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Tour de vis pour les banques, mais des failles subsistent

Plus de fonds propres pour assurer la stabilité des grandes banques. Keystone

Les banques «too big to fail» ne devraient plus risquer d’entraîner l’économie suisse dans leur chute, si chute il devait y avoir. Le durcissement de la loi adoptée au Parlement satisfait le centre, mais pas totalement la droite, ni la gauche.

Au final, le compromis issu de la conférence de conciliation entre les deux Chambres ne diffère pas tellement du projet initial du gouvernement. La révision de la Loi sur les banques a passé le cap de la votation finale vendredi, par 137 voix contre 46 et 9 abstentions au Conseil national (Chambre basse) et 41 voix et 3 abstentions au Conseil des Etats (Chambre haute).

A l’avenir, les grandes banques devront avoir un ratio de fonds propres d’au moins 19% (contre 8% actuellement), remplir des exigences plus sévères en matière de liquidités et améliorer la répartition des risques. Elles devront également prévoir un plan d’urgence en cas d’insolvabilité.

Ces mesures sont plus contraignantes que celles fixées par les régulateurs internationaux dans les accords dits de «Bâle III».

Le Parti socialiste (PS) salue le vote du Parlement, mais seulement comme «un premier pas» dans la bonne direction. Pour la formation de gauche «le risque que font courir les grandes banques à l’économie suisse est encore trop élevé».

Banque d’investissement

Le PS aurait voulu des règles plus dures pour les fonds propres et une interdiction totales des activités de banque d’investissement. «Nous ne devons pas permettre aux grandes banques de prendre le pays en otage», a dit Susanne Leutenegger Oberholzer.

La députée n’a pas réussi à amener la question de l’interdiction de la banque d’investissement dans le présent débat, mais elle a prévenu que ce n’était que partie remise. Et ceci à la suite de l’annonce récente d’une nouvelle perte de 2,3 milliards de dollars par un trader présumé indélicat d’UBS.

A l’opposé, l’Union démocratique du centre (UDC, droite conservatrice) a été la seule formation à voter contre cette révision de la loi, qu’elle juge dommageable pour la compétitivité de la place financière suisse.

«Nous en appelons au gouvernement pour qu’il présente des plans visant à séparer la banque d’investissement des autres secteurs afin d’éviter aux principales banques de prendre des risques incalculables» a dit Martin Baltisser, secrétaire général de l’UDC.

«On a réduit le risque, mais on n’a pas résolu le problème, a ajouté le député. En cas d’insolvabilité d’une banque, c’est encore à l’Etat de la renflouer. Nous demandons des mesures structurelles: division des banques principales en unités séparées, ou création de structures holding».

Les Verts également ont demandé au gouvernement de préparer des propositions pour diviser les banques universelles en unités séparées.

Stabilité

Pour les démocrates-chrétiens par contre, cette loi révisée est «exemplaire». Le parti centriste a dit sa satisfaction de voir que les demandes de la droite comme celle de la gauche n’ont pas réussi à trouver de majorité.

«Une interdiction de la banque d’investissement serait une mesure purement populiste, qui ne générerait aucune sécurité supplémentaire», écrit le PDC dans un communiqué.

Dans la même veine, le libéral-radical (centre droit) Philipp Müller a souligné qu’une interdiction de la banque d’investissement ne suffirait pas nécessairement à éviter des dégâts majeurs.

«Même avec un maximum de restrictions légales, un banquier qui a des intentions criminelles trouvera toujours des failles», a-t-il averti.

De son côté, l’Association suisse des banquiers est évidemment opposée à tout démantèlement des banques universelles existantes. Pour elle, le fait d’avoir des banques offrant une large palette de services ne peut qu’être profitable pour la clientèle.

L’Association salue la révision de la loi, qui assure selon elle «un bon équilibre entre la stabilité du système et la compétitivité internationale des grandes banques suisses».

Des règles plus sévères

Au cours des débats dans les deux Chambres, la gauche et les Verts ont tenté de faire adopter plusieurs mesures de durcissement, mais en vain.

Outre l’interdiction de la banque d’investissement, le camp rose-vert a dû renoncer notamment à des restrictions supplémentaires des activités de trading et à des règles plus strictes en matière de liquidités, basées sur les actifs totaux et non seulement sur les actifs pondérés en fonction des risques.

L’UDC n’a pas eu davantage de succès avec son appel à forcer UBS et Credit Suisse à séparer leurs activités d’investissement, de gestion de fortune et de banque de détail.

Confiance

Il aura donc fallu plusieurs navettes entre les deux Chambres du parlement avant que les derniers détails ne soient enfin réglés jeudi.

La ministre des Finances Eveline Widmer-Schlumpf a estimé que ces règles sévères allaient aider à restaurer la confiance dans la Suisse en tant que place financière.

«Nous voulons laisser aux banques leur liberté entrepreneuriale, mais avec certaines restrictions pour éviter de créer des problèmes à l’Etat et aux contribuables. Il pourrait en résulter une baisse des profits, mais nous aurons plus de stabilité, plus de sécurité et une plus haute fiabilité. Ceci va restaurer la confiance dans le secteur financier. Et c’est capital», a-t-elle dit aux députés.

Au plus fort de la crise financière de 2008, le gouvernement avait renfloué UBS, à coups de dizaines de milliards et fait racheter ses actifs «pourris» par la Banque nationale.

A cette époque, la somme cumulée du bilan des deux grandes banques suisses (UBS et Credit Suisse) représentait plus de quatre fois le PIB du pays.

Avec la révision de la loi (qui doit entrer en vigueur en 2012), les banques trop grandes pour faire faillite devront doubler le niveau de leurs fonds propres (19% des actifs pondérés en fonction des risques, contre 8% actuellement).

La compétence de définir les banques concernées reviendra à la Banque nationale. L’Autorité de surveillance des marchés financiers (FINMA) accordera des allègements aux banques qui améliorent leur capacité à être assainies ou liquidées.

Si l’Etat devait soutenir une banque via une aide financière, le gouvernement pourra interdire les bonus et revoir le système de rémunération.

Au plus tard trois ans après l’entrée en vigueur, puis ensuite tous les deux ans, le gouvernement devra examiner la mise en œuvre des mesures en comparaison internationale et en référer au Parlement.

(source: ats)

Traduction et adaptation de l’anglais: Marc-André Miserez

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