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Des athlètes modernes, pas des robots

Le Musée olympique de Lausanne s'intéresse au rapport parfois ambigü entre sport et science. Musée Olympique

Le Musée olympique de Lausanne a mis sur pied une exposition consacrée aux rapports entre sport, athlètes et science. Un voyage fascinant pour rappeler que la technologie peut servir le geste athlétique, sans toutefois s’y substituer.

Mondial 2010 de football en Afrique du Sud, huitième de finale Allemagne-Angleterre. A la 38e minute, alors que les Allemands mènent 2-1, le tir du Britannique Franck Lampard frappe la barre transversale, rebondit au moins un demi-mètre derrière la ligne de but puis ressort. L’arbitre, suivant l’avis du juge de touche, n’accorde pas la réussite et laisse le jeu se poursuivre. La sélection allemande remportera finalement le match sur le score de 4 à 1.

Cet épisode récent, exposé au regard de centaines de millions de spectateurs autour du globe grâce aux ralentis de la télévision, a suscité une âpre polémique et d’interminables débats sur la nécessité de doter l’arbitrage de ressources technologiques plus modernes.

L’exposition «athlètes & sciences», à voir jusqu’au 30 mars 2011 au Musée olympique de Lausanne, présente précisément au public la manière dont la technologie est entrée au service du quotidien des athlètes, des entraîneurs, des arbitres et des spectateurs.

Défier les champions

«La science est toujours davantage présente dans le monde du sport. Il suffit de penser aux nouveaux matériaux et à l’utilisation de l’informatique [pour améliorer par exemple la coque d’Alinghi]. Certaines applications sont récentes. D’autres, comme la recherche d’aliments capables d’améliorer les performances, remontent à la nuit des temps», explique Frédérique Jamolli, conservatrice du Musée olympique.

L’exposition a pour fil conducteur les divers secteurs d’application de la science au domaine sportif. Les visiteurs peuvent par exemple comparer leur temps de réaction à celui d’Usain Bolt, qui avait bondi des starting-blocks aux Jeux de Pékin en 165 millièmes de seconde, contre 235 millièmes de moyenne pour une personne normale.

Il est également possible d’affronter virtuellement un pilote de Formule 1 grâce à un test de réflexe. Ou encore de comparer sa masse graisseuse à celle d’un marathonien (2-3%) et à celle d’un haltérophile professionnel (au-delà de 40%).

Du fauteil à la piste

L’exposition montre également comment des technologies initialement destinées au grand public sont devenues un instrument utilisé par les athlètes et leurs entraîneurs. Le cas du SimulCam est emblématique. En 1998, à l’occasion de la descente du Lauberhorn à Wengen, les téléspectateurs ont pu pour la première fois visualisé la course de deux skieurs dans une même séquence, comme si les athlètes s’affrontaient en direct sur la piste.

Cette innovation, particulièrement appréciée des chaînes de télévisions, a rapidement suscité l’intérêt des athlètes et des entraîneurs, qui l’utilisent désormais abondamment pour corriger les erreurs et tâcher d’améliorer les trajectoires.

Destin similaire pour la technologie Stromotion, utilisée par exemple dans le patinage artistique pour fragmenter graphiquement le mouvement d’un athlète. Ce support est aujourd’hui employé par les juges pour évaluer les performances artistiques. Ce n’est pas un hasard si aux Jeux olympiques de Turin, 60% des athlètes et des techniciens ont eu recours à ce type d’instruments.

Licite et illicite

La réflexion sur la symbiose entre sport et science touche inévitablement à la problématique des limites admises. Frédérique Jamolli souligne l’importance de sauvegarder en particulier trois éléments: «La santé de l’athlète, l’intérêt du sport et la garantie que les concurrents disposent des mêmes opportunités au départ».

Dans cette optique, l’exposition aborde également la thématique du dopage technologique (la pharmacologie fait partie intégrante d’une exposition permanente). Un exemple intéressant: l’avènement des combinaisons en polyuréthane pour les nageurs.

Grâce à l’utilisation de ces combinaisons, 108 records du monde de natation ont été battus en 2008. Cette année-là, onze athlètes sont parvenus à nager le 100 mètres en moins de 48 secondes. Durant les sept années précédentes, seul un nageur avait réussi pareille performance.

Suite à ces exploits hors du commun, la Fédération internationale de natation a interdit le port de ces combinaisons. Le discours est en revanche différent en ce qui concerne l’utilisation de la chambre hypobare, qui permet de simuler les conditions d’entraînement en altitude: initialement interdite, la machine a été homologuée par la suite. «Cela démontre que de telles questions restent toujours ouvertes», souligne Frédérique Jamolli.

L’athlète ne va pas disparaître

Mais toute cette technologie ne risque-t-elle pas de tuer le sport? Arriverons-nous un jour – comme supposé de manière provocatrice sur un panneau de l’exposition – à une situation dans laquelle le marathon sera couru en 48 minutes par une sorte d’athlète humanoïde?

Frédérique Jamolli rassure: «Les grands changements dans le sport sont le résultat de la créativité et du talent des athlètes, et non le produit d’expériences de laboratoire. Il suffit de penser à Dick Fosbury, qui a introduit en 1968 une technique révolutionnaire du saut en hauteur, aujourd’hui employée de manière universelle».

L’idée d’un Musée olympique a été lancée pour la première fois par le baron Pierre de Coubertin en 1915, peu de temps après l’implantation du Comité international olympique (CIO) à Lausanne. Le musée aurait dû incarner les idéaux du mouvement olympique.

Après avoir accédé à la présidence du CIO, en 1980, l’Espagnol Juan Antonio Samaranch a fait de la construction du Musée olympique un objectif prioritaire.

Les coûts (environ 108 millions de francs) ont été largement subventionnés par des donations. L’inauguration a eu lieu en 1993 à Ouchy (Lausanne), sur les bords du lac Léman.

Le musée, qui s’étend sur 11’000 m2 et qui dispose d’un parc de 22’000m2, reçoit chaque année près de 200’000 visiteurs, dont 20-30’000 écoliers. La moitié des visiteurs vient de l’étranger.

Outre les expositions temporaires, le Musée héberge deux expositions permanentes consacrées à l’histoire du mouvement olympique et des Jeux olympiques.

En 1995, il a été désigné «Musée européen de l’année» par le Conseil de l’Europe. L’exposition «athlètes & sciences» a notamment bénéficié du soutien de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) et de la firme horlogère Omega.

Traduction de l’italien: Samuel Jaberg

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