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Dino Bellasi, un accusé peu coopératif

Dino Bellasi (à d.) et son avocat André Seydoux devant le Tribunal pénal économique de Berne. Keystone

A l'ouverture de son procès, lundi à Berne, l'ancien comptable du groupe de renseignement de l'armée n'a pas répondu à de nombreuses questions.

L’ex-chef des services de renseignements Peter Regli a précisé que l’accusé n’était pas un agent secret.

Interrogé par le président du Tribunal pénal économique, Georges Greiner, sur les années 1988 à 1994 passées au Département militaire fédéral, Dino Bellasi se borne à déclarer qu’il menait à l’époque une vie «ordonnée».

Il refuse de répondre aux questions portant sur les crédits qu’il aurait contractés à l’époque et sur sa situation financière.

Insistant, le président lui rappelle que son compte de chèques postaux était dans le rouge à chaque fin de mois. Et qu’à deux reprises, en 1992 et 1993, il a demandé des reports d’impôts pour cause de maladie ou pour des raisons familiales.

«J’avais le reste en liquide à la maison, ma situation financière était en ordre», répète alors M. Bellasi.

Sur sa situation familiale, également, pas de commentaire: «On en a déjà assez dit là-dessus».

L’accusé refuse d’ajouter un mot aux déclarations faites par l’expert psychiatre. Celui-ci le décrit comme une personnalité en apparence adaptée, aux capacités intellectuelles supérieures à la moyenne, mais perturbée.

Le psychiatre chargé de son suivi ambulatoire en prison le décrit comme un patient stable et contrôlé n’ayant jamais eu besoin de médicament, mais qui nécessiterait un suivi thérapeutique bien plus important que ce qu’il a eu jusqu’ici.

Dino Bellasi daigne tout de même répondre qu’il se trouve «en bonne santé physique et psychique».

«Ni agent, ni agent secret»

Devant le tribunal bernois, l’ancien chef des services de renseignements précise que Dino Bellasi n’était ni agent, ni agent secret. Sa fonction était purement administrative, déclare Peter Regli.

«C’était un bon organisateur, un collaborateur estimé, qui a effectué dix ans de bon travail et laissé une bonne impression jusqu’à son arrestation en été 1999», ajoute encore M. Regli.

Pour le reste, Peter Regli souligne le tort énorme fait par l’accusé – et par la campagne médiatique qu’il a déclenchée – à lui-même, à sa famille, à ses camarades, ainsi qu’à la crédibilité du Service de renseignements.

Peter Regli évoque encore «le cauchemar» de son passage devant l’ex-procureur de la Confédération Carla Del Ponte, sa suspension et la perquisition de son domicile.

Enfin, il décidera d’ici à la fin du procès d’une éventuelle demande de dommages et intérêts.

Plusieurs charges

Durant trois semaines, Dino Bellasi doit répondre d’abus de confiance, d’escroquerie, de faux dans les titres, de gestion déloyale des intérêts publics, de calomnie, de blanchiment d’argent et d’infractions à la loi sur les armes.

Il est accusé d’avoir détourné exactement 8,839 millions de francs auprès de la Banque nationale suisse (BNS) en falsifiant 127 mandats provisionnels.

Le juge d’instruction fédéral a retrouvé la trace de 6,6 millions de francs. Dino Bellasi a utilisé cet argent pour acheter des armes (pour plus d’un demi-million de francs) et des maisons.

Quant aux 2,2 millions de francs que l’accusé prétend avoir transmis à ses supérieurs, le mystère reste entier.

Dino Bellasi a été maintenu en détention depuis son arrestation en août 1999 afin d’éviter qu’il prenne la fuite à l’étranger avec cet argent.

Les services de renseignements éclaboussés

Ce sont, affirme haut et fort le capitaine Bellasi, ses supérieurs – dont le chef des services de renseignements de l’époque Peter Regli – qui l’ont chargé de constituer un service secret parallèle.

Ces révélations provoquent un véritable séisme. Mais, après enquête, le procureur de la Confédération d’alors, Carla Del Ponte, réussit à établir avec certitude que Dino Bellasi n’a jamais été chargé par ses supérieurs d’une telle tâche.

Au final, cette affaire aura eu pour conséquence une refonte des services de renseignements suisses. Et, dans la foulée, la mise à la retraite anticipée de Peter Regli.

swissinfo avec les agences

– Dino Bellasi naît le 15 décembre 1960 à Bâle. Il est le benjamin de deux sœurs et un frère.

– En 1979, il termine son école de commerce et commence une carrière militaire. Il rêve de devenir officier.

– En 1980, il entre à l’école d’officiers. Neuf jours plus tard, il est renvoyé pour raisons médicales. Il finira par obtenir ses galons de lieutenant en 1984.

– En 1988, il est engagé au Département de la défense. Et en 1993, année où il devient capitaine, il devient comptable au groupe de renseignements de l’état-major de l’armée.

– Dès 1994, Dino Bellasi commence à détourner de l’argent.

– En 1997, il rencontre Gabriela, une prostituée de luxe autrichienne, qu’il épouse en juillet 1999.

– En juin 1998, il se fait réprimander par son chef pour ses absences ou retards. En septembre, il démissionne, prétextant un cancer.

– Jusqu’à son arrestation en août 1999, Dino Bellasi crée encore trois sociétés, passe son brevet de pilote d’hélicoptère et fait construire une maison pour Gabriela en Autriche.

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