Des perspectives suisses en 10 langues

«Il faut un accord de coopération avec Bruxelles»

Walter Stoffel présidera encore la Commission de la concurrence jusqu’au milieu de l’année. Keystone

Le gardien de la concurrence suisse, Walter Stoffel, quittera ses fonctions cet été, après sept ans de présidence. Le professeur de droit plaide pour un accord avec Bruxelles pour permettre un échange d’informations conséquent durant les enquêtes.

Consommateurs, entreprises, politiciens: la concurrence concerne tout le monde. Si les produits sont plus chers ici qu’à l’étranger, si les entreprises ne s’en tiennent pas aux règles et aux lois ou si un acteur domine le marché, les conséquences s’en feront ressentir par tous.

La Commission de la concurrence (Comco) joue donc un rôle crucial. Ses présidents sont souvent sous le feu croisé des critiques, entre l’économie et la population.

Le président actuel Walter Stoffel, en place depuis 2003, a été le premier à pouvoir prononcer des sanctions directes. Les sommes en cause atteignent des millions de francs. Pour les entreprises, cela peut faire mal.

swissinfo.ch: La commission de la concurrence et le surveillant des prix sont souvent proches. Quelle est la différence entre ces autorités ?

Walter Stoffel: C’est à juste titre que ces deux autorités sont liées. Une concurrence qui fonctionne est bénéfique aux consommateurs. Le but même de la concurrence est de servir le bien-être des consommateurs. L’existence simultanée d’autorités de la concurrence et d’un surveillant des prix est toutefois une particularité suisse.

Le surveillant des prix est une sorte de mur des lamentations pour les consommateurs. De par la nature de sa fonction, il travaille en étroite collaboration avec la Comco.

A côté de cela, il aussi un travail autonome. Il surveille les prix dans les domaines où la concurrence ne fonctionne pas. Ces deux institutions se complètent donc. La collaboration fonctionne bien.

swissinfo.ch: Est-ce que les autorités de la concurrence ont plus à faire dans un petit pays que dans un grand ? Est-ce que les dangers de cartels ou d’abus sont plus grands ?

W.S.: Sur un premier plan, les problèmes sont, fondamentalement, les mêmes partout en Europe, et les tâches à accomplir aussi. De plus, la Suisse n’est pas si petite. Avec ses presque huit millions d’habitants, elle représente un marché considérable. La Suisse compte aussi beaucoup de grandes entreprises. En comparaison européenne, c’est le Luxembourg qui est petit.

Evidemment, sur un deuxième plan de comparaison, la Suisse est bien plus petite que ses voisins directs. Il est donc exact de dire que l’on se connaît mieux et que l’on est plus proche dans un pays comme la Suisse, qui connaît aussi une certaine tradition de la coopération. Il y a moins de place pour les entreprises qui ont juste la taille critique. On rencontre donc souvent des entreprises qui dominent le marché. Par contre, dans les plus grands pays, on rencontrera peut-être davantage d’ententes cartellaires.

swissinfo.ch: Est-ce que l’ont peut, en Suisse, prononcer des sanctions plus facilement qu’en Allemagne ou ailleurs en Europe ?

W.S.: Les bases légales sont les mêmes qu’ailleurs en Europe. Mais nous avons des lacunes en ce qui concerne nos effectifs. Nous aurions besoin de 15 à 20% de collaborateurs supplémentaires. Il suffit qu’il y ait une ou deux fusions, en plus des affaires courantes, pour que nous soyons déjà dans une situation difficile.

swissinfo.ch: Et lorsque les entreprises sont actives sur le plan international ? Vous travaillez aussi avec vos homologues étrangers ?

W.S.: C’est un point important. Notre problème est le même que celui de notre pays dans le contexte européen: notre place n’est pas claire. La collaboration avec nos collègues étrangers, avec la commission de la concurrence de l’Union européenne et avec les autorités outre-Atlantique est certes excellente et régulière. Mais elle se limite à un échange d’informations généralement accessibles et ne couvre pas des informations confidentielles contenues dans des procédures en cours.

C’est un grand désavantage, pour les deux parties. L’économie suisse est presque toujours européenne. Les violations des lois sur la concurrence sont aussi européennes et traversent les frontières. C’est pourquoi, depuis 2003, nous demandons un accord de coopération avec l’Union européenne et avec les Etats voisins. Les textes sont en fait déjà prêts et attendent sur le bureau du ministère de l’Economie. J’espère qu’un mandat de négociation sera bientôt adopté.

swissinfo.ch: Quels sont les cas qui vous ont le plus choqué, durant votre présidence ?

W.S.: Le cartel de l’asphalte au Tessin. L’affaire s’est déroulée pendant la période de transition ayant précédé la mise en vigueur des sanctions, le 1er avril 2005. Nous avions découvert le cartel en 2003 déjà et nos enquêtes étaient en cours. Mais comme les sanctions ne pouvaient être prononcées qu’à partir d’avril 2005, le cartel a continué, comme si de rien n’était, presque jusqu’à fin mars 2005 et ne s’est dissous qu’après cette date. Les milieux de la construction, au Tessin, ont utilisé les délais avec un sang-froid que j’ai trouvé assez choquant.

Alexander Künzle, swissinfo.ch
(Traduction et adaptation de l’allemand, Ariane Gigon)

Ce lundi 22 mars, Walter Stoffel a présenté sa dernière conférence de presse annuelle de la Commission de la concurrence .

La Comco y a annoncé son recours contre la décision du Tribunal administratif fédéral du 9 mars, qui annulait une amende de 333 millions de francs infligée en 2007à l’opérateur historique de télécoms Swisscom pour abus de position dominante.

L’enjeu est de taille car le Tribunal fédéral (Cour suprême) devra décider si la Comco, sur la base de la loi sur les cartels, peut agir aussi sur des secteurs réglementés contre les abus d’entreprises en position dominante.

La Commission de la concurrence se compose de 12 membres nommés par le Gouvernement: professeurs de droit ou d’économie, représentants des grandes associations économiques et des organisations de consommateurs.

La Comco protège la concurrence en se fondant sur la Loi sur les cartels. Elle combat les cartels nuisibles, surveille les entreprises dominant leur marché, contrôle les fusions et empêche les entraves étatiques au fonctionnement du marché.

La Comco a aussi pour tâche d’adresser des recommandations et des prises de position aux autorités politiques, ainsi que d’établir des avis sur des questions de principe en matière de concurrence.

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative

Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !

Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision