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Argent suisse pour candidats à la Maison blanche

Tant George W. Bush (à gauche) que John Kerry drainent des millions de dollars. Keystone/swissinfo

La course à la présidence des Etats-Unis est suivie de près et financée par quelques grandes entreprises suisses présentes sur le marché nord-américain.

Mais il est difficile de dire si le choix de soutenir George W. Bush ou John Kerry est uniquement motivée par la notion de profit économique.

Le sprint final en vue de l’élection présidentielle du 2 novembre est désormais lancé.

En Suisse aussi, de nombreux regards sont braqués sur cet événement. Pas seulement ceux des expatriés américains qui y vivent, mais également ceux des entreprises suisses présentes sur sol américain.

«Depuis plusieurs années, des entreprises et des groupes suisses financent les deux partis en lice pour les élections», indique Stefano Modenini, responsable d’economiesuisse au Tessin.

Selon ce représentant de l’organisation faîtière de l’économie suisse, le soutien apporté à l’un ou l’autre candidat ne serait pas dicté par des intérêts personnels. «Je crois que cela relève d’une sorte de veille tradition, plutôt que d’un calcul sur d’éventuelles retombées», déclare-t-il.

Les riches moins taxés

La stratégie financière choisie par George W. Bush permet cependant de nombreux investissements fructueux.

S’il était réélu, l’actuel président pourrait faire le bonheur des instituts financiers en procédant à des baisses d’impôt pour les plus hauts revenus. De quoi attirer l’attention des grandes banques…

Selon les chiffres fournis par le Center for responsive politics (CRP), un organisme qui surveille le financement des élections, la filiale américaine de l’UBS a participé au financement de la campagne des prochaines élections présidentielles ainsi qu’à celles pour l’élection du Congrès et des gouverneurs (également en automne).

Selon les dernières données disponibles (13 septembre), UBS Americas a dépensé un peu plus de 2 millions de dollars et figure au 5e rang des principaux contributeurs du secteur «finance/assurances/immobilier». Sur cette somme, 59% sont allés aux républicains et 39% aux démocrates.

«Nous suivons de près l’évolution de la campagne électorale, mais nous n’exprimons aucune préférence», déclare laconiquement Christoph G. Meier, porte-parole de l’UBS à Zurich.

Le Credit Suisse First Boston (CSFB) finance également les campagnes politiques 2004. Il pointe au 12e rang du secteur pour un total de 1,5 million de dollars. 53% de cet argent est allé aux républicains et 47% aux démocrates.

Cette différence signifie-t-elle que le Credit Suisse souhaite une réélection du candidat républicain? «No comment», répond son porte-parole.

Une chose est sûr: John Kerry risquerait bien de jouer les «trouble-fête» pour le secteur financier. Il a en effet l’intention d’augmenter les impôts pour les revenus supérieurs à 200’000 dollars.

Le club très fermé des «Rangers»

Quand George W. Bush a brigué pour la première fois la présidence, en 1999, la loi américaine ne permettait à un simple particulier que de verser un montant maximum de 1000 dollars (1250 francs) à un candidat.

Mais rien n’interdisait, surtout pour des personnages influents et puissants, de récolter de l’argent auprès d’un réseau d’amis et de connaissances.

C’est ainsi qu’est née l’idée de décerner le titre de «Ranger» ou de «Pioneer» à des gens qui réussissaient ainsi à faire couler respectivement 200’000 et 100’000 dollars dans les caisses du Parti républicain.

Parmi les membres du club très fermé des «Rangers» figuraient notamment Joseph J. Grano, CEO de l’UBS Wealth Management USA il y a quelques mois encore, et John Mack, ancien CEO du CSFB.

Un marché électrique ouvert

Alors que George W. Bush, en bon Texan, privilégie un avenir pétrolier, John Kerry est au contraire favorable à un développement des énergies renouvelables et à une réduction de la consommation de carburant.

Le candidat démocrate a promis que, s’il devenait président, il investirait massivement dans les infrastructures et il améliorerait la fiabilité de la distribution de courant électrique.

Cette volonté pourrait intéresser ABB. Leader mondial dans les technologies de l’énergie, le groupe helvético-suédois est en effet bien implanté sur le marché américain avec un chiffre d’affaires annuel de plus de 3 milliards de francs.

Pourtant, ABB n’a versé aux démocrates que moins de la moitié (44,2%) de ses contributions pour les élections présidentielles.

L’évolution du secteur dépendra en fait surtout de la nouvelle loi sur l’énergie qui sera discutée après les élections.

Quel prix pour les médicaments?

Dans le secteur pharmaceutique, c’est surtout l’évolution du prix des médicaments qui intéresse les entreprises.

George W. Bush ne souhaite pas vraiment voir l’Etat intervenir sur les prix, afin de favoriser la recherche.

En revanche, John Kerry souhaite apporter des modifications, notamment en encourageant des importations parallèles de médicaments à meilleur marché, par exemple du Canada.

En consultant la liste des donateurs, on constate que le secteur pharmaceutique donne sa préférence à George W. Bush. Ainsi Novartis – 9e donateur du secteur avec 275’000 dollars – accorde 73% de sa contribution aux républicains contre 27% aux démocrates.

Roche est plus mesuré. 8e donateur avec 289’000 dollars, le groupe bâlois attribue 47% à George W. Bush et 53% à son adversaire démocrate.

Des chiffres record

La signification de ces différents pourcentages est difficile à établir. La présence d’une entreprise sur un marché dépend de ces capacités économiques, mais aussi d’autres facteurs, comme sa faculté à recruter du personnel qualifié.

Il n’en reste pas moins que ces présidentielles 2004 sont les plus dispendieuses de l’histoire américaine. Selon les derniers chiffres du CRP, George W. Bush a réuni 338,6 millions de dollars pour sa campagne et John Kerry 311,9 millions.

Il y a quatre ans, l’actuel locataire de la Maison Blanche n’avait dépensé au total «que» 185,9 millions de dollars pour sa campagne contre 120 millions pour son adversaire Al Gore.

swissinfo, Luigi Jorio et Anna Luisa Ferro Mäder
(Traduction: Olivier Pauchard)

Les deux principaux contributeurs suisses à la campagne des deux candidats:
UBS Americas: 2 millions de dollars
Credit Suisse First Boston: 1,5 million de dollars

– La loi américaine interdit aux entreprises de financer directement une campagne électorale.

– Les collaborateurs peuvent cependant faire librement des dons aux Comités d’action politique (Political action commitees).

– Ce sont des organismes créés spécialement par des entreprises, syndicats, associations professionnelles et groupes de pression.

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