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«Nous avons été sourds aux voix critiques»

Keystone

Davos et la crise, la crise et Davos. Cette année, l'un ne va pas sans l'autre, explique le directeur général du World Economic Forum (WEF), dont la réunion annuelle commence mercredi. Un André Schneider qui invite aussi à un mea culpa général.

Chef des opérations, André Schneider a rejoint le WEF en 1998 après une carrière dans la musique et les technologies de l’information. Il est aussi vice-président du conseil de fondation du forum.

swissinfo: L’édition 2009 est une année record en terme de participation. Qu’est-ce qui fait cet attrait?

André Schneider: En un temps de crise comme celui que l’on vit, où l’incertitude reste très importante, les gens ont besoin de parler les uns avec les autres. Ils ont compris la nécessité de parler avec d’autres domaines économiques, d’autres régions du monde, avec les représentants des gouvernements, avec la société civile.

Ce forum est l’unique endroit où, informellement, tous ces gens peuvent se rassembler, pour y analyser ensemble d’où l’on vient et discuter des solutions possibles pour voir où aller et comment.

swissinfo: Ce sont largement les responsables de la crise actuelle qui se réunissent à Davos, non?

A. S.: Ils sont là parce qu’ils doivent être partis prenantes à la solution à trouver. Ce sont les dirigeants de la finance. Il n’est pas possible de plancher sur une solution d’avenir en excluant un domaine très important pour nous tous – on le voit avec la crise!

D’un autre côté, de nombreux participants des autres domaines, touchés par les résultantes de la crise, n’ont pas été impliqués dans le démarrage de celle-ci. Il faut être juste: tous les acteurs de l’économie n’ont pas joué un rôle dans la survenance de cette crise. Ceux-là souffrent aussi de cette crise.

swissinfo: Mais que peut Davos face une crise systémique, qui bouleverse bien des manières de penser?

A. S.: D’abord, Davos peut lancer une discussion sur les actions à court terme qui sont actuellement entreprises. Il faut tout de même se rappeler que le démarrage de cette crise est lié aux taux directeurs très bas fixés par la banque centrale américaine. Avec les actions décidées aujourd’hui, il faut faire attention à ne pas provoquer la prochaine crise qui, selon notre expérience, sera pire encore.

Davos, deuxièmement, permet une discussion autour des formes possibles des pratiques économiques à venir. Des pratiques devant intégrer les dimensions de durabilité. Si nous avons besoin d’une croissance économique pour répondre aux grands défis mondiaux, il faut aussi réfléchir aux formes d’une économie durable, qui intègre les défis climatiques et écologiques.

swissinfo: L’éclatement de la crise, pas grand monde ne l’a vu venir, y compris à Davos…

A. S.: Ce n’est pas vrai. Nous en avons parlé depuis deux éditions et des débats très critiques ont eu lieu sur la question. Mais tout le monde doit faire son mea culpa: nous n’avons pas été capables d’écouter les voix critiques et les signaux qui étaient là.

Il faut aussi comprendre que le WEF n’est pas un gouvernement. Nous ne prenons pas de décisions. Nous essayons de susciter des débats critiques qui permettent aux décideurs d’identifier les défis à venir, les risques qu’il faut comprendre, les décisions possibles.

Nous avons clairement vu l’année dernière que lorsque tout le monde penche dans le même sens, parce que c’est plus facile politiquement, il est très difficile de faire passer ce type de message.

Vu la crise, on va peut-être mieux écouter ces voix critiques à Davos cette année et mieux intégrer les défis réels, déjà discutés l’an dernier, mais que tout le monde n’a pas pris en compte.

swissinfo: La crise économique et financière ne risque-t-elle pas justement de faire oublier les autres problèmes?

A. S.: C’est un défi pour nous. Il faut discuter de la crise financière et de la crise économique qui en découle. Mais il ne faut pas oublier les autres défis importants – le changement climatique, la crise alimentaire, la crise énergétique, l’eau, et bien d’autres. Ces défis ne vont pas disparaître d’eux-mêmes.

Ne pas trouver de réponse à la crise économique et financière, qui permettra de mieux intégrer ces différents défis, c’est se préparer la prochaine crise dans cinq ans, puis la suivante, avec une situation allant en empirant.

Interview swissinfo, Pierre-François Besson

Slogan. Cette édition 2009 réunira plus de 2500 participants de 96 pays du 28 janvier au 1er février. Elle est placée sous de signe de «Redessiner le monde de l’après-crise».

Figures. Parmi les personnalités attendues, Vladimir Poutine, Angela Merkel, les premiers ministres chinois Wen Jiabao, japonais Taro Aso et britannique Brown, les ministres français Bernard Kouchner et Christine Lagarde, le secrétaire général de l’ONU, le patron de la commission européenne, etc, etc.

Débuts. Le World Economic Forum a été fondé par Klaus Schwab sous le nom de Management Symposium à Davos en 1971.

Forme. Le World Economic Forum est une fondation sans but lucratif de droit privé suisse, qui prêche un entrepreneuriat dans l’intérêt public global. Financé par un millier d’entreprises membres, le WEF a son siège à Cologny, dans le canton de Genève.

Visées. Cette organisation emploie 300 collaborateurs de 52 pays. Elle se veut une plateforme de dialogue reliant les décideurs, un outil d’aide à la décision stratégique, un catalyseur pour différentes initiatives visant à «améliorer l’état du monde».

Mondial. Le WEF organise à travers le monde toute une série de symposiums, promeut des initiatives et des groupes travail, réalise des études et propose un programme de master.

Santé. Selon André Schneider, la fondation est épargnée par la crise sur le plan financier. En milieu d’exercice, les budgets sont respectés. «Nous sommes en pleine forme», dit le directeur général.

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