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60 ans d’engagement pour la paix

Ruedi Tobler s'est mis depuis 40 ans au service de la paix. swissinfo.ch

Le Conseil suisse de la paix est né il y a 60 ans, avec pour objectifs la paix dans le monde et l'ouverture de la Suisse.

L’engagement en faveur de la paix est toujours aussi nécessaire, explique le président Ruedi Tobler dans un entretien à swissinfo.

En 2005, la guerre et la paix sont toujours des sujets d’actualité. Raison à cela: cette année, cela fait 60 ans que les bombes atomiques ont été larguées sur Hiroshima et Nagasaki, 60 ans que la 2e guerre mondiale s’est terminée et que l’ONU et le Conseil suisse de la paix ont vu le jour, ce dernier naissant du regroupement de 22 associations pacifiques.

swissinfo: Indépendamment des anniversaires, y a-t-il des parallèles entre l’ONU et le Conseil suisse de la paix?

Ruedi Tobler: Il y a un lien direct. La Suisse a raté l’entrée dans l’après-guerre. La création du Conseil de la paix était une réponse à ce manque. Toutes les organisations qui voulaient que la Suisse participe à l’après-guerre se sont réunifiées. Leur but était aussi que la Suisse adhère à l’ONU.

swissinfo: Quels sont les buts atteints par le Conseil durant ces 60 ans?

R.T.: Nous ne pouvons certes pas crier victoire. Mais, au moins, comparer les succès enregistrés avec les objectifs fixés. Ainsi, l’adhésion à l’ONU a été réalisée, après une longue, très longue attente.

La problématique nord-sud reste en revanche fluctuante. Mais l’Etat a reconnu que la lutte contre la pauvreté dans le monde était aussi une de ses tâches, ce qui n’est pas seulement notre réussite, mais nous y avons contribué.

Notre troisième objectif est clairement resté lettre morte: l’exportation de matériel de guerre n’est pas interdite et le règlement en vigueur ne nous satisfait pas.

Quant à la création d’un service civil, notre quatrième objectif, nous l’avons réalisé dans le sens que les objecteurs ont aujourd’hui une alternative au service militaire. Mais notre conception est bien plus large: tous ceux qui le désirent devraient pouvoir effectuer un service pour la paix.

swissinfo: Quels thèmes figurent aujourd’hui en tête de vos priorités?

R.T.: Ces derniers temps, le manque de moyens nous a obligés à nous limiter à deux domaines: les principes fondamentaux et les informations sur la thématique de la paix. Nous publions en outre le magazine de politique de la paix, FriZ.

Depuis quelques années, nous participons en outre à la campagne contre les armes légères. Nous exigeons un contrôle des armes vraiment efficace. Le ministre de la Justice et Police Christoph Blocher a promis un projet de révision complémentaire pour fin 2005. Nous l’attendons toujours.

swissinfo: En tant qu’organisation pacifique, le Conseil de la paix lutte contre la violence et pour la suppression de l’armée. En même temps, vous militez pour des interventions de maintien de la paix armées à l’étranger. N’est-ce pas contradictoire?

R.T.: Le grand public met sur un pied d’égalité le pacifisme, l’absence de violence ou la suppression de l’armée. Mais la réalité est plus complexe. Selon le pacifisme politique, la paix n’est pas présente comme une réalité donnée, elle doit être créée.

Les militaires ressentent toujours le besoin d’intimider au moyen des armes. La conception traditionnelle veut que les Etats soient souverains et décident eux-mêmes de faire la guerre et la paix.

C’est après la 1ère Guerre mondiale et la création de la Société des nations que l’idée de sécurité collective est née. Seule la communauté des nations devait être habilitée à utiliser la violence lors de conflits entre Etats.

L’ONU a inscrit dans sa Constitution l’interdiction de mener une guerre de la part d’Etats isolés. Le Conseil de la paix a toujours soutenu cette interdiction. Une intervention armée doit donc s’appuyer sur une décision juridique, mais une coalition de volontaires ne peuvent en aucun cas décider de mener une guerre. Pour nous, l’encouragement civil de la paix reste évidemment prioritaire.

swissinfo: Le Conseil de la paix ne réunit plus aujourd’hui qu’une poignée d’organisations. Le travail pacifique semble «out». Connaissez-vous des problèmes de relève?

R.T.: En 40 ans d’activités au service de la paix, j’ai vu le mouvement pacifique subir des hauts et des bas. Actuellement, nous nous trouvons effectivement dans un creux profond et avons des problèmes de relève, oui. Mais c’est le revers de la médaille d’une évolution réjouissante.

Durant toute la guerre froide, la chose militaire était quelque chose d’intouchable aux yeux de la politique officielle. Aujourd’hui, c’est dans l’armée qu’on économise le plus. La valeur de tout ce qui est militaire a énormément baissé ces 20 dernières années, ce que je considère comme un élément très positif.

Mais il ne s’agit pas seulement de démanteler les armements ou de supprimer l’armée. Ce qui nous importe, c’est de permettre l’avènement d’un ordre mondial pacifique et le respect des droits de l’homme.

swissinfo: A quel point les perspectives de paix ont-elles changé?

R.T.: La guerre froide a été la plus grande course aux armements de l’histoire de l’humanité. C’est une époque révolue, mais une grande partie de ces potentiels armés sont encore disponibles.

Autrefois, nous devions craindre que les arsenaux ne détruisent le monde, que ce soit intentionnellement ou par accident. Aujourd’hui, le problème est qu’une bonne partie de ces installations est en train de rouiller, surtout dans les pays de l’ancienne Union soviétique.

Il y a aujourd’hui des guerres locales dans des régions peu nombreuses qui n’intéressent personne. Ces guerres sont motivées par des raisons économiques et la lutte pour les matières premières.

Le caractère même de la guerre s’est donc modifié. Les armes petites et simples sont aujourd’hui plus importantes. C’est pourquoi nous nous concentrons sur ce thème.

swissinfo: Vous vous engagez depuis 40 ans. La pauvreté, les atrocités, les guerres et la misère n’ont de loin pas été éradiquées. Qu’est-ce qui vous pousse à continuer?

R.T.: Précisément ce que vous énumérez! Parce que ce combat est nécessaire. J’ai appris dans le travail pour la paix que rien n’est acquis pour toujours. La paix n’existera jamais de façon absolue.

Interview swissinfo, Gaby Ochsenbein
(Traduction de l’allemand Ariane Gigon Bormann)

Ruedi Tobler est né en 1947 à Zurich.
Il s’est engagé dans l’action pacifique lors de la première marche de Pâques pour la paix en 1963.
Ruedi Tobler est actif au sein du Conseil suisse de la paix, qu’il préside, depuis 40 ans.

– 1945: 22 groupements pacifistes créent le Conseil suisse de la paix.

– Le Conseil se donne quatre objectifs: l’adhésion de la Suisse à l’ONU, l’interdiction d’exporter du matériel de guerre, l’introduction d’un service civil et la lutte contre la pauvreté.

– Le Conseil de la paix compte aujourd’hui quelque 3000 membres.

– La campagne contre les armes légères de même que la publication du magazine pour la paix FriZ sont aujourd’hui les principales activités du Conseil suisse de la paix.

– Thème de la manifestation célébrant le 60e anniversaire le 2 décembre prochain: de la sécurité collective à la sécurité humaine.

– Micheline Calmy-Rey, ministre des Affaires étrangères, évoquera la réforme de l’ONU.

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