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Du sens de la valse des entraîneurs au FC Sion

Alberto Bigon, «Il Mister» a déjà dirigé le FC Sion avec qui il a gagné le championnat et la Coupe de Suisse en 1997. Keystone

En moins d'une année, le club de football valaisan a vu défiler quatre entraîneurs. Trois ont été remerciés suite aux mauvais résultats du FC Sion. Interview d'un psychologue du sport.

Mattia Piffaretti analyse l’impact de ces changements sur les ‘troupes’. Loin d’être une spécificité octodurienne, il constate que cette attitude reflète un changement dans le système footballistique en général.

Pour la seconde fois, l’architecte et entrepreneur octodurien Christian Constantin préside aux destinées du club de football de FC Sion. Personnalité «forte en gueule» et controversée, il est considéré par ses innombrables détracteurs comme un affairiste peu scrupuleux.

Ses amis, eux, le comparent plutôt à un renard rusé et passionné. Reste qu’en football comme en affaires, l’homme a de l’ambition et veut gagner. A tout prix.

Depuis son retour aux commandes du club valaisan fin 2003, le FC Sion a remporté la Coupe de Suisse et a réussi le pari de rejoindre l’élite du football. C’était à la fin de la saison dernière.

Tout semblait alors aller pour le mieux. Mais, depuis le début du présent championnat, les choses ne tournent pas aussi rond que ne l’espérait l’omnipotent président.

Et comme il ne peut pas changer toute son équipe, ce sont les entraîneurs qui font les frais des résultats en demi-teinte.

Jugez plutôt: après l’Argentin Nestor Clausen, les Suisses Marco Schällibaum et Gabet Chapuisat, c’est désormais l’Italien Alberto Bigon qui occupe le fauteuil d’entraîneur. Tout cela en moins d’une année!

swissinfo décortique le phénomène avec de Mattia Piffaretti. Psychologue du sport, ce dernier dirige un cabinet de conseil, encadre plusieurs sportifs de haut niveau et enseigne la psychologie du sport à la Faculté de médecine de l’Université de Genève.

swissinfo: Mattia Piffareti, quel regard portez-vous sur les changements successifs et répétés d’entraîneurs à la tête du FC Sion?

Mattia Piffaretti: Je pense que le premier élément à retenir est que la réalité du football professionnel a changé. Nous ne sommes plus dans une réalité où des mécènes donnent carte blanche à l’entraîneur. Aujourd’hui, c’est un «football-entreprise» ou l’aspect économique est central. Le dirigeant moderne en veut pour son argent. C’est un véritable chef d’entreprise.

Le changement rapide d’entraîneur n’est pas uniquement d’actualité à Sion. C’est bien le reflet d’un changement de système dans le football.

swissinfo: Un changement d’entraîneur est censé engendrer un «choc psychologique» mais est-ce toujours bénéfique?

M.P.: Le «choc psychologique» est un effet recherché en changeant l’entraîneur lorsque l’on juge que ce dernier n’a plus d’impact sur ses joueurs.

Le but de la démarche est l’amélioration des résultats de l’équipe. Toute la question, dans le sport moderne, est de savoir comment être le plus performant possible.

Dès lors, en football comme dans d’autres sports, la position de l’entraîneur est fragile et ses possibilités sont limitées. Les clubs consomment les entraîneurs de plus en plus vite avec cette volonté de «choc psychologique».

swissinfo: Celui-ci peut avoir lieu malgré la répétition du changement?

M.P.: Aujourd’hui, tout entraîneur doit être capable d’exprimer trois types de compétences: techniques, stratégiques et psychologiques.

C’est dire qu’en plus de ses compétences footballistiques, il doit être un spécialiste des mandats à court terme et un motivateur infatigable (team building). Cela, tout en gérant son stress et celui des joueurs. Dans ce changement, l’aspect du mental est devenu central.

Maintenant il s’agit de voir comment le choc psychologique peut avoir lieu lorsque ces compétences sont là.

L’entraîneur peut par exemple jouer sur différents aspects qui auront un impact sur le changement d’une équipe. Les retouches (redonner un espace aux joueurs mis de côtés ou laisser sur le banc des joueurs ayant un trop grand impact) permettent aux joueurs de se remettre en question et de changer la dynamique du groupe.

Mais il est également possible de travailler en variant les entraînements et les buts afin de redonner du plaisir et au travers d’objectifs atteignables. Dans ces conditions, le choc psychologique peut être positif.

swissinfo: L’omnipotence du président du FC Sion Christian Constantin – qui participe au recrutement des joueurs et aime bien donner de la voix dans le vestiaire – met-elle une trop grande pression sur les joueurs?

M.P.: Je ne voudrais pas m’exprimer sur le cas spécifique du FC Sion que je ne connais pas de l’intérieur. Mais vu de l’extérieur, il s’agit-là d’une question du rapport de confiance qui doit s’établir entre la direction du club et l’entraîneur.

Il y a d’un côté la nécessité de collaborer et de suivre le travail d’un entraîneur, et, de l’autre, la nécessité de pouvoir déléguer cette tâche et de faire totalement confiance. En cela, le cas du FC Sion et la culture du club est très spécifique.

La question de la délégation reste un point d’interrogation qui reste du ressort des personnes en place. C’est à l’entraîneur et au président de discuter jusqu’à quel point va l’indépendance de l’entraîneur. Mais il est clair que la personnalité très forte du président va avoir une influence sur toute la chaîne du club.

Il faut tout de même tenir compte que dans le cas précis, messieurs Bigon et Constantin se connaissent et qu’ils ont déjà eu une expérience ensemble à la tête de l’équipe sédunoise au milieu des années 1990.

Interview-swissinfo, Mathias Froidevaux

Architecte et entrepreneur de Martigny, Christian Constantin est, depuis fin 2003 le président du FC Sion. Il avait déjà présidé aux destinées du club valaisan entre 1992 et 1997.

Depuis son retour à la tête du club, neuf entraîneurs (officiellement nommés) ont été engagés puis remerciés: Charly Rössli (2003), Didier Tholot (2003), Admir Smajic (2004), Gilbert Gress (2004), Gianni Dellacasa (2005), Christophe Moulin (2005), Nestor Clausen (2006), Marco Schällibaum (2006) et Gabet Chapuisat (2006)

Nommé mardi dernier, le nouvel entraîneur italien de FC Sion Alberto Bigon (déjà entraîneur à Sion sous Christian Constantin en 1996) est le 4ème entraîneur engagé depuis le retour du FC Sion parmi l’élite du football suisse l’an dernier.

Deux fois champion de Suisse: 1992 et 1997

Dix fois «vainqueur» de la Coupe de Suisse : 1965, 1974, 1980, 1982, 1986, 1991, 1995, 1996, 1997, 2006. Le FC Sion est devenu l’an dernier le premier club de division inférieure à remporter la Coupe de Suisse.

En 2002, le club est relégué en 1ère ligue pour des raisons financières. Il n’a rejoint l’élite que l’an dernier en battant Neuchâtel Xamax en match de barrage.

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