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Des députés s’opposent au renvoi des rescapés de Srebrenica

Les mères et les veuves de Srebrenica manifestant à Sarajevo la semaine dernière. En Suisses, des voix s'élèvent contre le renvoi des survivants du pire massacre de la guerre de Bosnie. Keystone Archive

Une trentaine de parlementaires suisses ont signé un appel en faveur de l'octroi de l'asile ou de l'admission provisoire pour les survivants des massacres de Srebrenica, menacés de renvoi. Une politique que l'Office fédéral des réfugiés entend appliquer.

«Les massacres se sont déroulés sur trois journées, les 14,15 et 16 juillet 1995, selon un processus parfaitement organisé, avec rassemblements, transfert des prisonniers dans des lieux de détention précédemment repérés jusqu’à 70 km de Srebrenica et exécution sur des sites qui, eux aussi, avaient été repérés. Le 17 juillet, tout est terminé: les fosses communes ont été refermées».

C’est ainsi que Jean-René Ruez, enquêteur au Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, a récemment évoqué à Paris le plus sinistre épisode de la guerre de Bosnie. Un épisode qui s’est conclu, selon le CICR, par la mort d’au moins 8000 personnes et la déportation systématique de 25 000 survivants.

Des rescapés qui aujourd’hui subissent les affres d’une administration fédérale tatillonne, selon les signataires de l’appel comme les Genevois Jean Nils de Dardel ou John Dupraz, le Neuchâtelois Fernand Cuche ou le Vaudois Yves Guisan.

«Ces derniers temps, l’Office fédéral des réfugiés statue dans le sens du renvoi des survivants de Srebrenica», estiment les parlementaires indignés.

En guise de réponse, Dominique Boillat, porte-parole de l’Office fédéral des réfugiés (ODR), rappelle que les survivants de Srebrenica obtiennent l’asile en Suisse, pour autant qu’ils aient fuit leur pays avant le 12 décembre 1996.

«Pour ceux qui sont partis après cette date, la Suisse leur accorde généralement une admission provisoire», précise Dominique Boillat. «Il y a peut-être eu quelques personnes renvoyées abusivement, mais elles se comptent sur les doigts de la main», admet le porte-parole de l’ODR.

Une réponse qui ne convainc pas les signataires de l’appel. «Ce n’est pas la première fois que l’Office fédéral des réfugiés nous ment. Je n’ai strictement aucune confiance dans ces gens là», tonne l’un d’eux, le Genevois Patrice Mugny.

Un acteur du terrain conteste également les estimations de l’Office fédéral des réfugiés. «Rien qu’au Centre Social Protestant, nous avons connaissance d’une bonne quinzaine de décisions négatives de l’ODR pour des survivants de Srebrenica», martèle Yves Brutsch.

Des chiffres que l’administration fédérale n’est pas en mesure de confirmer ou d’infirmer. Selon Dominique Boillat, les statistiques de l’Office fédéral des réfugiés ne tiennent pas compte de l’origine exacte des demandeurs d’asile.
Mais les chiffres ne sont pas seuls en cause. Yves Brutsch s’indigne également du traitement infligé aux survivants de Srebrenica arrivés en Suisse après 1996.

«Les décisions de l’Office fédéral n’évoquent parfois même pas le sort qu’ils ont subi durant les massacres. L’ODR ne tient compte que de leur vie ultérieure. On transforme ainsi des victimes de crime contre l’humanité en réfugiés économiques», juge Yves Brutsch.

Une affirmation que Dominique Boillat tient à corriger: «Nous prenons de plus en plus au sérieux les traumatismes de ces personnes».

Frédéric Burnand

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