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Bienne entre reine blanche et cavaliers noirs

64 cases qui font de Bienne une 'capitale' mondiale durant 15 jours. swissinfo.ch

Le temps d'un festival, la ville de Bienne est promue capitale échiquéenne de la planète. Tous les amateurs du jeu des rois ont les yeux rivés sur la cité seelandaise.

Malgré une concurrence acharnée et des moyens financiers limités, le tournoi biennois peut miser sur sa tradition pour attirer de très bons joueurs. Analyse d’un petit ‘phénomène’.

Bienne souffre sous le soleil écrasant de ce mois de juillet. En ce début d’après-midi, les rues du centre-ville sont désertes. Seules quelques silhouettes se découpent sur les murs. Elles fondent toutes dans la même direction…celle du Palais des congrès.

Au premier étage du bâtiment, dans la grande salle climatisée, c’est l’affluence des grandes kermesses. Mais le silence est assourdissant. Les jeux d’échec se comptent par dizaines et la concentration est palpable.

Ceux qui ne jouent pas ont les yeux braqués sur un énorme écran où sont projetées les parties qui mettent aux prises les grands maîtres. Au troisième jour du tournoi biennois, c’est le match opposant le jeune norvégien Magnus Carlsen à l’Azeri Teimour Radjabov qui retient l’attention.

Sur la grande scène, le numéro 31 de la hiérarchie mondiale et le matricule numéro 11 finiront par partager l’enjeu après plusieurs heures de lutte acharnée.

A respectivement 15 et 18 ans, les deux hommes sont déjà de véritables terreurs des 64 cases. Leur présence à Bienne permet au tournoi seelandais de conserver sa renommée mondiale.

L’ancien champion du monde russe Anatoli Karpov n’est-il pas encore régulièrement présenté comme le triple vainqueur du Festival international d’échec de Bienne?

Une grande tradition

«Ce tournoi a un passé! Mis à part Bobby Fischer, presque tous les grands joueurs sont venus à Bienne pour y jouer. Du point de vue de l’histoire des échecs, Bienne est un passage obligé», explique Georges Bertola.

Passionné d’échecs depuis de nombreuses années, ce dernier est également journaliste pour diverses revues spécialisées: «La publicité de Bienne n’est plus à faire et les joueurs viennent ici car il faut y être venu.»

«Gagner à Bienne représente réellement quelque chose au niveau des échecs, car le niveau du tournoi est très bon. Les conditions de ce festival sont excellentes, presque les meilleures que je connaisse», confirme Almira Skripchenko.

Victorieuse du tournoi des grands maîtres féminin l’an dernier, la jeune Moldave naturalisée française est là pour la cinquième fois de sa carrière.

«Je pense que ce tournoi est très important pour beaucoup de joueurs professionnels, poursuit-elle. Il fait la part belle aux femmes et je tiens absolument à être là.»

Pour le grand maître helvétique Yannick Pelletier, professionnel des échecs depuis plusieurs années, le tournoi seelandais est un événement incontournable de son calendrier. Mais pour d’autres raisons.

«En tant que Biennois, mon histoire avec le Festival ne date pas d’hier, se souvient-il. J’ai commencé par être spectateur, puis à aider à l’organisation du Festival, et, depuis quelques années, mon rêve de participer, sur la grande scène, au tournoi des grands maîtres est devenu réalité.»

«Je me sens ici chez moi. Les autres grands joueurs aiment venir ici car le palmarès est impressionnant et beaucoup espèrent y figurer un jour. En sachant que j’habite ici et que je connais les organisateurs, certains joueurs me demandent de jouer les intermédiaires.»

Dans le monde entier

Reste qu’avec un budget global de 362’000 francs, la tâche des organisateurs n’est pas si simple. «L’argent, véritable nerf de la guerre, est un réel problème», reconnaît le président du comité d’organisation, Peter Bohnenblust.

«Mais nous sommes soutenus par la ville de Bienne, le canton de Berne, quelques sponsors et plusieurs mécènes. Cet événement est important pour eux, il l’est également pour le pays.»

Pour attirer les meilleurs, le festival seelandais mise, outre sa tradition et ses moyens financiers limités, sur son sérieux et sur des contacts réguliers avec la plupart des joueurs.

Car si Bienne ne se bat pas pour assurer sa survie, il se bat pour conserver sa renommée internationale. La seule solution, obtenir la venue de grands noms des échecs.

«Nous essayons également toujours de donner une chance aux jeunes joueurs que nous estimons très prometteurs», relève Olivier Breisacher, membre du comité d’organisation et directeur du tournoi des grands maîtres.

«Lorsqu’ils deviennent des stars, ils s’en souviennent et reviennent volontiers à Bienne. C’est le cas de Magnus Carlsen et Teimour Radjabov qui soulignent régulièrement leur bonheur de revenir ici.»

Leurs exploits déchaînent les passions sur la toile. En moyenne 40’000 à 50’000 visiteurs suivent les parties retransmises en direct sur le site internet du festival. Sans compter le fait que celles-ci sont reprises par de nombreux autres sites très prisés des amateurs du jeu des rois de par le monde.

swissinfo, Mathias Froidevaux à Bienne

La 39ème édition du Festival d’échecs de Bienne se déroule du 22 juillet au 4 août 2006
Près de 600 joueurs (professionnels et amateurs) des cinq continents sont présents dans la cité seelandaise
Le Festival d’échecs de Bienne compte neuf tournois différents. Les deux tournois les plus prestigieux sont les tournois des grands maîtres masculin et féminin (sur invitation)
Le budget de la manifestation est de 362’000 francs
Le site du festival de Bienne enregistre entre 500’000 et 600’000 clics par jour.

– Le Festival international d’échecs de Bienne est un des plus anciens rendez-vous échiquéens d’importance mondiale. C’est le troisième plus vieux tournoi de jeu des rois au niveau européen.

– Avec le tournoi de Wijk aan Zee en Hollande et celui de Linares en Espagne, Bienne est l’un des seuls tournois d’importance qui se jouent chaque année. D’autres événements présentent une meilleure participation, mais ils se déroulent de manière ponctuelle uniquement.

– En 1976, 1985 et 1993, Bienne a été retenu dans la liste des ‘tournois interzonaux’ par la Fédération internationale d’échecs, soit une étape principale pour les joueurs en vue d’une qualification pour les Championnats du monde.

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