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Asile et étrangers: le gouvernement lance sa campagne

Keystone

A trois mois des votations fédérales, le ministre de Justice et Police lance la campagne du gouvernement en faveur des nouvelles lois sur l'asile et les étrangers.

Pour Christoph Blocher, ces textes permettront de préserver la tradition humanitaire tout en empêchant les abus. La gauche les trouve «inhumains». Elle soutient les référendums.

Les deux révisions, combattues par des référendums de la gauche, des Verts et des associations de défense des immigrés et des requérants d’asile, portent fortement l’empreinte du ministre de Justice et Police, élu de l’Union démocratique du centre (UDC, droite dure).

En effet, Christoph Blocher a remanié en cours de route ces textes dont l’élaboration remonte aux années où son ministère était encore tenu par la démocrate-chrétienne Ruth Metzler.

Selon le ministre, qui défendait lundi cette double révision au nom du gouvernement, la nouvelle loi sur l’asile rendra la Suisse moins intéressante pour les immigrés illégaux, les travailleurs au noir, les passeurs et les délinquants. Des mesures «ciblées» permettront cependant de garantir une protection aux personnes persécutées.

Des erreurs d’appréciation

Il n’est pas question de remettre en cause l’accueil des vrais réfugiés, souligne Christoph Blocher. Mais il s’agit plutôt d’accélérer le départ des personnes qui n’ont rien à faire en Suisse afin de garantir une place aux victimes de persécutions.

Impossible d’exclure toute erreur d’appréciation lors des décisions en matière d’asile, admet le ministre. Mais il affirme néanmoins avoir eu connaissance d’un seul dérapage grave: l’expulsions d’un demandeur d’asile birman vers le Myanmar où il a écopé d’une peine de 19 ans de détention.

Christoph Blocher balaie également les critiques concernant la suppression de l’aide sociale aux requérants déboutés.

Parmi les personnes frappées d’une décision de non-entrée en matière, qui connaissent ce régime depuis deux ans, «personne n’est mort de faim», rappelle t-il.

Pas de commentaires

Quant à la loi sur les étrangers, qui règle le sort des ressortissants non-européens, elle assure à la Suisse la main d’oeuvre dont elle a besoin, sans générer de chômage ni d’augmentation disproportionnée des charges liées aux assurances sociales, estime le ministre UDC.

Fidèle à lui-même, Christoph Blocher signale qu’il ne commentera pas le résultat des votations le soir du 24 septembre. «Je me contenterai d’indiquer la suite des événements, car je n’ai pas à décerner une note au peuple pour sa décision», précise-t-il.

«Le cœur et la raison»

Samedi 17 juin, les milieux quoi soutiennent le double référendum avaient appelé à une manifestation nationale, qui a réuni plus de 10’000 personnes à Berne.

L’ancienne ministre de l’Intérieur Ruth Dreifuss a notamment appelé a voter non «avec le coeur et la raison», estimant, à propos de la loi sur l’asile, que «plus le tri est sommaire et rapide, plus grand est le risque de refouler quelqu’un qui est réellement en danger».

Pour Ruth Dreifuss, il est «indigne pour la Suisse que des dizaines de milliers de personnes y vivent et y travaillent dans l’ombre et dans la peur».

Violation des droits de l’enfant

Par ailleurs, l’organisation humanitaire Terre des Hommes publie lundi une étude juridique affirmant que les lois révisées font régresser la protection accordée aux enfants et violent la convention de l’ONU sur les droits de l’enfant, que la Suisse a ratifiée en 1997.

Selon le professeur Walter Kälin, père spirituel du nouveau Conseil des droits de l’homme des Nations Unies (qui a préfacé l’étude), ni le gouvernement ni la majorité du parlement ne se soucient sérieusement des droits de l’enfant.

On en arrive à ce que des enfants subissent les conséquences d’un séjour clandestin aussi durement que les adultes. L’aide sociale par exemple, malgré une interdiction à ce sujet dans la Convention, peut être massivement réduite et des jeunes peuvent se retrouver incarcérés jusqu’à un an sans avoir commis de délit.

Pire encore: sous l’effet des nouvelles dispositions en matière d’asile, des enfants qui arrivent en Suisse sans parents, ni proches peuvent tomber dans l’illégalité et à la merci des réseaux criminels.

Les auteurs de l’étude illustrent leurs arguments par des cas concrets d’enfants qui finissent à la rue en Suisse, sont exploités par des adultes ou qui disparaissent.

swissinfo et les agences

– Approuvées en décembre 2005 au parlement, les révisions des lois fédérales sur l’asile et sur les étrangers seront soumises au verdict des urnes le 24 septembre.

– La loi sur l’asile supprime l’aide sociale aux requérants dont la demande a été refusée et double la période maximale de détention en attente d’un renvoi forcé, pour la porter à deux ans.

– Elle supprime également l’admission pour motifs humanitaires. En revanche, elle facilite le regroupement familial et l’accès au marché du travail pour les requérants admis à titre provisoire.

– La loi sur les étrangers privilégie les citoyens de l’Union européenne et limite l’admission des autres immigrants aux seuls travailleurs qualifiés.

– Elle marque également un durcissement des conditions pour l’octroi des permis de travail et pour le regroupement familial.

En Suisse, une loi votée par le Parlement est soumise au verdict du peuple par référendum si 50’000 citoyens le demandent.
Les deux projets de révision de la loi sur l’asile et sur les étrangers ont été attaqués par un référendum lancé par la gauche, les Verts, des organisations humanitaires et des associations qui soutiennent les réfugiés et les immigrés.
Le référendum contre la loi sur l’asile a recueilli 121’794 signatures.
Le référendum contre la loi sur les étrangers a recueilli 74’246 signatures.

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