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Swisscom a encore la mainmise sur les télécoms

Libéralisé depuis dix ans, le marché des télécoms aborde un virage important avec la pose de la fibre optique. Mais malgré la concurrence des câblo-opérateurs Sunrise et Orange, Swisscom conserve une position de force dans le secteur de la téléphonie mobile.

«Le déploiement de la fibre optique est l’investissement le plus risqué dans l’histoire de Swisscom car il ne sera rentabilisé que d’ici 15 à 20 ans et nous ne savons pas quel prix payera le consommateur à ce moment-là», affirme Carsten Schloter, patron du géant bleu.

Le développement de ce nouveau réseau constitue un défi technologique et commercial. C’est une évolution cruciale pour le monde des télécommunications qui proposera alors de véritables autoroutes de l’information pour surfer jusqu’à 100 Mbits/s, soit cinq fois plus que la vitesse actuelle.

Le remplacement des anciens câbles en cuivre par de la fibre ouvrira la porte à de nouveaux services qui nécessitent des débits élevés, comme la télévision en haute définition ou la vidéoconférence. Les premières offres commerciales pour les clients privés sont attendues au printemps 2009.

Les grandes villes privilégiées

D’ici un an, 100’000 ménages seront raccordés et Swisscom prévoit qu’un tiers de la population sera relié en 2015. Mais ce sont surtout les grandes villes (Zurich, Bâle, Genève, Berne, St-Gall, Lausanne et Fribourg) qui sont concernées, le reste du pays devra se contenter du statu quo pour encore de nombreuses années.

Swisscom, ex-opérateur monopolistique, va débourser plusieurs milliards pour installer ce réseau puisque la connexion en fibre optique d’un ménage coûte en moyenne 4500 francs. Il aimerait bien le construire en collaboration avec les autres opérateurs, les services industriels des villes ou les câblo-opérateurs, dans le but de réduire les coûts.

Mais pour l’heure les différents acteurs du marché ne s’entendent pas sur le modèle économique de ce déploiement. Swisscom préconise la pose de quatre fibres optiques en parallèle. La première servira pour son propre réseau. Les trois autres seront revendus aux opérateurs qui devront déployer leur propre électronique pour les exploiter.

Collaboration indispensable

Des concurrents préconisent un autre modèle: la pose d’une fibre avec un seul équipement électronique pour tous. A Zurich, les services industriels de la ville, soutenus par Orange, installent leur propre fibre optique.

«L’achat de fibres ou la participation aux frais de construction serait une entrave à la concurrence car seul Swisscom, avec sa forte base de clients, aurait l’assurance de rentrer dans ses frais. Pour tous les autres, les risques seraient trop grands», estime Gottardo Pestalozzi, porte-parole de Sunrise.

Quant aux câblo-opérateurs, ils attendent de voir comment va évoluer le marché car ils pourront déjà offrir en 2009 dans certaines villes des débits dépassant les 100 Mbits/s grâce à l’introduction d’une nouvelle technologie.

Une collaboration entre les divers acteurs sera indispensable. Swisscom peut se permettre d’investir des milliards pour moderniser ses réseaux alors que ses rivaux n’en ont pas forcément les moyens.

Un marché figé

Depuis sa libéralisation en 1998, le marché suisse a connu plusieurs révolutions comme l’explosion des téléphones mobiles ou la démocratisation de l’accès Internet à haut débit grâce à la technologie ADSL. Et souvent c’est Swisscom qui a tiré les marrons du feu au détriment de la concurrence et d’une baisse des prix pour le consommateur.

Dans le secteur du mobile, face à une jungle de tarifs qui rend la comparaison quasiment impossible, les consommateurs helvétiques ont tendance à rester fidèles à leur opérateur. Surtout, qu’à part certains «trous» locaux, la couverture est quasiment similaire.

Les parts de marché des trois principaux opérateurs mobiles semblent gravées dans le marbre. Swisscom détient plus de 62% des clients mobiles suisses, contre environ 19% pour chacun de ses principaux rivaux, Sunrise et Orange. Résultat, la Suisse demeure un îlot de cherté pour les appels mobiles.

Pour le réseau fixe, la concurrence est plus ouverte. Mais Swisscom a profité des années d’atermoiements politiques sur l’ouverture du «dernier kilomètre» pour asseoir ses positions tant dans la téléphonie que dans l’accès à Internet.

A la recherche d’une place au soleil

Des sociétés comme VTX ou Sunrise sont actuellement en pleine phase de dégroupage des centraux téléphoniques. Ces opérateurs y implantent leurs infrastructures pour que les clients puissent totalement s’affranchir de Swisscom et ne plus lui payer la taxe de raccordement de 25,25 francs. L’utilisateur ne reçoit plus qu’une seule facture et ne doit changer ni son numéro, ni son téléphone.

Sunrise a déjà installé ses équipements dans près de 200 centraux locaux. Il prévoit qu’en 2010 le dernier kilomètre sera ouvert pour 80% des foyers suisses. Dans les zones dégroupées, le numéro deux de la téléphonie en Suisse propose des offres à prix cassés qui associent téléphonie et accès à Internet avec des rabais si l’abonné est aussi un client mobile chez lui.

Sunrise joue son va-tout pour séduire les consommateurs avec des offres combinées. Il espère ainsi secouer des utilisateurs frappés d’inertie pour les faire basculer vers son réseau. Pour l’heure, l’opérateur enregistre certes de nouveaux abonnés, mais son chiffre d’affaires et son bénéfice ne cessent de reculer.

Pas facile de se faire une place au soleil dans un marché suisse des télécoms qui représente un chiffre d’affaires d’environ 18 milliards de francs, mais qui est encore largement dominé par l’opérateur historique.

swissinfo, Luigino Canal

Prix. En 1998, lors de l’ouverture du marché suisse des télécommunications, une minute de communication avec les Etats-Unis était facturée 1,20 franc par Telecom PTT, à l’époque l’unique fournisseur du pays. Aujourd’hui, cette même minute coûte 4 centimes!

ADSL. Actuellement l’accès rapide à Internet via le fil de cuivre du téléphone est principalement assuré par la technologie ADSL, disponible pour 98% de la population. Swisscom compte 1,27 million de clients directs et revend en plus 448’000 connexions à ses concurrents. Les câblo-opérateurs possèdent environ 715’000 abonnés dont 477’000 pour Cablecom.

Fibre optique. Swisscom estime que les besoins en bande passante sont multipliés par deux tous les 20 mois. La fibre optique permet des débits de 100 Mbits/s alors que l’ADSL plafonne à 20 Mbits/s.

«last mile». Le «dernier kilomètre» est le fil de cuivre qui relie le client à un central téléphonique. Le dégroupage signifie qu’un opérateur concurrent de Swisscom doit installer son infrastructure dans les centraux de quartier de l’ancien monopole (on en compte un millier dans le pays) pour connecter les lignes à son propre réseau.

Clients. Fin septembre, la Suisse recensait plus de 8 millions de clients mobiles, dont 5 millions pour Swisscom alors que ses rivaux Orange et Sunrise n’en comptabilisaient que 1,5 million chacun.

Privatisation. Avec 52% des actions, la Confédération reste l’actionnaire majoritaire de Swisscom. Une éventuelle privatisation est régulièrement évoquée, mais pour l’instant le gouvernement n’a pas présenté de projet après avoir subit un échec cuisant devant le Parlement il y a deux ans.

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