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A Berne, une réunion sur les barrages suscite la critique

Les barrages peuvent affecter l'environnement. Un exemple: l'ancien pont de Hasankeyf en Turquie. Keystone

Une conférence internationale sur l'énergie hydro-électrique se tient jusqu'à mercredi à Berne. Lors d'une manifestation lundi soir, des ONG ont dénoncé un cénacle de constructeurs de barrages. Ce que nient les organisateurs de la réunion.

La Déclaration de Berne est la principale organisation non-gouvernementale présente lors de la manifestation qui a réuni une soixantaine de personnes lundi soir. L’un de ses membres, Thierry Pellet estime que la conférence internationale «Hydro 2000» qui s’est ouverte lundi à Berne est en fait la réunion annuelle des constructeurs de barrages dans le monde. Thierry Pellet salue les préoccupations officielles de la conférence, à savoir les impacts sociaux et environnementaux des barrages. Mais il regrette que les ONG et les représentants des populations affectées par ces ouvrages n’aient pas été invités.

Ce que contestent en partie les organisateurs de la conférence. Le Suisse Raymond Lafitte, président de l’Association internationale d’hydro-électricité (International Hydropower Association) qui organise la conférence, précise que son association est justement une ONG. Raymond Lafitte ajoute que plusieurs autres ONG participent à la conférence, comme la Commission internationale des grands barrages ou la Commission mondiale des barrages (World commission on dams).

Les deux parties ont donc partiellement raison. Des ONG sont bien présentes à la conférence, mais elles rassemblent l’ensemble des acteurs concernés par les barrages. Les ONG critiques et les populations affectées, elles, ne sont pas spécifiquement représentées.

Sur le fond du problème, Thierry Pellet estime que les constructeurs de barrages tiennent en général peu compte de l’impact social et environnemental de leurs réalisations: «Prenons l’exemple de l’entreprise helvético-suédoise ABB, impliquée dans le barrage des Trois-Gorges en Chine. ABB estime que les retombées sociales et environnementales du barrage sont l’affaire du gouvernement chinois.»

Raison pour laquelle la Déclaration de Berne milite en faveur d’une réforme de la garantie des risques à l’exportation (GRE) qu’a accordé la Confédération à l’entreprise ABB pour sa participation chinoise. L’ONG vise en particulier la GRE (400 millions de francs) que Berne s’apprête à accorder à l’entreprise Sulzer, qui participe à la construction du barrage d’Ilisu en Turquie.

Raymond Lafitte estime, lui, que des équipementiers comme ABB ou Sulzer sont concernés par les conséquences sociales et environnementales de leurs ouvrages. Mais il souligne qu’ils n’interviennent qu’à hauteur de 20 pour cent dans la construction des barrages, l’essentiel de la réalisation dépendant des entreprises de travaux publics.

«Il faut intervenir au niveau gouvernemental», précise le professeur lausannois. Ce que ne conteste pas la Déclaration de Berne. Mais Raymond Lafitte défend une diplomatie des petits pas face à des gouvernements comme celui de la Chine: «leur donner des leçons est contre-productif».

Son association s’est ainsi donné pour but de faire passer le message des bonnes pratiques en matière de construction de barrages aux ministres concernés. Ces recommandations seront d’ailleurs au centre d’un rapport que va prochainement publier la Commission mondiale des barrages. Un rapport impatiemment attendu par la Déclaration de Berne et qui pourrait relancer le débat sur la GRE accordée à l’entreprise Sulzer.

Raymond Lafitte estime également que le débat est loin d’être clos: «La population mondiale va augmenter de trois milliards dans les 50 ans qui viennent, dont 70 pour cent dans les pays en développement. On estime donc qu’il faudra construire 30°000 barrages pour répondre à leurs besoins.»

Frédéric Burnand

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