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Climat: «Faire ce que notre responsabilité exige»

Keystone Archive

A moins de 35 jours de la Conférence de Copenhague sur le climat, avec le risque d'échec qui augmente, Alliance Sud met la pression. Sur le Gouvernement notamment, car le temps presse, assure Rosmarie Bär, coordinatrice des ONG pour la politique de développement.

En fin de semaine dernière, l’organisation qui regroupe six ONG de développement suisses a exprimé ses exigences adressées au Conseil fédéral.

Un Gouvernement suisse qui doit encore finaliser le mandat de négociation de sa délégation pour Copenhague. La position de Rosmarie Bär, en charge du dossier climatique pour Alliance Sud.

swissinfo.ch: Quel est à vos yeux le principal enjeu de la conférence de Copenhague sur le climat en décembre?

Rosmarie Bär: Le but principal de Copenhague, c’est la sauvegarde de notre avenir commun, à nous les humains. Nous avons besoin d’un accord sur le climat pour faire suite à la période couverte par la première phase du Protocole de Kyoto, après 2012 donc. Cet accord doit permettre la limitation des émissions de CO2 dans le monde afin que du changement climatique, nous ne tombions pas dans la catastrophe climatique.

swissinfo.ch: Et comment se présente ce sommet?

R.B.: Les choses vont très mal en ce moment. Les pré-négociations ont montré que tout est bloqué. Les pays industrialisés restent sur leur position, qui veut que les pays en développement et les pays émergeants doivent d’abord dire comment ils veulent contribuer à la protection du climat à l’avenir.

Les pays en développement restent eux aussi sur leur position, qui veut que le changement climatique résulte des émissions de CO2 des pays industrialisés. Les pays industrialisés ont une responsabilité historique à assumer en changeant leurs pratiques chez eux tout en aidant sur le plan technologique et financier les pays en développement à s’adapter au changement climatique.

Quant aux Etats-Unis, gros émetteurs de CO2, ils n’ont jusqu’ici rien mis sur la table, aucune position. Autrement dit, tout est bloqué. Je ne suis pas optimiste sur la possibilité d’un accord climatique substantiel à Copenhague. Un accord pour dire: nous éviterons ensemble que le monde se réchauffe de plus de 2°C [hausse maximale par rapport à l’ère préindustrielle permettant une adaptation au changement climatique selon le consensus scientifique].

swissinfo: Pour vous, mieux vaut-il un accord limité, même bancal, ou pas d’accord du tout?

R.B.: Je pense plutôt qu’il n’y aura pas d’accord contraignant. Mais plutôt, de la part des ministres présents, une déclaration politique commune, dans laquelle ils affirmeront leur volonté de s’en tenir au 2°C maximum, leur volonté d’obtenir des réductions d’émissions d’ici 2020, et de financer [les pays en développement].

Mais les décisions concrètes – qu’est-ce que chaque pays doit faire? Quels financements pour qui? – n’y figureront assurément pas. Ces élément seront repris lors de négociations ultérieures, si nous avons de la chance.

Or, le climat n’attend pas. Nous savons grâce aux scientifiques que nous devons passer d’un société basée sur les énergies fossiles à une société post-énergies fossiles en moins d’une génération. Le temps urge et le politique avance trop lentement.

swissinfo: Qu’attendez-vous de la part du Gouvernement suisse?

R.B.: Nous réclamons pour notre pays des objectifs ambitieux de réduction des émissions de CO2. La réduction de 20% [d’ici 2020 par rapport à 1990], plus 10% réalisés à l’étranger [achat de quotas d’émission] offerts par le Conseil fédéral, cela ne correspond pas à ce que nous devrions et pourrions faire sous l’angle de notre responsabilité.

Nous déplorons aussi le fait que le Gouvernement ne fixe pas d’objectif pour 2050. La transition vers une société post-énergies fossiles doit intervenir d’ici là. Le Conseil fédéral ne dit rien non plus des moyens qu’il veut mettre à disposition pour aider les pays en développement et les pauvres.

Avant tout, nous pensons que la Suisse pourrait jouer un rôle plus actif, précurseur, et contribuer à débloquer ces négociations. Mais cela n’est possible que si elle développe, sur le plan intérieur aussi, une politique énergétique et climatique crédible.

Or, le Gouvernement n’a pas du tout fait encore de la politique climatique un objectif crucial. Il s’occupe beaucoup de sauvetage des banques, de protéger UBS des juges américains. Mais comment contribuer en fonction de notre part de responsabilité à l’avenir commun de l’humanité et à la sauvegarde des conditions fondamentales à la vie, ce n’est pas encore une objectif crucial au Palais fédéral.

swissinfo: Mais dans le monde politique comme dans la société civile, certains réfutent les causes humaines du changement climatique et d’autres veulent aller vite. Le Gouvernement suisse n’est-il pas contraint simplement de composer?

R.B.: Oui, c’est la difficulté. Mais malgré tout, le devoir d’un gouvernement et du politique consiste à rendre possible le nécessaire. C’est dans ce but qu’ont été créés les Etats: organiser pacifiquement la vie commune des hommes. Le changement climatique met en danger la sécurité du monde. Et le Gouvernement devrait jouer un rôle tout autre plutôt que de s’en tenir à l’éternel mode du compromis. Il pourrait offrir plus à Copenhague et si un compromis est trouvé, revenir avec en Suisse. Mais il ne doit pas dès le départ y aller avec le plus petit dénominateur commun.

swissinfo: Des pays comme la Chine ou l’Inde doivent-ils eux aussi annoncer des objectifs d’émissions de gaz à effet de serre, selon vous?

R.B.: Sans la contribution des pays émergeants, nous ne pourrons pas résister à la catastrophe climatique. Ces pays y sont prêts. Ils ont des plans nationaux et réfléchissent bien plus que nous le faisons aux manières de combattre les émissions. Mais ils ne viendront pas tendre la main en faveur d’un accord tant que les pays industrialisés n’assument pas leur responsabilité historique.

Pierre-François Besson, swissinfo.ch

La Loi sur le CO2 est la base de la politique climatique en Suisse. Une révision de cette loi est actuellement en préparation pour la période après 2012.

Le Gouvernement propose une réduction d’ici 2020 de 20% au moins des émissions de gaz à effet de serre par rapport à celles de 1990.

Le Suisse est prête à relever l’objectif de réduction à 30%, selon l’issue de la conférence des Nations unies sur le climat de Copenhague (7-18 décembre).

L’initiative populaire «pour un climat sain» va plus loin et demande l’inscription dans la constitution d’une réduction d’au moins 30% d’ici 2020 des émissions. Elle devrait passer devant le peuple d’ici l’été 2011.

A long terme, la Suisse se rallie aux conclusions du Giec et demande une réduction mondiales des émissions de gaz à effet de serre de 50% à 85% d’ici 2050.

Alliance Sud est l’organisation commune des six organisations actives dans la coopération au développement: Swissaid, Action de Carême, Pain pour le prochain, Helvetas, Caritas et Eper.

Son but est d’influencer la politique de la Suisse en faveur des pays pauvres, dans les domaines du commerce international, de l’eau, de la justice fiscale, mais aussi du climat.

Elle exige de la Suisse qu’elle diminue d’au moins 40% ses émissions de CO2 d’ici 2020 et d’au moins 90% d’ici 2050 (par rapport à 1990) – cela, par des mesures au plan domestique.

Selon elle, la Suisse doit aussi aider les pays pauvres à s’adapter aux conséquences du réchauffement climatique dont elle est coresponsable, et leur offrir un accès bon marché et rapide aux technologies vertes.

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