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Amnesty International n’a pas oublié Davos

Le 27 janvier 2001, les forces de police ont empêché les manifestants d'aller à Davos en stoppant les trains à Landquart. Keystone

Au chapitre Suisse, le rapport annuel d'Amnesty International met le doigt sur les restrictions de libertés constatées en marge du Forum économique.

Une fois de plus, Amnesty International (AI) s’inquiète des informations faisant état de mauvais traitements infligés par des policiers suisses à l’encontre de ressortissants étrangers. Notamment, lors d’expulsions et de renvois forcés.

Mais, dans son dernier rapport, l’organisation des droits de l’Homme s’attarde aussi et surtout sur les restrictions qui ont été «imposées au droit de réunion pacifique et à la liberté d’expression» lors de la tenue du Forum économique mondial de Davos en janvier 2001.

Le simple rappel des faits

Amnesty se contente de rappeler les faits: l’interdiction faite à des militants d’entrer en Suisse ou de gagner Davos, la violence des affrontements entre policiers et manifestants, la protestation des ONG auprès des autorités fédérales, les regrets de celles-ci et les réflexions qui ont suivi sur les problèmes de maintien de l’ordre durant le Forum.

Le rapport mentionne également l’arrêt du Tribunal fédéral «qui a estimé que, étant donné le risque de violence, l’interdiction de la manifestation de Davos n’avait pas bafoué le droit de réunion ni la liberté d’expression, mais que les autorités auraient dû envisager d’autres solutions».

«C’est une réponse qui ne nous a pas satisfaits», commente Catherine Morand, porte-parole de la section suisse d’Amnesty International. «Nous attendions quelque chose de plus précis concernant les mesures de maintien de l’ordre que nous ne trouvions pas adéquates, mais nous n’avons pas obtenu de réponses claires.»

C’est pourtant cette décision de la justice suisse que met en avant Stefan Staub, le conseiller juridique de la commune de Davos, pour repousser les reproches d’AI. «Le Tribunal fédéral a reconnu que le conseil municipal de Davos n’avait pas violé la Constitution suisse à propos du droit à manifester pacifiquement.»

Contestation et droits de l’homme

Il convient de replacer les événements de Davos dans le contexte plus large des manifestations anti-mondialisation. Le rapport d’Amnesty en fait mention dans les chapitres consacrés à l’Italie et à la République tchèque.

Gênes, lors du Sommet du G8 en juillet, tout comme Prague en septembre lors d’une réunion de la Banque mondiale, avaient été le théâtre d’affrontements violents, de répressions musclées et d’arrestations arbitraires. A Gênes, un manifestant avait même été tué par balle par un agent des forces de l’ordre.

Amnesty International déplore l’incapacité de ces deux pays à faire toute la lumière sur ces événements. L’organisation a demandé sans succès à l’Italie la constitution d’une commission d’enquête indépendante. Et elle craint fort que les investigations de la justice tchèque «ne soient pas conformes aux critères d’indépendance et d’impartialité exigés».

Reste que le mouvement de contestation des pratiques commerciales actuelles est lui-même devenu un phénomène sans frontières. Amnesty International, qui fonctionne comme un observatoire mondial des droits fondamentaux, veut bien évidemment rester attentive à ces événements.

Rappeler aux dirigeants leurs responsabilités

L’organisation n’en tire cependant pas de conclusions générales. Pas plus qu’elle ne partira en guerre contre la mondialisation comme d’autres ONG. Ce n’est pas son rôle. Par contre, Davos, New York, Porto Alegre et autres sont des rendez-vous qu’elle ne veut pas manquer. Sa secrétaire générale continuera d’y participer, à l’intérieur, et non dans la rue.

Cela correspond d’ailleurs aux nouveaux objectifs que s’est fixés l’organisation: pendant longtemps, elle a limité son action aux seuls droits civils et politiques, désormais elle mettra aussi l’accent sur le respect des droits économiques, sociaux et culturels. Et rappellera leurs responsabilités aux dirigeants économiques et politiques chaque fois qu’elle en aura l’occasion.

Mais quand elle voit les menaces qui pèsent sur les libertés fondamentales, ne serait-elle pas encline à prendre parti pour les manifestants plutôt que pour les policiers?

«Non, nous répond clairement Catherine Morand, nous avons reconnu à propos de Davos que les autorités devaient assurer la sécurité des participants, il n’était pas question pour nous de donner un quitus aux manifestants de porter atteinte aux personnes et aux biens.»

Une chose est sûre: Amnesty International sera à Davos l’an prochain. Avec le même message. Et la même vigilance.

Mais l’environnement aura peut-être changé. Comme le rappelle le conseiller juridique de Davos, la commune, le canton des Grisons et la Confédération viennent de créer la fondation «In the Spirit of Davos», dotée de 300 000 francs.

Son but : offrire durant le Forum une plate forme aux ONG qui critiquent la globalisation. Et le droit à manifester? «L’intention des autorités de la ville de Davos et du canton des Grisons de faire en sorte qu’une manifestation puisse avoir lieu, déclare Stefan Staub. Mais ce n’est pas possible de décider cela neuf mois avant l’événement.»


swissinfo/Bernard Weissbrodt avec Pierre Gobet

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