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«Un échec ne serait pas la fin de la discussion»

Walter Kälin ne voit pas d'alternative au cadre onusien pour répondre au défi climatique. Keystone

Le résultat des négociations de Copenhague - ou ce qui suivra - doit inclure la question des déplacés climatiques, juge Walter Kälin, représentant du Secrétaire général de l’ONU. Un Suisse qui ne voit pas d’alternative au cadre onusien pour répondre au défi climatique.

Professeur de droit constitutionnel et international à l’Université de Berne, expert internationalement reconnu, Walter Kälin est un des pères du Conseil des droits de l’homme. Pour lui, que Copenhague échoue ou non, le fait est que les négociateurs ne pourront pas, à terme, faire l’impasse sur un accord.

swissinfo.ch: Quel est votre rôle, ici à Copenhague?

Walter Kälin: Je suis à Copenhague en tant que Représentant du Secrétaire général des Nations unies sur les droits de l’homme des personnes déplacées à l’intérieur de leur pays [depuis 2004].

Nous les humanitaires et les gens s’occupant des droits humains sommes très inquiets de l’augmentation rapide du nombre de personnes déplacées par les catastrophes naturelles – ouragans, situations de sécheresse, etc. Il est très clair que dans des régions comme l’Amérique centrale et l’Afrique de l’Est, il s’agit très, très probablement d’une conséquence du changement climatique.

swissinfo.ch: La question des personnes déplacées est-elle suffisamment prise en compte et discutée à Copenhague?

W.K.: Nous l’espérons. Depuis un an, nous avons mené un lobbying pour que soit inclus un article qui souligne que les conséquences humanitaires, y compris le déplacement et la migration, font partie des effets du changement climatique. Et qu’il s’agit de traiter le problème et de l’inclure dans les mesures d’adaptation, pour diminuer les déplacements et se donner les moyens de reconstruire les vies des personnes déplacées.

Pour le moment [état mercredi soir], le texte final de Copenhague n’est pas encore adopté, mais nous sommes relativement optimistes. Un article sur le sujet y figure et nous avons observé des réactions très positives de nombreux gouvernements du Sud comme du Nord.

swissinfo.ch: Le système onusien dispose-t-il de suffisamment de moyens pour traiter ce problème des déplacés climatiques?

W.K.: Non, naturellement. Nous avons 12 millions de réfugiés au niveau mondial. Et 25 millions de personnes déplacées par des conflits armés et la violence. Sur la seule année dernière, nous avons dénombré 36 millions de personnes déplacées par des catastrophes naturelles. Beaucoup de ces gens ont pu retourner chez eux après une période assez courte. Mais cela montre la dimension du problème.

Avec les moyens actuels, les humanitaires ne sont pas en position d’appuyer et d’assister les personnes et les gouvernements concernés. C’est la raison de notre conviction qu’il faut absolument inclure les conséquences humanitaires dans la discussion sur le fond d’adaptation [un des pans de la négociation à Copenhague]. Des moyens importants sont nécessaires pour aider les gouvernements à protéger et assister les déplacés. Il faut également des fonds additionnels pour les organisations internationales.

swissinfo.ch: Cela aiderait-il que le statut de réfugié climatique existe juridiquement?

W.K.: Parler de réfugiés climatiques, c’est parler de gens qui quittent leur pays. Ils deviennent des étrangers dans un pays d’accueil, où ils n’ont pas le statut juridique des citoyens du pays. Les personnes déplacées à l’intérieur de leur pays restent des citoyens et il est nécessaire qu’ils ne perdent aucun de leurs droits. Parler de réfugiés dans leur cas est donc problématique.

Pour les personnes qui doivent traverser des frontières, la situation est différente. Ils ne sont pas couverts par la convention de 1951 sur le statut des réfugiés. C’est problématique, il n’y a pas de cadre juridique pour les protéger. Un article intégré dans l’instrument qui, je l’espère, sera adopté ici à Copenhague, donnerait une base pour entamer une discussion plus approfondie et technique sur la manière de régler le statut de ces gens-là.

swissinfo: Qui faudra-t-il blâmer si Copenhague est un échec?

W.K.: Les gouvernements, et pas l’un ou l’autre gouvernement. Mais j’hésiterais à parler d’échec. Le changement climatique est une question extrêmement complexe. On est en face d’intérêts très divergents. Les discussions prennent du temps. Je suis convaincu qu’un échec à Copenhague ne serait pas la fin de la discussion. On traversera une crise, avant de recommencer et de remettre sur la table exactement les mêmes questions. Car il s’agit de défis pour l’humanité et personne ne peut se permettre de tirer un trait.

swissinfo: Selon vous, le cadre onusien reste-t-il la bonne manière d’appréhender le problème?

W.K.: Je ne peux pas parler pour toutes les Nations unies. Il faut distinguer entre le système politique et les Etats, et les organisations plus techniques comme le HCR ou le PNUD. Les agences ont bien compris l’ampleur et la réalité du défi climatique. Mais il s’agit d’inclure tous les gouvernements, et les Nations Unies sont le seul cadre qui permette de le faire vraiment. Je ne vois pas d’alternative.

Pierre-François Besson, Copenhague, swissinfo.ch

Jusqu‘à vendredi, voire samedi, à Copenhague, 193 pays tentent de s’entendre sur un accord climatique global succédant ou prolongeant le Protocole de Kyoto, qui court jusqu’à fin 2012.

Selon les climatologues, il reste entre 10 et 20 ans au monde pour inverser la tendance à la hausse des émissions de gaz à effet de serre. Sans quoi il deviendrait difficile aux humains de s’adapter à la déstabilisation induite du climat.

L’objectif repris pour Copenhague est de réduire les émissions de gaz à effet de serre de manière à ce que la hausse globale des températures ne dépasse pas 2°C par rapport à l’ère préindustrielle.

Le Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) juge nécessaire une réduction de 25% à 40% des émissions des pays industrialisés d’ici 2020 par rapport aux niveaux de 1990.

Il invite les pays riches à émettre de 80% à 95% de gaz à effet de serre en moins d’ici 2050. Et les pays en développement à réduire leurs émissions de 50%.

Le Gouvernement propose pour la Suisse une réduction d’ici 2020 de 20% au moins des émissions par rapport à 1990.

Le Suisse est prête à relever l’objectif de réduction à 30%, selon l’issue de la conférence de Copenhague.

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