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La Suisse prélève-t-elle aussi les organes des touristes?

Organentnahme
La Suisse fait face à un manque d'organes à transplanter. Une nouvelle loi, approuvée par le peuple, doit y remédier. Cela a également des conséquences pour les personnes de passage en Suisse. Keystone

En Suisse, toute personne qui ne s’oppose pas explicitement de son vivant à faire don de ses organes y consent. Cette nouvelle règle est aussi supposée s’appliquer aux personnes résidant à l’étranger et aux touristes. Explications.

Avec plus de 60% de oui, les citoyennes et citoyens suisses ont approuvé le 15 mai une nouvelle loi sur la transplantation, ouvrant ainsi la voie à la solution du «consentement présumé». Les personnes de plus de 16 ans qui ne se seront pas opposées de manière explicite de leur vivant au don d’organes seront considérées comme donneuses après l’entrée en vigueur de la loi, qui ne devrait pas intervenir avant 2024.

Le passage du consentement explicite au consentement présumé a déclenché un vif débat éthique en Suisse. Il suscite désormais crainte et méfiance au niveau international, comme le montrent les réactions des lecteurs et des lectrices de SWI swissinfo.ch.

À qui s’applique la nouvelle loi sur la transplantation et en particulier le consentement présumé?

Une fois entrée en vigueur, la nouvelle loi s’appliquera à toutes les personnes séjournant en Suisse, indépendamment de leur nationalité et de leur lieu principal de résidence. Les seules restrictions concernent l’âge et l’incapacité de discernement: la loi ne s’applique pas aux jeunes et aux enfants de moins de 16 ans, ni aux personnes souffrant de troubles cognitifs et ayant un représentant légal. En Europe, le consentement présumé est largement répandu sous différentes formes, les autres pays appliquant également leurs règles de manière territoriale.

En cas de mort cérébrale, la Suisse peut-elle prélever les organes de personnes décédées contre leur gré? 

Ce cas de figure est pratiquement exclu. La Suisse introduira le consentement présumé au sens large. Cela signifie que le consentement présumé par l’absence d’opposition doit être confirmé par des proches. Si aucun proche n’est joignable, le prélèvement d’organes n’est pas autorisé. Un prélèvement contre la volonté ne peut avoir lieu que si les proches ne sont pas du tout ou mal informés du souhait du défunt ou de la défunte.

La Suisse va-t-elle plus loin que les autres pays européens en matière de don d’organes?

La solution du consentement présumé au sens large est plutôt modérée en comparaison européenne. Certes, l’Allemagne, un membre éminent de l’UE, a implémenté le principe de la déclaration (la personne déclare expressément si ses organes pourront ou non être prélevés une fois décédée), et le Danemark, l’Irlande, l’Islande, la Lituanie et la Roumanie connaissent, comme la Suisse jusqu’à présent, la solution du consentement explicite.

Mais partout ailleurs, la solution du consentement présumé s’est imposée. La France, la Finlande, la Grèce, l’Italie, la Croatie, la Norvège, la Russie et la Suède accordent également aux proches le droit de se prononcer contre le prélèvement d’organes. En Belgique, au Luxembourg, en Lettonie, à Malte, en Autriche, en Pologne, au Portugal, en Espagne, en République tchèque, en Hongrie et en Slovaquie, le consentement présumé s’applique sans restriction. Dans la pratique, le non des proches peut toutefois être accepté.

C’est la Bulgarie qui va le plus loin en Europe. Dans ce pays, le prélèvement d’organes est autorisé même contre la déclaration expresse d’une personne décédée, mais uniquement en cas d’urgence. 

Des organes provenant de l’étranger sont-ils déjà transplantés en Suisse aujourd’hui?

La Suisse a l’un des taux de don d’organes les plus bas d’Europe et dépend donc depuis longtemps des dons d’organes provenant de l’étranger. La situation s’est aggravée au cours des dernières années. La part des organes transplantés provenant de l’étranger n’a cessé d’augmenter et a plus que doublé entre 2014 et 2019. Les exportations d’organes ont également augmenté de manière significative durant cette période, mais à un niveau plus bas.

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La situation est différente en ce qui concerne les organes de personnes provenant de l’étranger prélevés en Suisse. Swisstransplant estime le nombre de ces donneurs à 10-15 par an, pour un total de 165 prélèvements d’organes. Toutefois, il s’agit très rarement d’organes prélevés sur des voyageurs.

Il arrive plus souvent que des personnes accidentées à l’étranger soient transportées dans l’un des grands hôpitaux proches de la frontière et y décèdent. Genève, par exemple, prend souvent en charge les cas difficiles de la région grenobloise, comme l’explique Franz Immer de l’organisation Swisstransplant.

A l’inverse, les touristes étrangers de passage en Suisse auraient le droit à une transplantation dans des cas aigus – par exemple lors d’une défaillance soudaine du foie.

Si l’on refuse de donner ses organes en cas de décès sur territoire suisse, comment devra-t-on procéder?

En Suisse, il suffira à l’avenir d’informer ses proches de son souhait en cas de décès. On ne sait pas encore si la Suisse ouvrira son registre national aux personnes résidant à l’étranger lorsque la loi entrera en vigueur. En Autriche, cette possibilité existe déjà aujourd’hui, mais n’est que peu connue. Le registre autrichien compte 9000 entrées allemandes et 400 entrées suisses.

Le ministère autrichien de la Santé recommande aux touristes d’avoir une déclaration écrite de don d’organes avec leurs papiers d’identité, par exemple une carte de don d’organes comme celle mise à disposition par de nombreuses organisations.

En Suisse, une carte de don d’organes – sur laquelle on peut inscrire son accord ou son refus de donner tout ou partie de ses organes en cas de décès – au format carte de crédit peut être obtenue auprès de Swisstransplant.

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