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Au-delà des clichés sur la Suisse

Expatriés: de l’art de rompre la glace avec les Suisses

Les membres du Geneva's Runners Club participent à la traditionnelle Coupe de Noël, un concours de natation dans la rade de Genève. Geneva Runners Club

La Suisse est un pays difficile pour s’intégrer et rencontrer des gens, selon une étude récente faite auprès d’expatriés. La situation est-elle si mauvaise? swissinfo.ch a pris la température via sa page Facebook.

Par une froide soirée d’hiver dans le centre de Genève, 30 personnes en tenues sportives et colorées bavardent, surtout en anglais, avant leur course hebdomadaire. «Bienvenue aux nouveaux membres et aux habitués. Juste un rappel: dimanche prochain, nous avons la Coupe de Noël de natation. C’est super», crie Helen Gmür.

Elle a fondé le Geneva Runners Club en 2008 qui compte aujourd’hui 370 membres, «dont certains des meilleurs coureurs de la ville». Genève propose chaque année en novembre un marathon urbain, dans le cadre de la fête patriotique de cette république et canton suisse.

Le club a connu un énorme succès pour sa capacité à aider les nouveaux arrivants à se faire des amis et à se sentir chez soi, ajoute-t-elle. Environ 70% des membres sont des expatriés, dont beaucoup sont jeunes, célibataires et ont déménagé à Genève pour des raisons professionnelles.

Helen Gmür, qui vient de Toggenburg dans le canton de St-Gall, a perdu le compte du nombre de personnes que le club avait permis d’intégrer: «Cela me réchauffe le cœur de voir que de belles amitiés se sont développées … nous avons également eu 10 mariages de personnes qui se sont rencontrées dans le groupe, et quelques bébés. »

A l’arrivée au Clubhouse Pub, les coureurs sont tout sourire. Beaucoup d’entre eux disent que le groupe est très uni et qu’il a eu une influence positive sur leur vie sociale et leur intégration, même s’il est principalement composé d’expatriés.

Selon Chris, un Canadien installé à Genève depuis 20 ans, le club a changé sa vie: «Quand je suis venu vivre à Genève, je n’avais pas de vie sociale. À travers le club, j’ai rencontré beaucoup de gens et beaucoup de différentes choses en dehors de la course.»

Une étude dévastatrice

Pourtant, la Suisse a la réputation d’être un endroit difficile pour les expatriés. C’est du moins la perception de la majorité des expatriés basés en Suisse qui ont participé à l’enquêteLien externe HSBC Expat Explorer 2015. Sur 39 destinations mondiales, la Suisse est classé au 10e rang dans la catégorie meilleur endroit pour vivre et travailler. Elle est en tête pour ses avantages financiers: 29% des expatriés ont des salaires annuels de plus de 200’000 francs suisses, suivie par Hong Kong.

Bien noté pour la qualité de vie, la sécurité et la santé, le petit pays alpin fait piètre figure en matière de convivialité (38e place), d’intégration (35e) et de culture (34e).

«Seul 35% des personnes interrogées ont trouvé qu’il était facile de nouer des amitiés dans le pays et 43% ont trouvé qu’il était facile de s’intégrer avec les habitants locaux», affirme le rapport.

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Les petites villes et les villages sont considérés par certains comme des lieux plus faciles pour se faire des amis au-delà des cercles d’expatriés et des places de travail, surtout avec de jeunes enfants, mais ce n’est pas si simple, comme l’a découvert le canadien* Ryan Peters.

Il vit depuis 12 ans avec sa famille dans un petit village germanophone près de Sierre, dans le canton du Valais. Posséder un restaurant local et chanter dans deux chorales lui a permis de faire connaissance avec d’autres personnes dans la région: «Je pense que la Suisse est un endroit assez facile pour rencontrer des gens. Les amitiés occasionnelles se nouent assez facilement. Mais la prochaine étape est nettement plus difficile. Cela prend plus de temps de nouer des amitiés solides.»

Chris, lui, assure que son activité de bénévole à Genève a permis des liens d’amitiés avec des gens du pays. Mais il insiste sur le fait les Suisses restent très soudés entre eux: «Après l’école, ils font leur service militaire et ont tendance à rester avec les mêmes amis et le même poste de travail.»

 «Pays de zombies»

Une majorité de la communauté Facebook de swissinfo.ch qui a répondu à un questionnaire en ligne à propos de l’enquête de la banque HSBC semble être d’accord avec ses conclusions. Certains ont exprimé de fortes critiques sur la vie sociale suisse.

«La Suisse est un pays de zombies. J’ai plus de vie sociale en un week-end dans mon pays d’origine qu’en six mois de vie en Suisse. Oui, c’est aussi mauvais que ça», écrit ainsi Jonathan Almeida, un citoyen portugais travaillant à Zurich.

«En 2015, nous avons connu une jeune américaine participant à un programme de formation d’un an dans notre équipe. Elle m’a demandé une fois: est-il possible de se faire des amis ici, sans passer par glocals.com ou meetup.ch [communautés d’expatriés en ligne]? »

Mais d’autres rejettent complétement ces points de vue. Lisa Nordcross a récemment déménagé à Düsseldorf en Allemagne, après avoir vécu à Zurich pendant cinq ans. Avant cela, elle était expatriée à Atlanta, aux États-Unis.

«De ces trois villes, c’est Zurich qui est le meilleur endroit pour construire une vie sociale. Je me suis faite beaucoup d’amis ayant un niveau similaire d’emplois et beaucoup d’intérêts communs (en particulier le sport). Donc, je suis totalement en désaccord avec les conclusions de l’étude! », réagit-elle.

Vivienne McAlister-Geertz, d’Irlande du Nord, déclare que les expats ne devraient pas blâmer les Suisses de ne pas les accueillir à bras ouverts : «Si vous aviez grandi dans votre pays d’origine et eu vos propres amis, vous précipiteriez-vous pour embrasser un étranger?». Elle-même est ravie de son récent déménagement avec son mari dans un village du canton d’Argovie.

Parler la langue locale

Beaucoup de commentateurs Facebook soulignent l’importance d’être proactifs et de sortir de sa bulle d’expatriés. «Vous devez vous bouger et faire des efforts. Personne ne va frapper à votre porte. Voilà la beauté d’une société discrète et non intrusive», relève Stéphanie.

La plupart des gens sont d’accord pour dire que l’apprentissage de la langue locale est la clé d’une intégration réussie en Suisse. Ryan dit qu’il comprend l’allemand, mais que la maîtrise du dialecte suisse-allemand a été problématique à certains moments: «Chaque vallée a son propre dialecte et il est parfois difficile de comprendre les gens. Faire un effort attire les gens au début, mais s’il y a un malentendu, cela peut être un obstacle à l’amitié.»

A côté de la langue, certaines coutumes doivent être respectées pour se faire des amis. «Au Canada, même avec des amis occasionnels, vous pouvez taper à leur porte et être accueilli. Mais ici, vous devez être invité», écrit Ryan,

Un avis que partage *Robert Stanley, un britannique qui vit près du lac de Thoune dans le canton de Berne depuis 14 ans: «Dans mon pays, c’est facile d’aller prendre un verre avec quelqu’un pour apprendre à se connaître. Mais ici, vous devez le connaître avant d’aller boire un verre. La Suisse est encore très traditionnelle dans ce sens.»

Il ajoute: «C’est difficile de casser la glace avec les Suisses, mais une fois que c’est fait, ils peuvent être très fidèle.»

Le regard ironique de Vincent Veillon et Vincent Kucholl dans l’émission satirique 26 minutes de la RTS

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(Traduction de l’anglais: Frédéric Burnand)

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