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Des critiques s’élèvent après le drame de la Jungfrau

Les corps des six militaires ont été héliportés afin d'être examinés à l'Institut médico-légal de Berne. Keystone

Un jour après l'avalanche qui a coûté la vie à six jeunes militaires dans l'Oberland bernois, l'armée essuie certaines critiques. La justice militaire a ouvert une enquête.

Selon divers experts, le danger d’avalanche sur les lieux au moment de l’accident était plus élevé qu’en temps normal. Pour l’heure, aucun n’indice ne permet cependant de conclure à une mauvaise appréciation de la situation.

Une avalanche a emporté jeudi cinq recrues et un sergent, en exercice sur le flanc sud du sommet de la Jungfrau. Précipités plusieurs centaines de mètres dans le vide, les corps sans vie des jeunes hommes – quatre Valaisans, un Fribourgeois et un Vaudois âgés de 20 à 23 ans – ont été retrouvés près du glacier du Rottal.

Un jour après le drame, les médias suisses se font l’écho de plusieurs voix critiques émanant des milieux alpins et qui s’interrogent sur la présence des militaires à cet endroit jeudi matin, ainsi que sur les causes de l’accident.

Des risques sous-estimés?

Ainsi, pour Hans Möhl, gardien de la cabane du Rottal, située à proximité du lieu du drame, «il est incompréhensible de tenter l’ascension de la Jungfrau dans ces conditions».

De nombreux accidents se sont déjà produits au même endroit, avant celui-ci, ajoute Hans Möhl. L’un d’entre eux a fait trois morts l’an dernier. Les corps de ces victimes n’ont d’ailleurs toujours pas été retrouvés.

De son côté, le vice-président de l’association des guides Urs Wellauer affirme dans les colonnes de la «Berner Zeitung» qu’il lui est arrivé à plusieurs reprises de faire demi-tour à cet endroit.

Il rappelle également une vieille règle de la haute montagne, à savoir que le premier jour de beau temps après des chutes de neige est le plus dangereux.

Un fait confirmé par l’Institut pour l’étude de la neige et des avalanches de Davos (ENA), qui reconnaît qu’au moment et sur les lieux de l’accident, le risque d’avalanche était supérieur à la moyenne, comme c’est d’ailleurs toujours le cas en été après des chutes de neige.

Selon Thomas Stucki, de l’ENA, on ne sait toujours pas si les cordées ont pu déclencher elles-mêmes le glissement de la plaque de neige, au-dessus de la Rottalsattel, ou si la masse s’est mise à glisser d’elle-même. Selon l’expert, il pourrait y avoir eu combinaison d’une chute avec le glissement de la plaque de neige.

Une enquête de longue haleine

La justice militaire a ouvert une enquête pour déterminer les causes exactes de l’accident. Pour elle il s’agit d’abord, comme pour tous les accidents militaires, de réunir toutes les données et les preuves d’une éventuelle responsabilité, voire culpabilité.

C’est ce qu’a fait savoir l’auditeur en chef de la justice militaire. Selon le déroulement de l’instruction, une procédure pour homicide par imprudence pourrait être ouverte. Les résultats ne seront toutefois pas disponibles avant le mois d’octobre, a précisé le porte-parole de la justice militaire, Martin Immenhauser.

Les deux guides qui dirigeaient la formation des jeunes spécialistes de montagne en terrain alpin ne figurent pas parmi les victimes. Il s’agit d’un guide civil employé permanent de l’armée à Andermatt, ainsi que d’un militaire de carrière avec le brevet de guide.

L’instruction sera menée en étroite collaboration avec la police cantonale bernoise, la police militaire et l’Institut pour l’étude de la neige et des avalanches de Davos (ENA).

Le fait que les corps des victimes aient été amenés à l’Institut de médecine légale fait partie de la procédure normale et n’est pas dicté par un quelconque soupçon, selon Martin Immenhauser.

N’importe quelles conditions

Le commandant des troupes spécialisées de montagne Andreas Bardill n’entend pas minimiser l’accident, mais rappelle tout de même que d’autres événements comparables se sont déjà produits et que des compagnies entières ont été englouties sous la neige durant la Première guerre mondiale.

Selon lui, l’armée a besoin de soldats qui savent se déplacer en haute montagne, même si une éventuelle guerre en Suisse ne saurait avoir lieu sur les crêtes. Chaque armée travaille par principe sur des terrains d’exercice difficiles:

«Les Israéliens dans le désert, les Allemands dans l’Arctique et nous dans les Alpes», a déclaré l’officier dans des interviews accordées à la presse suisse. Pour s’exercer dans les conditions d’une situation de crise, il faut un environnement hostile, selon lui.

swissinfo et les agences

Depuis l’hiver 1997/1998, 225 personnes ont perdu la vie en raison
d’avalanche dans les Alpes, selon l’Institut pour l’étude de la neige et des avalanches de Davos (ENA) dont 15 la saison dernière.

En 2006, les spécialistes des secours alpins suisses ont effectué 477 interventions.

Ils ont secouru 695 personnes au total. Pour 71 d’entre-elles il n’y avait malheureusement plus rien à faire.

Dans 149 cas, il s’agissait d’incidents qui se sont produits au cours de randonnées alpines et dans 124 cas lors de courses de haute montagne.

Les victimes appartiennent Groupe des spécialistes de montagne 1 (Gr spéc mont 1) de l’armée Suisse.

Pour intégrer l’école de recrue d’Andermatt comme recrue spéc mont, les hommes doivent remplirent les deux exigences suivantes: Accomplissement réussi d’un cours moniteur de groupe J+S dans une des disciplines de montagne «Alpinisme» ou «Ski de randonnée» et Qualification bon à très bon lors du test physique pendant le recrutement de 3 jours.

Cette unité doit pouvoir être opérationnelle dans un délai de 9 heures et être engagées dans des situations extraordinaires.

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