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Affaire Elf-Aquitaine: le juge Perraudin met sous pression la justice allemande

Le procureur genevois qui enquête depuis deux ans sur l'affaire Elf-Leuna a adressé le résumé de ses investigations à la justice allemande. Il l'invite à entamer à son tour une enquête.

L’essentiel de rapport, adressé le 14 septembre dernier par le juge Paul Perraudin au procureur d’Augsburg, a été divulgué lundi par l’hebdomadaire hambourgeois der Spiegel. Le moins que l’on puisse dire est qu’il a fait des vagues en Allemagne.

L’hebdomadaire, qui s’est procuré une copie du document, révèle que le procureur genevois y détaille le circuit des sociétés off-shore et fondations diverses, gérées en Suisse, au Liechtenstein et au Luxembourg, par le financier allemand Dieter Holzer.

Parmi les 200 millions de francs qui ont transité sur ces comptes entre 1987 et 1997, plusieurs millions en provenance des caisses d’Elf ont fini par atterrir en Allemagne. Ils auraient été encaissés «au moins en partie», par «des responsables publics, des élus des hauts fonctionnaires».

Le procureur genevois évoque nominalement des proches de Helmut Kohl à l’époque, dont Holger Pfahls, secrétaire d’Etat en fuite depuis 1999. Il fait explicitement part de sa conviction à son collègue d’Augsburg, qui est à l’origine du scandale Kohl: les circuits de Dieter Holzer ont pu servir à répartir des revenus criminels qui justifieraient l’ouverture d’une enquête en Allemagne.

La Commission d’enquête parlementaire, mise en place pour faire la lumière sur le financement occulte de la CDU, est évidemment concernée au plus haut point par ces révélations.

Elle doit établir entre autres si le gouvernement Kohl était corruptible ou non. Et le rachat par Elf-Aquitaine de la raffinerie de Leuna, en ex-RDA, patronné à l’époque par François Mitterrand et Helmut Kohl, figure sur la liste des cas douteux.

Pour l’instant, aucun des cinq procureurs allemands qui enquêtent sur l’affaire Kohl n’a étendu ses investigations au dossier Elf -Leuna.

La passivité de la justice allemande dans cette affaire frise le «déni de justice», selon Hans-Christian Ströbele, responsable des Verts au sein de la Commission d’enquête parlementaire. Le libéral Burkhard Hirsch, désigné par le gouvernement Schröder, pour enquêter sur la disparition de documents officiels concernant l’affaire Leuna, estime quant à lui qu’«aucune raison politique ou judiciaire ne justifie cette passivité».

Le juge Perraudin, en tout cas, assure ses collègues allemands qu’il «reste à leur disposition pour tout renseignement supplémentaire».

Michel Verrier, Berlin

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