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Développement: la Suisse peut mieux faire

Un projet ciblé: le soutien à la distribution d'eau en Crimée. Keystone

Le responsable de l'aide au développement de l'OCDE Eckhard Deutscher a présenté lundi à Berne le rapport sur la Suisse: la qualité de l'aide est bonne mais son volume insuffisant. De leur côté, les altermondialistes jugent le rapport «trop lisse».

«Si je devais noter l’aide suisse au développement, je lui mettrais 8 sur 10, seuls les pays nordiques font mieux», a affirmé Eckhard Deutscher, président du Comité d’aide au développement (CAD) de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Eckhard Deutscher est venu présenter lundi à Berne le rapport quadriennal des «pairs du CAD» (Peer Review) sur le système suisse d’aide au développement, lequel pointe au 12e rang des 23 pays de l’OCDE.

En 2008, la Suisse y a consacré 0,42% de son revenu national brut (RNB); elle devrait atteindre 0,5% en 2013 mais certains lui reprochent d’oublier les 0,7% préconisés par l’ONU.

Le rapport n’est-il pas un peu trop «gentil»? «Je ne suis pas ici pour faire des compliments mais pour discuter de réalités du terrain, répond M. Deutscher. Nous avons de grosses déceptions face à certains pays, sans citer de noms, qui sont très en dessous de nos attentes. La Suisse se place loin devant eux.»

Volume d’aide et cohérence

Alliance Sud, qui regroupe les principales organisations de développement, se montre plus critique. Pour Pepo Hostetter, non seulement la masse financière allouée à l’aide au développement n’est pas suffisante, mais Alliance Sud partage l’une des principales critiques du rapport de l’OCDE portant sur l’insuffisance de cohérence politique.

«Le rapport dit qu’il faut améliorer la coordination entre les divers offices fédéraux concernés. Mais la cohérence va plus loin et suppose une harmonisation de toutes les politiques extérieures de la Suisse – commerce, place financière, environnement, migration, etc.» constate-t-il.

Pour mettre de l’ordre, Pepo Hostetter préconise la création d’une instance d’évaluation de la politique du développement, comme en matière européenne ou environnementale.

De son côté, l’OCDE déplore aussi que le volume de l’aide suisse ne soit pas à la hauteur de sa qualité. Un pays comme le Luxembourg a par exemple atteint un taux de 0,97% en 2008 et compte parvenir à 1% l’an prochain.

Martin Dahinden, directeur de la Direction pour le développent (DDC), ne le nie pas. «C’est vrai que notre pays a un retard à rattraper et les décideurs politiques en sont du reste parfaitement conscients. Le problème, c’est l’état des finances fédérales.»

Aide mieux ciblée

Pour l’OCDE, les défauts de l’aide suisse ne sont pas seulement d’ordre financier. «La Suisse privilégie les pays les plus pauvres (65% du total de l’aide bilatérale) et c’est une bonne chose, indique Eckhard Deutscher. Mais elle est encore trop dispersée entre un trop grand nombre de pays et de secteurs. Et puis la Suisse doit encore clarifier ses critères de collaboration sur le terrain avec les organisations non gouvernementales et privées.»

Martin Dahinden répond que la DDC a déjà rectifié certains points. D’ici à 2012, elle concentrera ses efforts sur 12 pays prioritaires au lieu de 24. Elle a, de même, lancé l’année dernière une réorganisation pour éviter les doublons avec d’autres secteurs de l’administration fédérale, notamment le Secrétariat d’Etat à l’Economie (Seco).

«Dans le cadre de notre réforme, le gouvernement a décidé que, pour le moment, il faut conserver une responsabilité partagée entre la DDC et le Département des affaires étrangères, et le Seco. Mais nous avons introduit en janvier dernier une stratégie commune aux deux départements qui devrait nous permettre de rationnaliser le travail», explique M. Dahinden.

La globalisation a passé par là

Parmi les autres points positifs, l’OCDE a relevé la restitution par la Confédération des avoirs dérobés. Ainsi, Berne a versé 1,7 milliard de francs à des pays en développement.

Pour sa part, Pepo Hostetter, d’Alliance Sud, regrette que le rapport n’insiste pas plus sur la fonction de la place financière et sur «son rôle nuisible en matière fiscale pour les pays en développement».

«Il n’y a pratiquement rien non plus sur la cohérence entre les diverses politiques extérieures de la Suisse en matière de développement, mais c’est peut-être un peu plus compliqué à analyser.»

Martin Dahinden invoque pour sa part la complexité accrue du travail en matière de coopération et d’aide au développement. «Il y a vingt ans, c’était un secteur très précis, on se rendait sur le terrain, on faisait des projets bien ciblés, etc. Aujourd’hui, tout est très lié, le changement climatique, la migration, la crise alimentaire tout cela a besoin d’une réponse qui va au-delà des projets spécifiques, vous êtes obligés de vous impliquer dans les débats politiques, bref, la manière de travailler a totalement changé.»

Isabelle Eichenberger, swissinfo.ch

0,42%. La Suisse a consacré 2,2 milliards de francs à la coopération pour le développement en 2008 (+6% par rapport à 2007), soit 0,42% de son revenu national brut (RNB).

0,47%., c’est le taux moyen des donateurs du Comité d’aide au développement de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

0,5%, c’est l’objectif que Berne devrait adopter, selon l’OCDE, sans pour autant perdre de vue la cible de 0,7% préconisée par l’ONU.

0,97%, c’est le taux atteint par le Luxembourg en 2008 et qui devrait parvenir à 1% en 2010.

OCDE. Le Comité d’aide au développement (CAD) est l’instance de l’OCDE responsable des questions relatives à la coopération avec les pays en développement.

1960. Créé en 1960, il compte les 23 pays membres de l’OCDE, dont la Suisse et la Commission des Communautés européennes.

Peer Review. Doté d’une grande liberté d’action, il s’appuie essentiellement sur des «examens par les pairs» (Peer Review) pour élaborer des recommandations. Ces examens ont lieu environ tous les quatre dans chaque pays membre tour à tour.

2009. Les examinateurs du rapport 2009 sur la Suisse sont la Belgique et les Pays-Bas

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