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«Les protagonistes de Bye bye la Suisse mésestiment souvent le mal du pays»

Tournage de Bye bye la Suisse avec Aline et Fred Müller au Canada_2017
Sur le tournage de Bye bye la Suisse en 2017, avec Aline et Fred Müller, partis s'installer au Canada. RTS

Une maison d’hôtes, un élevage de chiens, un hôtel, un bar… qui n’a jamais envisagé de tout quitter pour s’installer dans le pays de ses rêves, sous les cocotiers ou bien dans le grand froid? Les deux émissions Bye bye la Suisse de la RTS (Radio Télévision Suisse) et Auf und davon de SRF (Schweizer Radio und Fernsehen) permettent à des centaines de milliers de gens de vivre cette aventure par procuration.

Depuis 2008, année de la première diffusion sur SRF, le succès ne se dément pas. Les audiences des deux documentaires établissent d’excellents scores. Lors de la 11e saison de Bye bye la Suisse diffusée en janvier et février 2021, la part de marché a été de 41,8%, soit 211’000 téléspectatrices et téléspectateurs en moyenne par épisode.

La 13e saison de Auf und davon a attiré en moyenne 647’000 téléspectatrices et téléspectateurs, ce qui correspond à une part de marché de 41% sur six épisodes. «Et les résultats se maintiennent à ce haut niveau d’année en année», précise Steven Artels, Responsable de l’unité Documentaires à la RTS.

Anastase Liaros
màd

Pour Anastase Liaros, réalisateur de l’émission pour la RTS, le succès tient au fait que l’on vit des moments très forts avec les protagonistes. «C’est magnifique de voir comment les gens se dépassent pour réaliser leur projet», s’enthousiasme-t-il. Selon lui, Bye bye la Suisse et Auf und davon sont des émissions importantes, «parce qu’elles sondent l’âme humaine plus qu’on ne l’imagine et davantage que beaucoup d’autres émissions».

Des rêves quasi universels

Chaque année, entre 20’000 et 30’000 Suisses s’expatrient. Parmi les personnes qui franchissent le pas de l’émigration, plusieurs dizaines se portent candidates pour être accompagnées dans leur projet par les journalistes de RTS et SRF. La pandémie n’a pas entamé cette tendance. Les candidatures ont continué à affluer durant cette période, à l’exception du premier confinement en Suisse. «Beaucoup se sont dit, c’est maintenant plus que jamais le moment de tenter l’aventure», explique Regina Buol, coproductrice de Auf und davon à SRF.

Anastase Liaros réalise Bye bye la Suisse depuis trois saisons. Il constate que les raisons qui poussent les Suisses à s’expatrier sont assez universelles. «La plupart des gens rêvent de grands espaces. Ils se sentent à l’étroit en Suisse», indique-t-il. Nombreuses sont également les personnes qui recherchent un climat plus chaud, ou alors l’extrême inverse.

Regina Buol
Elle produit l’émission Auf und davon depuis 2014: Regina Buol. zVg

Au-delà des considérations géographiques et météorologiques, les candidates et candidats se lancent en grande majorité dans des projets touristiques. Les maisons d’hôtes représentent ainsi près de 80% des candidatures romandes. «Elles allient deux éléments: la possibilité de devenir propriétaire, un statu qui est inaccessible pour la plupart des Suisses et l’opportunité simultanée de mettre sur pied une activité économique fiable», avance Anastase Liaros.

La destination influe peu

Au fil des saisons, les téléspectateurs et téléspectatrices ont pu constater que certains pays sont particulièrement prisés des futurs Suisses de l’étranger. La France, l’Allemagne et le Canada tiennent le haut de l’affiche chez les Romandes et Romands. Pour Guillaume Fialip, qui s’occupe du montage vidéo de Bye bye la Suisse depuis de nombreuses saisons, «la France et l’Allemagne ont un côté rassurant par leur proximité géographique, linguistique et culturelle».

Les protagonistes de Auf und davon sont surtout tentés par le Canada, l’Australie, la Suède ou l’Allemagne. Depuis quelques années, la Suède rivalise avec l’Australie. «On pourrait la qualifier de ‘Canada light’», explique Jochen Frank, coproducteur chez SRF. Selon lui, le pays est relativement similaire, beaucoup plus proche de la Suisse et il est plus facile de s’y établir.

Jochen Frank
Jochen Frank accompagne depuis 2015 les candidat-es à l’expatriation. SRF-SWI

Anastase Liaros ajoute que certains pays, comme le Costa Rica, sont particulièrement accueillants et facilitent l’installation. Il est en revanche beaucoup plus difficile de s’établir aux États-Unis ou au Canada en raison de lois sur l’immigration contraignantes. Par ailleurs, il est plus facile de s’installer là où la mentalité est similaire à celle de la Suisse, contrairement à l’Asie par exemple. Là-bas, on reste un étranger ou une étrangère. «Avoir des enfants aide aussi à s’intégrer plus rapidement», précise Regina Buol.

Du point de vue de la réalisation, certains pays sont aussi moins accessibles, à l’instar du Maroc ou de l’Égypte. «Tourner dans ces pays est plus compliqué, ne serait-ce que pour obtenir les autorisations de filmer», explique Jochen Frank.  Les tournages sont relativement courts. Pour chaque famille ou couple, trois journalistes se rendent en moyenne quatre fois sur place durant quatre jours environ. À la RTS, le journaliste qui suit la famille romande tourne pendant une quarantaine de jours par saison.

«Préparation, préparation, préparation»

Pour les réalisateurs et réalisatrices, la clef du succès d’un projet ne tient pas tant à la destination qu’à la préparation. «Cela paraît évident, mais un couple qui part en ayant fait une étude de marché, en s’étant minutieusement renseigné et en s’étant rendu plusieurs fois sur place, ça fait toute la différence», relève Anastase Liaros.

Guillaume Fialip
Guillaume Fialip est responsable du montage vidéo de Bye bye la Suisse depuis plusieurs années. màd

Selon Guillaume Fialip, trois paramètres sont examinés lors du recrutement des candidates et candidats à l’émission: le projet en lui-même, si la destination est en rapport avec le projet, et la préparation. «Le ‘on verra bien’ ne fonctionne pas». Il se rappelle l’aventure des Müller partis au Canada en 2017 en quête de grands espaces, mais sans projet très défini, qui ont dû rentrer en Suisse au bout d’un an, car ils n’ont pas reçu les autorisations nécessaires pour s’y établir durablement.

«En principe, les projets présentés dans nos émissions ont un taux de réussite élevé», affirme Regina Buol. D’après elle, les protagonistes se préparent toujours très bien – un comportement très suisse. «Après, c’est la vie qui décide», ajoute Jochen Frank.

L’administration, cette empêcheuse de tourner en rond

Lorsque l’on quitte la Suisse, les lourdeurs administratives sont généralement totalement sous-estimées. «Nourriture, mœurs… les Suisses s’y adaptent facilement, car ils et elles voyagent beaucoup et ont l’habitude de se confronter à d’autres cultures», indique Anastase Liaros. Mais ils et elles ont aussi l’habitude d’une administration qui fonctionne. «Une fois la frontière passée, c’est le choc!».

Celles et ceux qui ont vu les émissions se souviennent certainement de la famille Caboussat, qui a acheté un château d’eau dans le nord de l’Allemagne pour en faire un café et une maison d’hôte, et est allée de déconvenue en déconvenue en raison des barrières administratives qui se dressaient devant elle.

Dans de telles impasses, les candidates et candidats doivent rebondir s’ils ne veulent pas tout perdre. «Une fois sur place, le temps peut être un véritable ennemi», avertit Anastase Liaros. Qu’il faille trouver un logement ou attendre des autorisations, le temps qui passe peut rapidement grignoter les économies longuement amassées.

Après l’euphorie, le retour à la réalité

Pour le réalisateur de Bye bye la Suisse, d’autres éléments peuvent venir contrarier les plans de départ. Car l’humain est ainsi fait que «même dans les plus beaux endroits du monde, le charme s’estompe». Les gens réalisent alors qu’ils sont loin de leur famille et de leurs amis. Selon Jochen Frank, les candidates et candidats ont tendance à mésestimer le mal du pays, et aussi l’absence de changement de saisons. «C’est pourquoi tous mangent de la fondue au fromage, où qu’ils soient dans le monde», s’amuse Regina Buol.

À cela s’ajoute l’instabilité économique, qui est souvent plus importante qu’en Suisse. «Les Suisses qui s’expatrient avec de tels projets doivent souvent revoir leur niveau de vie à la baisse», indique Anastase Liaros.


RTS diffusera la 12e saison de Bye bye la Suisse à partir du 13 janvier 2023. Dans l’émission, RTS reprend deux familles ou couples suisses alémaniques de la saison précédente de SRF et y ajoute une famille ou couple romand.

Vous songez à vous expatrier? RTS recherche en permanence des candidat-es pour son émission Bye bye la Suisse et se réjouit de recevoir votre candidature à l’adresse suivantedocumentaires@rts.ch.

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Discussion
Modéré par: Emilie Ridard

Messieurs, quelle histoire d’amour se cache derrière votre expatriation?

Les hommes sont bien moins nombreux que les femmes à s’expatrier par amour. Vous qui avez vécu cette aventure, racontez-nous votre histoire!

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