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De la désinvolture à la délinquance

De gauche à droite, Flavio Maspoli, Giuliano Bignasca et Filippo Lombardi (montage). swissinfo.ch

Les parlementaires fédéraux tessinois remplissent les colonnes «faits divers». D’où la question: ces politiciens ruinent-ils l’image de leur canton?

Au Palais fédéral, les opinons sont diverses, mais une certaine préoccupation est palpable.

Le député tessinois Meinrado Robbani lève les bras au ciel en soupirant: «Je ne sais pas quoi dire». Evidemment, une certaine gêne le gagne lorsqu’il évoque l’image du Tessin donnée par trois de ses collègues.

Un sénateur flashé par un radar

Le dernier «cas» remonte à la semaine dernière. Le sénateur démocrate-chrétien (centre droit) Filippo Lombardi s’est fait prendre par un radar sur l’autoroute. Il roulait en excès de vitesse et surtout sans permis. Un permis qui, soit dit en passant, lui avait été retiré pour la quatrième fois!

Le pire, c’est que quelqu’un a rempli le formulaire de police en déclarant que ce n’était pas Filippo Lombardi qui se trouvait au volant, mais son chauffeur. Or la photo du radar montre sans équivoque qu’il s’agissait bel et bien de l’élu tessinois.

Pour justifier cette déclaration, Filippo Lombardi a invoqué une «erreur de sa secrétaire». L’enquête semble confirmer la thèse de la bonne foi et l’accusation pour fraude est tombée.

Reste l’excès de vitesse et la conduite sans permis. Le Ministère public tessinois a requis vingt jours de prison avec sursis et 2000 francs d’amende à l’encontre du sénateur.

Une république bananière

Deux autres représentants du Tessin sous la coupole fédérale sont en délicatesse avec la justice. Il s’agit des députés Flavio Maspoli et Giuliano Bignasca, tous deux membres de la Lega dei Ticinesi (sorte de variante locale de la Lega italienne).

Flavio Maspoli a fini devant les tribunaux pour faillite et pour avoir falsifié des signatures nécessaires à un référendum. Quant à Giuliano Bignasca, il a été à plusieurs reprises condamné pour escroquerie, faux dans les titres et consommation de stupéfiants.

Au total, trois des dix représentants du Tessin à Berne ont donc eu maille à partir avec la justice. Il s’agit d’une proportion anormalement élevée.

Un élu de l’Union démocratique du centre (droite dure) – qui souhaite rester anonyme – peut déclarer avec sarcasme: «Lors des élections du 19 octobre, il suffit aux Tessinois d’élire deux autres politiciens de cet acabit pour constituer le groupe parlementaire des criminels.»

Les mots sont durs, car, implicitement, cet élu de l’UDC suggère que le Tessin n’est pas autre chose qu’une république bananière.

Ne pas dramatiser

Pour le radical (droite) zurichois Felix Gutzwiller, il convient en revanche de ne par dramatiser la situation. «Pour moi, les deux représentants de la Lega sont des caricatures; personne ne fait l’amalgame entre le Tessin et ces deux-là», déclare-t-il.

Le député de Zurich estime par ailleurs que les délits de Filippo Lombardi ne sont pas vraiment graves: «Rouler vite en voiture est à mettre quelque part sur le compte du tempérament latin», juge-t-il. Ce spécialiste en médecine préventive admet cependant que conduire après avoir bu «n’est pas une bonne chose».

En fait, au Palais fédéral, de nombreux élus se refusent à comparer Filippo Lombardi à ses deux «compagnons d’illégalité».

Quant aux principaux intéressés, les collègues démocrates-chrétiens de Filippo Lombardi, ils préfèrent se taire et se barricader derrière les communiqués officiels. Pour éviter les problèmes, ils ont cependant décidé d’éloigner leur collègue tessinois de la direction du parti national.

Un climat mafieux

Tout le monde ne prend cependant pas le cas Lombardi à la légère. Même dans les rangs de la droite, on trouve des avis sévères.

«Dans mon canton, on ne pardonnerait pas une telle faute, relève ainsi le sénateur appenzellois Hans-Rudolf Merz (PRD). La démission serait obligatoire.»

La presse alémanique, qui a déjà souvent montré du doigt des agissements des deux membres de la Lega, s’en prend désormais aussi à Filippo Lombardi.

Un journaliste du Tages Anzeiger affirme: «Certes, conduire sans permis n’est pas aussi grave que consommer de la cocaïne, gérer des bordels ou ne pas payer les contributions sociales des ses employés, comme le fait Bignasca. Mais les deux choses sont illégales et donc condamnables.»

La gauche se montre également sévère. «A droite, il y a de nombreuses personnes qui minimisent la portée de l’acte de Filippo Lombardi, déclare la vice-présidente du Parti socialiste Christine Goll. Mais où finit la légalité si les représentants du peuple sont les premiers à ne pas la respecter.»

«Depuis que la Lega existe au Tessin, nous avons un problème avec l’image de la légalité», admet un député tessinois. Et Christine Goll de renchérir: «J’ai toujours plus l’impression qu’un climat mafieux règne au Tessin, et pas seulement dans les rangs de la Lega.»

Entre sympathie et interrogations

«Quand Bignasca a déclaré que tous les Verts devraient être placés dans une cabine téléphonique que l’on ferait sauter, tout le monde a compris quel genre de respect la Lega a envers la démocratie», déclare la députée écologiste Cécile Bühlmann.

«Je pense que Filippo Lombardi devrait démissionner, afin de montrer que les autres partis tessinois ne sont pas contaminés par ce genre de crânerie», juge-t-elle.

Au Palais fédéral, on se préoccupe donc de la situation politique au Tessin. Tout le monde regarde d’un œil sympathique ce canton de langue italienne, mais les interrogations sont de plus en plus nombreuses.

«Beaucoup de Confédérés me demandent ce qui se passe chez moi, mais je ne sais plus comment expliquer mon canton», conclut un journaliste parlementaire tessinois.

swissinfo, Daniele Papacella
(traduction: Olivier Pauchard)

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