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Divorce à l’amiable: le nouveau prix de la frustration

Selon des prévisions statistiques, près d'une union sur deux serait vouée à l'échec. Keystone

Une année après son entrée en vigueur, avocats et magistrats dénoncent déjà les incohérences et les lenteurs de la nouvelle loi sur le divorce. Les candidats au divorce, eux, déchantent.

En Suisse romande, un divorce par consentement mutuel coûte aujourd’hui entre 4000 et 10 000 francs. Pour le moins surprenante, cette fourchette de tarifs s’explique par les disparités cantonales qui prévalent en matière de frais de tribunaux et d’avocats.

«Dans le canton de Vaud, en cas d’accord entre les deux parties, affirme Me Christine Marti, et pour autant qu’il n’y ait pas de nombreux biens à partager, les frais d’avocats ne devraient, en principe, pas dépasser les 4000 francs».

Mais l’affaire est rarement simple. «Généralement, les conjoints croient être d’accord sur tout, explique l’avocate lausannoise. Mais, en creusant un peu, on constate très vite que c’est tout le contraire».

«Le nouveau droit du divorce est en avance sur les mentalités», renchérit Anne Reiser, avocate à Genève. En excluant la notion de faute, il a gommé l’aspect émotionnel de la séparation.»

A défaut de pouvoir désigner un coupable ou d’être simplement en mesure d’exprimer leur souffrance, les couples en rupture vont donc s’affronter sur le plan matériel.

«De toute évidence, confirme Me Reiser, on assiste de plus en plus souvent à une déviation du conflit affectif sur des questions de partage de biens et de garde d’enfants.»

Résultat: les époux et leurs avocats ont de la peine à établir une convention de divorce qui soit acceptable pour les deux parties. Et les notes d’honoraires enflent au rythme des litiges.

«De plus, souligne l’avocate genevoise, les procédures de divorces se sont alourdies. Il faut réunir toujours plus de documents pour mettre sur pied une convention juridiquement acceptable.»

Complexe. D’autant que les couples ne sont généralement pas préparés à régler des litiges financiers. Et que, dans la plupart des cas, ils n’ont pas établi une comptabilité détaillée de leur vie commune.

Ce sont donc les avocats qui sont chargés de clarifier les situations et de fournir aux juges des documents attestant de l’équité des conventions passées entre les époux.

«D’aucuns ont laissé croire qu’avec la nouvelle loi sur le divorce, les couples allaient carrément pouvoir se passer d’avocat. Il y a même des conventions types qui ont circulé parmi le public. Mais, confie Me Christine Marti, il faut déchanter. Les démarches n’ont pas été simplifiées. Quant aux hommes de loi, ils sont plus que jamais indispensables.»

Même son de cloche du côté des tribunaux. «Certains arrivent avec des conventions bricolées qui ne nous permettent pas d’analyser la situation financière du couple, déclare le président d’un tribunal d’arrondissement vaudois. Le plus souvent, nous sommes donc obligés de les renvoyer à un bureau d’avocat.»

Le législateur fédéral avait pourtant promis un divorce facilité. En supprimant la notion de la faute, il promettait de balayer les jugements de valeurs pour se préoccuper essentiellement des questions pratiques et organisationnelles de la séparation. Bref, le divorce semblait en voie de devenir une procédure des plus banale.

Mais une année après l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, les professionnels et les usagers ne semblent pas convaincus. «Auparavant, dans le cadre d’un divorce à l’amiable, nous rendions un jugement au lendemain de l’audience, soupire le magistrat vaudois. Dorénavant, il faut attendre les deux mois fixés par la loi.»

Outre ce délai de réflexion, le législateur impose également aux anciens époux de confirmer leur décision par écrit. Et, à en croire les magistrats, il n’est pas rare que les courriers ne suivent pas.

Les échanges épistolaires se multiplient donc. Alors que les juges croulent déjà sous les documents à vérifier.

«Le nouveau droit du divorce introduit le partage du second pilier, rappelle un président de tribunal. Et nous devons notamment vérifier la justesse des calculs et les documents fournis. Un travail d’autant plus complexe que les assurés ont souvent changé de caisse et qu’ils ne sont pas toujours au fait de leur situation.»

Confrontés à une surcharge de travail, les tribunaux ont dû, eux également, augmenter leurs tarifs. Qui s’élèvent, aujourd’hui, dans le canton de Vaud, à 600 francs.

Bref, certains professionnels attendent déjà une prochaine révision de la nouvelle loi sur le divorce.

Vanda Janka

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