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Ces Africains dont Vaud ne veut pas

Les requérants sont sortis de leur silence pour la première fois. Keystone

Un groupe de requérants d'asile éthiopiens et érythréens déboutés a manifesté mardi après-midi à Lausanne pour demander sa régularisation.

C’est l’interdiction de travailler prononcée dernièrement par le canton de Vaud qui a fait sortir ces 175 personnes de leur silence.

«Nous travaillons depuis des années», «nos enfants sont nés en Suisse» ou «nous payons 10% de notre salaire pour la taxe d’asile», tels étaient les slogans brandis par une centaine d’Ethiopiens et d’Erythréens rassemblés devant le Palais de Rumine, au pied de la vieille ville de Lausanne, mardi vers 13h30.

Ils s’étaient postés là pour attendre les députés au parlement cantonal, dont la séance commençait une demi-heure plus tard.

Les manifestants représentaient ce qu’on appelle généralement le groupe des 175, les requérants d’asile dont les dossiers ont été écartés d’emblée par l’Office fédéral des migrations (ODM) en août 2004 sans avoir été examinés. Ils étaient restés discrets jusqu’à présent.

Interdiction de travailler

Mais l’interdiction de travailler prononcée par le gouvernement vaudois il y environ un mois les a poussés à attirer l’attention sur leur situation, ont expliqué mardi aux médias des représentants du groupe. Ces requérants ne peuvent pas être renvoyés dans leurs pays d’origine, qui refusent de les réadmettre tant qu’ils ne signifient pas clairement leur volonté de rentrer.

Et maintenant, ils sont sommés d’arrêter de travailler à fin juillet alors qu’ils bénéficient d’une autorisation depuis plusieurs années pour la plupart (permis N), s’indignent-ils. Ne leur restent que l’assistance ou la clandestinité. Face aux médias, ils ont crié leur «profonde déception» et leur «colère», faisant valoir qu’ils étaient intégrés, qu’ils payaient leurs impôts et qu’ils cotisaient à l’AVS, la caisse publique de retraites.

«Discrimination»

Les requérants éthiopiens ou érythréens déboutés se rebiffent de manière plus générale contre le fait que leurs dossiers n’ont même pas été examinés par l’ODM. Ils estiment être «victimes de discrimination de la part des autorités suisses en raison de leur nationalité».

Les gouvernements d’Ethiopie et d’Erythrée ne coopèrent pas avec la Confédération pour reprendre les requérants déboutés, a expliqué Karine Povlakic, du Service d’aide juridique aux exiliés (SAJE). «La situation est bloquée depuis dix ans, et la Suisse est agacée.» Selon le groupe des 175, la Confédération lui a fait «payer» cette absence de collaboration en écartant d’office ces dossiers.

«Ni régularisables, ni expulsables»

«Nous savions que nous allions nous heurter aux mêmes problèmes que lors de la procédure d’asile», a expliqué de son côté le porte-parole de l’ODM, Dominique Boillat. «Les Ethiopiens et les Erythréens ne sont ni régularisables, ni expulsables.»

Ils ne sont pas régularisables car ils ne se trouvent pas en situation de détresse personnelle grave et ne risquent pas de rétorsions dans leurs pays, selon Dominique Boillat. Ils ne sont pas expulsables parce qu’ils ne collaborent pas à leur renvoi et n’obtiennent donc pas les papiers nécessaires de leurs pays d’origine.

«Nous ne voyons pas de solution pour l’heure», a dit le porte- parole de l’ODM, qui concède que la situation est «douloureuse sur le plan humain». Contrairement aux autres cantons, où le permis N est supprimé dès que la demande d’asile est rejetée, Vaud a longtemps laissé travailler les requérants d’asile déboutés. Mais le «changement de politique» a mis abruptement fin à cette pratique.

swissinfo et les agences

– En 2002, les autorités du canton de Vaud ont entamé une procédure de régularisation pour quelque 2000 requérants d’asile dont la demande avait été refusée par la Confédération.

– Après un premier examen, le gouvernement cantonal a transmis les dossiers de 1280 personnes à Berne, en demandant une révision de la décision de renvoi.

– L’Office fédéral a écarté sans examen 175 cas de requérants venus d’Ethiopie et d’Erythrée. Mais ces gens ne peuvent pas être renvoyés car les autorités de leurs pays s’opposent à un rapatriement forcé.

– Sur les 1105 cas restant, 582 personnes ont obtenu un droit d’admission provisoire et 523 viennent de se voir signifier une réponse négative de Berne.

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