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A Berne, les mères de Srebrenica témoignent de leur détresse

Cinq ans après les massacres de Srebrenica, plus de 5000 cadavres n´ont toujours pas été formellement identifiés. C´est pour témoigner de cette douloureuse réalité auprès des autorités suisses que trois femmes de Bosnie sont à Berne cette semaine.

Impressionnantes de gravité, de courage et de dignité, ces trois représentantes du Mouvement des mères des enclaves de Srebrenica et de Zepa ont été reçues mercredi par le ministre des Affaires étrangères Joseph Deiss. Auparavant, elles avaient rencontré la presse, divers élus et fonctionnaires fédéraux.

Ce voyage s’inscrit dans une tournée, qui verra ces femmes porter leur témoignage également auprès des autorités allemandes et néerlandaises. La démarche est partout la même: attirer l’attention des gouvernements sur la nécessité d’achever rapidement le travail d’identification des victimes des massacres.

Plus de 5000 cadavres d’hommes et d’enfants, retirés des fosses communes, attendent en effet de pouvoir être enterrés dignement, pour la plus grande douleur de leurs veuves, de leurs mères ou de leurs proches.

Le travail d’identification par l’ADN est entamé depuis deux ans, sous l’égide de la Commission internationale des personnes disparues, une ONG américaine, patronnée par le sénateur Bob Dole.

Mais la tâche est immense et la facture élevée: plus de 13 millions de dollars, à trouver en cinq ans. De leur passage à Berne, les trois femmes ramèneront 100 000 francs. Somme modeste lorsque l’on sait que la Suisse aura engagé 1 milliard 600 millions en dix ans pour l’ex-Yougoslavie, mais pour le Mouvement des mères de Srebrenica, chaque pierre à l’édifice compte.

Pour elles, l’essentiel est ailleurs. Ce qui compte avant tout, c’est de pouvoir témoigner, de sensibiliser les responsables occidentaux sur la détresse de ces milliers de personnes qui n’ont toujours pas pu faire le deuil de leurs proches.

Accompagnées par deux conseillères nationales socialistes – la Zurichoise Vreni Müller et la Bernoise Gaby Vermot -, les trois femmes ont trouvé en Joseph Deiss un interlocuteur très ouvert. C’était également l’occasion d’attirer l’attention du chef de la diplomatie helvétique sur le sort des 400 mères bosniaques réfugiées en Suisse, que sa collègue Ruth Metzler, ministre de Justice et Police, entend renvoyer au plus vite.

«Madame Metzler n’a aucune oreille pour ces problèmes, s’indigne Gaby Vermot. Ces femmes et leurs familles ne peuvent simplement pas rentrer, elles n’ont plus là bas ni maison, ni soutien, ni travail. Et la plupart d’entre elles ont vu les leurs massacrés, elles ont subi le viol, elles sont profondément traumatisées».

Pour la conseillère nationale, une visite comme celle des trois mères de Srebrenica doit aussi servir la cause de leurs sœurs plus chanceuses qui ont trouvé un refuge provisoire dans un pays sûr. Car la Bosnie est encore loin de la sortie du tunnel de haine où les guerres l’ont enfoncée. Gaby Vermot, qui y était encore comme surveillante lors des récentes élections municipales le sait bien.

Et les premières mains tendues de la réconciliation pourraient bien être celles de ces femmes.

Marc-André Miserez

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