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Virage à droite pour le nouveau Parlement suisse

A la télévision, les présidents de partis ont commenté les résultats lors de ce que l'on nomme la ronde des éléphants. Keystone

La droite conservatrice et la droite classique font figure de gagnants des élections fédérales de ce dimanche. Le centre politique subit un recul, mais ce sont surtout les milieux écologiques qui font les frais du scrutin.

Depuis des mois, les instituts de sondage parlaient d’un léger glissement vers la droite. Force est de constater qu’ils ne s’étaient pas trompé. En fait, la progression de l’Union démocratique du centreLien externe (UDC / droite conservatrice) est même plus forte que prévu. Ce parti gagne 11 sièges par rapport aux dernières élections fédérales de 2011. Avec 65 sièges, l’UDC bat son record de 2007 (62).

Le Parti libéral-radicalLien externe (PLR / droite) a également le vent en poupe. Il gagne 3 sièges par rapport à 2011. Le gain n’est pas énorme, mais hautement symbolique. C’est la première fois depuis plus de 30 ans que le PLR, ancien parti hégémonique et qui avait créé la Suisse moderne, renoue avec une dynamique positive. 

De plus, avec les voix de l’UDC, du PLR (33), de la Lega dei Ticinesi (2) et celle du Mouvement Citoyens Genevois (MCG), la droite obtient 101 sièges et donc la majorité absolue à la Chambre du peuple.

Le président du PLR Philipp Müller s’est déclaré satisfait des résultats de son parti, même si l’augmentation n’est pas aussi forte que prévue par les sondages. «Mais après avoir perdu des sièges pendant 36 ans, une petite victoire est malgré tout une victoire», a-t-il déclaré.

Presque la moitié 

49% des citoyens ont participé à ces élections fédérales. L’affluence aux urnes serait donc légèrement supérieure aux résultats d’il y a quatre ans (48,5%). Pour mémoire, la participation est passée sous la barre des 50% en 1979 et ne l’a plus franchie depuis lors. 

L’érosion du centre continue 

Le Parti démocrate-chrétienLien externe (PDC / centre-droit) perd lui aussi des voix depuis plus de 30 ans. Mais contrairement au PLR, ce n’est pas cette année encore que les démocrates-chrétiens renverseront la vapeur. Ils perdent 1 siège par rapport à 2011. 

Les autres formations du centre-droit sont également à la peine. Le Parti bourgeois-démocratiqueLien externe (PBD) perd 2 sièges et les Verts libérauxLien externe 5 sièges.

Il y a quatre ans, ces deux formations avaient connu une bonne progression. On parlait alors de l’émergence d’un nouveau centre après des années de polarisation politique entre la droite conservatrice et la gauche. Mais quatre ans seulement après cette poussée, le soufflé semble déjà se dégonfler.

Christophe Darbellay reconnaît les difficultés du centre. «On a été incapable de collaborer au centre. Mais nous allons discuter pour voir dans quelle mesure on peut donner un corps au centre. Sinon il faudra en assumer les conséquences», a déclaré le président du PDC. 

Déroute verte 

Tout comme les Verts libéraux, le Parti écologistes suisseLien externe (PES / les Verts) perd aussi beaucoup de plumes dans cette élection: 5 sièges. 

Qu’il soit orienté à droite (Verts libéraux) ou à gauche (Verts), le mouvement écologique connaît un véritable «dimanche noir», puisqu’il perd au total 10 sièges. «Je suis très inquiète pour la politique environnementale», a d’ailleurs réagi Adèle Thorens, co-présidente des Verts. 

Quelques figures 

Certaines personnalités se démarquent dans le flot des candidats, que ce soit en raison de leur nom ou de leur parcours. Citons: 

Scientifique et écrivain, Jacques Neirynck (PDC / Vaud) ne conserve pas son siège. En poste depuis 12 ans et âgé de 84 ans, il était le doyen du Conseil national. 

Hans Fehr et Christoph Mörgeli, deux ténors de l’UDC zurichoise et nationale, n’ont pas non plus été réélus. 

Nouveau venu en politique, l’UDC Roger Köppel est élu en réalisant le meilleur score de son parti dans le canton de Zurich. Il est le rédacteur en chef de la «Weltwoche», un journal favorable aux thèses de l’UDC. 

Ancien ambassadeur de Suisse à Berlin, Tim Guldimann a été élu au Conseil national sur la liste socialiste. Il devient le premier expatrié à réussir son élection au Parlement. 

La fille de Christoph Blocher, le leader historique de l’Union démocratique du centre, a été élue. Magdalena Martullo-Blocher représentera les Grisons à la Chambre du peuple. 

Le maire du Locle (canton de Neuchâtel) Denis de la Reussille a réussi à se faire élire sur la liste du Parti ouvrier populaire. Il sera l’unique représentant de l’extrême-gauche au Parlement. 

Agée de 25 ans, Lisa Mazzone (Verts / Genève) sera la benjamine du Parlement.

Traditionnellement allié aux Verts, le Parti socialisteLien externe est également en recul: il perd 3 sièges. A noter encore, que l’extrême-gauche marque son retour sur la scène fédérale en gagnant un siège dans le canton de Neuchâtel.

De Fukushima aux migrants 

Il est encore un peu tôt pour se risquer à des analyses. Les politologues analyseront plus précisément les résultats au cours des prochains jours. Néanmoins, les préoccupations des Suisses peuvent fournir une clef d’explication.

Il ressortait des sondages que la crise migratoire représente le souci numéro un des Suisses, reléguant les autres dossiers plus loin dans le classement. «Les citoyens ont compris que la situation est beaucoup plus sérieuse que ce qui apparaît», a affirmé le député UDC Guy Parmelin. Le président du parti Toni Brunner s’est pour sa part dit persuadé que le thème de l’immigration allait dominer la prochaine législature.

Les actualités et les images choc diffusées en boucle par les médias ces dernières semaines ont été «du pain béni» pour les démocrates du centre, a déploré le président du PDC Christophe Darbellay. Même son de cloche au PS, dont la vice-présidente Géraldine Savary observe «malheureusement sans surprise» l’avancée de l’UDC, portée par un discours «jouant sur les peurs» en lien avec la crise migratoire. 

Les citoyens renouvelaient aussi 45 des 46 sièges du Conseil des Etats (Chambre haute).

27 sièges sont d’ores et déjà attribués: 8 pour le PLR, 7 pour le PDC, 6 pour le PS, 5 pour l’UDC et 1 hors parti.

Il faudra un 2e tour pour les autres sièges. L’élection aura lieu le 15 novembre.    

Il y a quatre ans, c’est la catastrophe nucléaire de Fukushima qui avait fortement marqué les esprits, boostant les résultats des mouvements écologiques.

Changement au gouvernement? 

Ces élections fédérales 2015 ne changent pas radicalement la répartition des forces au sein du Parlement. Le système suisse étant proportionnel et non majoritaire, les gains et les pertes de sièges ne débouchent pas sur des bouleversements politiques tels qu’on peut les voir en France ou aux Etats-Unis, par exemple. Le système des alliances restera donc indispensable pour parvenir à des majorités.

Toutefois, l’affaiblissement du centre-droit pourrait avoir des conséquences sur la composition du gouvernement. Le siège de la ministre des finances Eveline Widmer-Schlumpf (Parti bourgeois démocratique) est plus que jamais contesté. 

En effet, comment justifier le fait que l’UDC, première force politique du pays, et le PBD, formation de taille très modeste, disposent chacun d’un siège. Certes, cette situation provient du fait que l’UDC a elle-même exclu Eveline Widmer-Schlumpf de ses rangs, après que cette dernière eut accepté son élection suite à l’éviction du leader de l’UDC Christoph Blocher. Quoi qu’il en soit, l’affaiblissement du PBD et de ses alliés du centre-droit rend la position d’Eveline Widmer-Schlumpf un peu plus inconfortable. 

Dès les premiers résultats connus, les discussions des ténors des différents partis ont d’ailleurs largement porté sur cette situation. Nul doute que ce thème restera en bonne position de l’agenda politique d’ici la réélection du gouvernement par le Parlement, qui aura lieu au début du mois de décembre, lors de la prochaine session d’hiver des Chambres fédérales.

Polis
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