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A Zurich, on pourra enterrer ses cendres en forêt

Une forêt où reposer en paix. Ville de Zurich

Première suisse: les citadins zurichois peuvent désormais choisir un arbre comme dernière demeure, au lieu du crématoire.

La Ville dit avoir reçu de très nombreuses demandes. Elle offre le choix entre un arbre «commun» et un arbre familial.

La Ville de Zurich innove: désormais, ses habitants pourront choisir un arbre dans une forêt des hauts de la ville, sur la colline de Höngg, pour y déposer les cendres d’un proche décédé.

Entre 300 et 400 arbres, de toutes variétés, sont déjà à disposition sur une surface de 3,3 hectares. Présentée à la presse mardi, la parcelle jouxte un des 19 cimetières municipaux. Un deuxième site est d’ores et déjà prévu.

Les services municipaux ont désigné ce qui sera le premier «arbre commun» – à comparer avec la fosse commune des cimetières: un chêne de quelque 150 ans.

Un trou de 80 centimètres de profondeur a été creusé au pied de l’arbre pour accueillir les cendres du premier intéressé. «Les cendres sont absorbées par les racines de l’arbre», explique l’ingénieure municipale Yvonne Aellen.

Les pompes funèbres étant, à Zurich, assumées par la Ville, la gratuité du service est garantie tant que l’on se contente de l’arbre «commun». Seuls les frais d’entretien seront facturés, d’un montant forfaitaire de 200 francs.

Trente ans de location

Le choix d’un arbre familial coûtera plus cher. La famille qui le désire devra débourser 1000 francs, en plus des frais d’entretien, pour la location d’un arbre pendant trente ans, renouvelables. «C’est la durée habituelle dans les cimetières», précise Yvonne Aellen.

Le choix sera fait avec des employés municipaux. Dès que la famille se sera décidée, l’arbre sera enregistré.

«Nous avons mis au point un registre avec les distances entre les arbres. Il ne peut y avoir de confusion, indiquent les responsables du projet. Néanmoins, il est fortement conseillé de bien noter la position de l’arbre, voire de prendre une photo. La forêt se transforme vite…»

Les familles pourront organiser la cérémonie de mise en terre des cendres comme elles le désirent. Mais aucun plaquette ne sera posée sur l’arbre choisi. La municipalité souhaite que l’endroit reste à l’état naturel.

Individualisme

«Il ne faut pas qu’on voie et qu’on dise que c’est la forêt des cendres», prévient Felix Mahrer, chef du Service des forêts.

C’est pourquoi les fleurs ou autres souvenirs devront être déposés dans un endroit réservé au cimetière. Aucun nouveau chemin ne sera construit. C’était une condition posée par le Canton pour autoriser le projet.

La Ville explique cette nouvelle offre par la volonté de satisfaire les demandes qu’elle reçoit. «La manière de prendre congé d’un proche a énormément changé ces cent dernières années», rappelle Marianne Herold, coresponsable des Pompes funèbres municipales.

«Actuellement, nous assistons à un individualisme toujours plus grand. L’enterrement devient un événement, avec apéro au cimetière, musique, lâcher de ballons.»

L’abandon progressif des rituels traditionnels a pour corollaire l’invention de nouveaux rituels, poursuit la responsable. Selon elle, l’apparition de sites funéraires sur internet participe de ce besoin.

Paradoxe

Cet individualisme n’est pas exempt de paradoxes: le conseiller municipal Martin Waser affirme ainsi qu’un quart des personnes décédées sont enterrées dans des fosses communes, contre 5% en 1980. Selon lui, ce renoncement à un emplacement particulier est voulu et conscient.

En Suisse romande, Pierre-Alain Barraud est également convaincu de nouveaux besoins en ce qui concerne le deuil, l’adieu aux proches et les lieux de dernière demeure.

Ancien forestier, il est aujourd’hui représentant romand de l’association Friedwald, la première à avoir lancé en Europe l’idée de la location d’arbres pour y déposer des cendres.

«Pour les personnes qui se sont éloignées de la religion, le cimetière n’est pas toujours le lieu le plus adapté pour un enterrement. Choisir un arbre, c’est trouver une façon plus personnelle de prendre congé.

Notre philosophie, c’est aussi que les racines absorbant les cendres de la personne décédée, l’arbre devient un symbole de renouvellement de la vie», explique Pierre-Alain Barraud.

Opposition vaudoise

L’ancien forestier estime en outre que beaucoup de gens recherchent un nouveau contact avec la nature et avec la forêt en particulier. «Avoir son arbre, dit-il, cela permet de concrétiser ce retour à la forêt. Les gens peuvent alors s’identifier à un arbre.»

L’association Friedwald loue des arbres à des privés, paysans ou non, qui restent propriétaires et s’engagent à s’occuper des parcelles.

En Suisse romande, la commune de Glovelier (JU) est la première à avoir concrétisé un projet Friedwald. Un terrain est aussi en discussion dans le canton de Genève.

Dans le canton de Vaud, le projet dépend d’une procédure pendante devant le Tribunal administratif. «Craignant qu’une nouvelle servitude pour la forêt ne lui soit nuisible, le Service cantonal des forêts a fait opposition à deux projets, explique Pierre-Alain Barraud.

Mais cette crainte est selon lui infondée. «Nous ne changeons rien à la forêt, si ce n’est que les arbres loués portent une petite plaquette ronde pour être reconnaissables.» Le Tribunal se penche la semaine prochaine sur ce cas. Une décision n’est pas attendue avant six semaines.

swissinfo, Ariane Gigon Bormann, Zurich

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