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En Afrique du Sud, le Sida frappe dès l’école

Même dans les écoles les plus pauvres, l'uniforme est de rigueur... pour celles et ceux qui peuvent se l'offrir. MiET

De la promotion de la santé à l'accompagnement des élèves séropositifs, l'aide suisse a initié la réorientation d'une ONG sud-africaine.

La direction du développement et de la coopération (DDC) continue à soutenir cette nouvelle mission qui va s’étendre à cinq pays d’Afrique australe, la zone du monde la plus touchée par le sida.

En montant vers Nongoma depuis la côte du KwaZulu Natal, les vertes collines font place à une savane plus austère. Loin des stations balnéaires et des villes industrielles, avec sa rue centrale aux couleurs d’un marché africain, ce gros bourg doit ressembler à des milliers d’autres.

La campagne alentour paraît bien misérable. Les villages sans rues, sans électricité, sans eau courante y sont de simples éparpillements de huttes ou de maisonnettes au milieu des champs en friche ou plantés de canne à sucre.

«Ici, les gens savent ce qu’est la pauvreté. Pas mal se couchent le soir avec le ventre vide», explique Z. S. Gazu, président du Conseil de l’école de Mandlezulu. Et c’est aussi avec le ventre vide que certains enfants font vingt kilomètres à pied le matin pour venir en classe.

Depuis le début de l’année au moins, on leur y sert un petit-déjeuner. C’est un des aspects du soutien du Media in Education and Training Project (MiET), dont la vocation de départ est pourtant tout autre.

Eduquer et réconforter

Depuis la fin de l’apartheid, MiET produit du matériel pédagogique axé sur la promotion de la santé, l’environnement et la démocratie. Puis, sur l’idée des coopérants de la DDC, l’ONG s’est intéressée également à la prévention, puis aux victimes du VIH.

A Mandlezulu, elle est présente depuis 2002. Elle a fait de l’école le centre d’un réseau de huit établissements, qui bénéficient de son infrastructure. Dix ordinateurs reliés à Internet, une photocopieuse, un fax et une bibliothèque, également ouverte à tout le village, cela paraîtrait un minimum ailleurs. Mais ici, c’est déjà énorme.

Et dans chaque école du réseau, les élèves atteints du VIH, peuvent compter sur le soutien d’une «nounou». Ici, elle se nomme Bona et on n’a aucune peine à la croire quand elle dit qu’elle «aime trop les enfants».

Son rôle: écouter, réconforter, cajoler et aussi encourager ses protégés à prendre leurs pilules quotidiennes. Dans les écoles “MiET” en effet, on offre les multithérapies. Privilège rare en Afrique du Sud.

Des drames cachés…

Quant aux profs, ils ont appris à répondre aux situations de détresse. «Avant, ils réprimandaient juste les élèves qui arrivaient en retard ou s’endormaient en classe. Désormais, ils arrivent à comprendre les drames qui peuvent se cacher derrière ces signes», se réjouit Z. S. Gazu.

Des drames que l’assistante sociale du réseau pourra tenter d’arranger en rendant visite aux familles. Pas évident lorsque l’on est une jeune femme et qu’il faut faire face à un père qui abuse de sa fille. Mais parfois, on y arrive. Et le violeur finit en prison.

…qui n’empêchent pas de chanter et de danser

Aujourd’hui, une certaine fièvre règne dans les quatre modestes baraquements où s’entassent les 700 élèves (pour 15 profs !) de l’école. On s’apprête à recevoir Lynn van der Elst, responsable du projet VIH/sida de MiET et son hôte venu de Suisse.

La réunion commence par une prière. Au nom du Conseil, une dame aux formes généreuses scande son discours de bienvenue, qui tourne rapidement en une sorte de gospel, repris en chœur par l’assemblée. «Quand nous sommes émus, nous ne pouvons pas nous empêcher de chanter», glisse, hilare, Moussa, le coordinateur local de MiET.

De chanter et de danser. Une quinzaine de jeunes filles, cheveux courts et pagne de rigueur, viennent ensuite démontrer leur habileté à lever la jambe dans cette fameuse danse zoulou, qu’un certain Johnny Clegg a popularisé en Occident. Et qui ici n’est pas une branche scolaire. «Pas besoin d’apprendre, tout le monde sait faire ça», précise Moussa.

Mais cette gaité ne doit pas faire oublier les tragédies individuelles, rappelle abruptement Lynn. Ancienne enseignante, elle est bien placée pour savoir que dans son pays, un enfant sur trois est abusé.

«Hélas, c’est comme ça, la violence fait partie de la culture de cette terre. Et les hommes, qui ont été tellement humiliés par la violence de l’apartheid se vengent comme ils peuvent».

Raison de plus pour agir à l’école. Car, comme on peut le lire sur la documentation de la DDC, elle est souvent dans une commune «l’institution la plus forte et la plus stable».

swissinfo, Marc-André Miserez à Nongoma, KwaZulu Natal

Sur 9 millions de francs suisses d’aide annuelle à l’Afrique australe (programme régional SADC, Southern African Development Community), la DDC consacre environ 600’000 francs aux programmes de MiET, visant à faire des écoles des centres de soutien pour les enfants victimes ou orphelins du sida ainsi que des centres de promotion d’une vie plus saine.

La Suisse est engagée dans l’extension de ces actions aux pays du SADC, voisins de l’Afrique du Sud (Mozambique, Malawi, Zambie et Swaziland).

Cette mission entre dans les orientations de la DDC, dont un des axes en matière de coopération est de favoriser l’accès à l’éducation et aux soins de santé pour les groupes les plus défavorisés.

Selon les derniers chiffres de l’ONUSIDA, l’Afrique du Sud comptait à fin 2003 au moins 5,3 millions de séropositifs, sur une population de 45 millions.
Dans la classe d’âge de 15 à 49 ans, un habitant sur cinq est porteur du VIH et un demi-million en meurent chaque année.
Cette pandémie est pour beaucoup dans la chute de l’espérance de vie moyenne, qui est passée de 53 ans en 1970 à 47 ans en 2004.
Officiellement, 90% des enfants vont à l’école primaire et celle-ci est gratuite dans les régions les plus pauvres.
Mais les ONG ont des doutes quant à ce chiffre. Dans la pratique, de nombreux enfants ne peuvent simplement pas y aller, obligés qu’ils sont de s’occuper de leurs parents malades, le plus souvent du VIH.

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