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Controverse autour des pistolets à électrochocs

Actuellement, les «Tasers» ne sont utilisés en Suisse que par certaines unités spéciales de la police. Keystone

Malgré les réserves émises par un comité de l'ONU, l'usage de «Tasers» pourrait être élargi en Suisse. Mais certaines voix s'élèvent contre cette arme à impulsions électriques.

Le Comité de l’ONU contre la torture a estimé récemment que ce type de pistolet constituait «une forme de torture» et que son usage pouvait avoir des conséquences mortelles.

Les récents décès causés à l’étranger par l’usage de pistolets à électrochocs («Tasers»), ainsi que la condamnation récente de ce type d’armes par le Comité de l’ONU contre la torture, ont contribué à relancer le débat en Suisse également.

Actuellement, ces pistolets équipent déjà les unités spéciales des polices cantonales de Berne, Bâle-Campagne, Bâle-Ville et St-Gall notamment, ainsi que ceux des corps de police municipaux de Berne et Zurich. Leur utilisation généralisée n’est en revanche pas autorisée.

En janvier 2006, dans le cadre du débat sur la loi sur l’usage de la contrainte (LusC), le Conseil fédéral (gouvernement) s’était prononcé contre l’usage d’armes à électrochocs – y compris les fameux «Tasers» – lors par exemple d’expulsions forcées de requérants d’asile récalcitrants.

Le ministre suisse de Justice et Police Christoph Blocher n’a pour sa part jamais caché qu’il était favorable à ce type de moyens de contrainte. Il serait allé jusqu’à tester sur lui-même les effets du pistolet à impulsions électriques. Une information que son porte-parole n’a ni confirmée ni démentie.

Début octobre, le Conseil national (Chambre basse) s’est aligné sur la position du ministre en se prononçant pour la présence des pistolets à électrochocs sur la liste des armes autorisées dans le cadre des expulsions d’immigrés récalcitrants.

De son côté, le Conseil des Etats (Chambre haute) n’a pas encore pris position sur ce sujet. Mais l’une de ses commissions a déjà émis, par seulement six voix contre cinq, un avis opposé à celui du Conseil national, rejoignant la position du gouvernement.

Une forme de torture

Au niveau des Nations Unies, le Comité de l’ONU contre la torture, a estimé en fin de semaine passée que «l’usage de ces armes provoque une douleur aigüe, constituant une forme de torture.» Composé de dix experts indépendants, ce comité était réuni à Genève.

«Dans certains cas, l’usage de ces armes peut même causer la mort, ainsi que l’ont révélé des études fiables et des faits récents survenus dans la pratique», a fait valoir le comité dans des recommandations délivrées à l’Etat portugais, qui a acheté pour sa police des armes à impulsions électriques «Tasers X26».

Le Portugal «devrait envisager de renoncer à l’usage des armes électriques ‘Taser X26’ dont les conséquences sur l’état physique et mental des personnes ciblées seraient de nature à violer les dispositions de la Convention anti-torture de l’ONU», ont recommandé les experts.

Au Canada, le ministre de la Sécurité publique a ordonné dernièrement un réexamen des procédures d’utilisation du «Taser» après la mort d’un homme ayant reçu une décharge électrique. Il s’agissait du troisième décès récent lié à l’usage de ce type d’armes dans ce pays.

Armes létales?

Censés être utilisés seulement en dernier recours, les armes à impulsions électriques le sont en réalité trop souvent dans des situations qui ne le nécessiteraient pas forcément, selon les milieux de défense des droits de l’homme.

Selon Amnesty International, plus de 280 personnes sont ainsi décédées aux Etats-Unis après avoir subi une décharge due à un «Taser».

Aux Etats-Unis toujours, plusieurs procédures judiciaires sont actuellement en cours contre l’entreprise qui fabrique ces armes à électrochocs, Taser International, basée en Arizona. Mais plus de 50 cas litigieux ont déjà été renvoyées en justice ou gagnés par l’entreprise.

Techniquement, les «Tasers» ne sont pas considérés comme des armes létales. Mais des gouvernements et des ONG s’interrogent sur ce type de pistolets et les problèmes éthiques qu’implique leur usage. Selon certaines ONG, dont Amnesty International, le Taser est en effet inhumain.

Amnesty et d’autres ONG défendent par conséquent l’idée d’un moratoire sur ce type d’armes, jusqu’à ce que les scientifiques trouvent une façon de rendre leur utilisation moins dangereuse, ou du moins une limitation de leur usage aux seules situations impliquant une menace de mort ou de blessure grave.

swissinfo et les agences

La marque Taser est un acronyme pour «Thomas A. Swift’s Electric Rifle». Son inventeur Jack Cover, originaire d’Arizona, a conçu cette arme en 1969. Il l’a baptisée du nom d’un héros d’une bande dessinée américaine à succès de l’époque, Tom Swift.

Le «Taser» propulse deux électrodes reliées à un fil isolé qui libèrent une onde électrique d’environ 50’000 volts durant au maximum 5 secondes au contact d’une cible. Cette onde bloque le système nerveux. La portée maximale du «Taser» est de 10 mètres.

Selon les experts, un choc d’une demi-seconde provoque une douleur intense et des contractions musculaires. Un choc de deux ou trois secondes immobilise momentanément l’individu et peut le faire tomber à terre. Enfin un impact plus long désoriente complètement la victime et la paralyse jusqu’à plus d’un quart d’heure.

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