivants de la première génération des personnes atteintes du sida.

Exception faite de deux ans, entre 1995 en 1996, moment où il a été frappé par les premières pathologies liées au virus qui l’ont immobilisé durant plusieurs mois sur un lit d’hôpital, il a toujours travaillé.

«Lorsque j’ai été confronté aux premiers problèmes de digestion, j’ai présenté un certificat médical demandant une réduction du temps de travail. D’abord de 25% puis de 50%. Et dès 1996, l’incapacité a été totale.»

De la discrétion

Son état de santé ne trompe pas: «Au fil des mois, j’ai beaucoup maigri, allant jusqu’à perdre 20 kilos. Les signes de la maladie étaient bien visibles, sur mon visage et mon corps. Un collègue qui avait contracté le sida avant moi s’est suicidé en 1995.»

Les collègues d’Helmut ont fait preuve d’une grande discrétion. Même son supérieur ne lui demandait rien lorsqu’il allait le voir à l’hôpital.

A un moment donné quand son état a commencé à empirer puis s’est très vite détérioré, Helmut a pensé à s’adresser à l’assurance-invalidité (AI) et à abandonner définitivement le monde du travail. «Puis je me suis demandé à quoi bon entamer toutes ces procédures pour toucher l’AI si je risquais de mourir avant deux ans?»

Comme une renaissance

Les nouvelles cures l’ont sauvé. «Ça a été pour moi comme une renaissance», explique-t-il. Le physicien peut alors rapidement reprendre son activité à plein temps.

Et son employeur fait montre d’un grand respect de sa vie privée: «Ces grandes multinationales, précise Helmut, ont l’avantage d’avoir une “diversity policiy” (une politique de respect de la différence) très marquée.»

Helmut est discret, aussi, avec ses collègues: «Je ne pense pas qu’il soit nécessaire de parler de ma maladie avec tout le monde. Si quelqu’un divorce, par exemple, il n’a pas forcément la force et l’envie de partager ce moment de sa vie avec ses collègues.»

Aujourd’hui encore, du reste, Helmut ne sait pas si ses chefs savent qu’il est atteint du sida. «Les gens sont sûrement beaucoup plus discrets que ce que l’on pense généralement», affirme-t-il.

Effets secondaires

Les premières années ne sont pas toujours faciles, à cause surtout des effets collatéraux des nombreux médicaments. «Au début, je devais toujours avoir sur moi des sous-vêtements de rechange» explique-t-il.

Les choses se sont améliorées. Les effets secondaires ont pratiquement disparu, exception faite d’une neuropathie aux pieds qui le déséquilibre parfois.

Reste le problème des voyages, lorsqu’il s’agit d’emporter dans ses bagages toute la panoplie des remèdes. Helmut relativise: «C’est un peu la même chose que de porter des verres de contact». Ceci dit, certains pays comme les Etats-Unis refusent aux séropositifs le visa d’entrée sur leur sol.

Un problème réel

Helmut, qui est aussi membre d’une association d’homosexuels, sait bien que son parcours n’est pas celui de tous les malades de sida. «Le problème du travail est bien réel et lorsqu’on présente un curriculum vitae qui met en évidence les années durant lesquels on n’a pas travaillé, il est plus difficile de trouver un emploi.»

«Ce problème n’est sûrement plus aussi épineux de nos jours», ajoute Helmut. Un avis que partage l’Aide suisse contre le sida, qui estime que par rapport au passé, les séropositifs d’aujourd’hui sont beaucoup mieux intégrés dans le monde du travail.

Les difficultés, cependant, restent nombreuses. Selon l’Aide suisse contre le sida, des problèmes demeurent parfois en matière de caisses-pension, d’indemnités journalières en cas de maladie, de violation de la protection des données, de mobbing ou de licenciements abusifs.

Sensibiliser l’opinion

De son côté, Helmut essaie depuis plusieurs années de sensibiliser les jeunes à cette maladie et aux problèmes auxquels les séropositifs se heurtent. Il témoigne souvent devant des étudiants dans le cadre du projet “Ecole, réalité de vie” mis sur pied par une association de Neuchâtel.

Après sa «renaissance», Helmut a décidé de «partager ce qu’il était en train de vivre avec les autres». Il estime devoir «montrer aux jeunes ce que cela signifie qu’être séropositif et leur rappeler l’importance de se protéger dans les relations sexuelles.»

Une sensibilisation de ce genre est nécessaire à une époque où le sida fait moins peur. Helmut, toutefois, a parfois quelques doutes: «Je me dis quelques fois que témoigner est contradictoire. Au fond, que voient les jeunes? Un séropositif qui, en fin de compte, vit et travaille comme tout le monde.»

Helmut vit et travaille bel et bien comme tout un chacun. Le temps est même bientôt venu pour lui de se préparer à la retraite, qu’il prendra dans sept ans.

«Je continuerai peut-être à travailler comme consultant. Ou je ferai comme un ami: il pensait se remettre à travailler. Mais après trois mois sur les canaux en Hollande, l’envie lui est passée définitivement.»

swissinfo, Daniele Mariani
(Traduction de l’italien: Gemma d’Urso)

Depuis plusieurs années, la journée mondiale du sida se célèbre le 1e décembre.

Cette année, en Suisse, le thème de la journée est “Sida et travail”. A cette occasion, l’Aide suisse contre le sida lance la “Work Place Policy”, un règlement pour l’emploi qui se veut un encouragement à surmonter les préjugés à l’égard des personnes séropositives et éviter leur discrimination.

Le premier cas de sida en Suisse a été diagnostiqué à posteriori en 1981. Par la suite, le nombre de personnes frappées par ce virus a augmenté régulièrement pour atteindre environ 700 nouveaux cas par année.

Depuis la moitié des années nonante, de nouvelles thérapies ont permis un ralentissement sensible de l’avancée de la maladie pour un nombre croissant de personnes contaminées par le VIH.

Le nombre de nouveaux malades de sida a diminué et se stabilise ensuite à 210-240 nouveaux cas par année. En 2006, on a identifié 150 nouveaux cas.

Depuis l’an 2000 toutefois, le nombre de personnes séropositives s’est remis à grimper: en 2000, on signalait 580 infections, en 2006, on en comptait 750.

L’augmentation est due à la forte hausse de nouvelles infections entre homosexuels de sexe masculin et entre bisexuels. Le nombre de test HIV positifs parmi les hétérosexuels et toxicomanes est en revanche en baisse.

Jusqu’à fin 2006, le sida avait causé la mort de 5669 personnes. Actuellement les personnes touchées par le virus HIV et par le sida sont environ 25’000.

Le sida a causé la mort de 25 millions de personnes environ dans le monde entier.

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