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Entre la Chine et la Suisse, un tourisme à sens unique

Keystone

Les touristes chinois sont toujours plus nombreux à visiter la Suisse et leurs séjours s'allongent. Mais le contraire ne se vérifie pas: le tourisme helvétique vers la Chine est en chute libre et les prévisions sont mauvaises. C'est la faute à la crise.

Les touristes étrangers boudent la Suisse. La crise économique et les effets de change pèsent sur le marché international. Le nombre de nuitées étrangères a baissé de 4,5% en août 2009 par rapport à août 2008, selon l’Office fédéral de la statistique.

Les visiteurs des pays du Golfe, du Royaume-Uni et des Etats-Unis marquent les diminutions les plus significatives. Mais il est une exception de taille: la Chine, qui a affiché une augmentation de 34% en août. Raison pour laquelle Simon Bosshart, directeur de SuisseTourisme à Pékin, affiche un large sourire.

«Il faut oublier 2008, c’était une mauvaise année, à cause de l’euro, des Jeux Olympiques, du tremblement de terre au Sichuan, explique-t-il. Nous misons donc sur 2009, qui a très bien démarré. A vrai dire, nous n’avons jamais ressenti les effets de la crise économique, que la Chine, elle, semble avoir surmonté. C’est maintenant, entre le 20 septembre et le 15 octobre que nous réaliserons les meilleures affaires».

Merci au 60ème anniversaire!

A l’occasion du 60ème anniversaire de la fondation de la République populaire, le 1er octobre, les Chinois bénéficient de «longues» vacances, beaucoup peuvent lever le pied durant dix jours, largement de quoi s’offrir une escapade aux antipodes.

«Quand j’ai commencé pour Suisse Tourisme à Pékin en 2006, les touristes chinois passaient une nuit en Suisse, tout au plus deux. Aujourd’hui, la tendance est très nettement à des séjours plus longs, poursuit Simon Bosshart.

Toujours plus de Chinois choisissent la Suisse comme destination unique, malgré l’entrée du pays dans l’espace Schengen, qui les incite plutôt à visiter plusieurs pays. L’an dernier, ceux qui ont opté pour une destination européenne unique ont choisi la Suisse, arrivée première, ex aequo avec la Grèce.»

Les Suisses tendent à bouder

Si les Chinois aiment la Suisse et ont les moyens d’y voyager, les Suisses, eux, ont tendance à bouder l’Empire du milieu. «Nous constatons un recul des commandes d’environ 15% par rapport à l’an dernier», déclare Hong Jiang à Zurich, au nom de l’opérateur Kuoni.

«Malheureusement, le marché de la Chine n’a pas récupéré ces dernières années. Les raisons en sont multiples, mais c’est surtout à cause des rapports négatifs publiés dans les médias», estime pour sa part Prisca Huguenin-dit-Lenoir, du voyagiste Wettstein (Travelhouse – M-Travel) à Glattbrugg.

Et François Leresche, directeur de Voyages et Culture à Lausanne, de renchérir: «La crise économique a commencé à faire des ravages, d’abord sur les voyages d’affaires et bientôt sur les voyages touristiques en général… L’année prochaine sera certainement très difficile pour tous les voyages, y compris en Chine.»

La faute aux médias

A Pékin, Véronique Ducassy dirige l’agence Kuoni Destination Management, qui s’occupe des voyages vers la Chine. Elle évoque une année 2008 déjà «très difficile», et 2009 encore pire. Une situation qu’elle attribue très clairement à la crise et non pas à la situation politique. Nous avons actuellement des groupes au Xinjiang et au Tibet, personne n’a annulé cette année en raison des événements.»

A Lausanne, François Leresche affirme lui que, concernant le Xinjiang, «durant plusieurs jours la désinformation et les mensonges diffusés par la presse occidentale ont eu des effets négatifs». «Pas chez nous», déclare pour sa part Christoph Müller, patron de Hiddenchina à Pékin. «Les voyageurs ont boudé le Tibet l’an dernier, mais rien de pareil au Xinjiang cette année.»

Reste à savoir si les mesures de sécurité extrêmes imposées par Pékin pour le 60ème anniversaire ont dissuadé les voyageurs. Personne en tous cas ne confirme la rumeur selon laquelle les autorités auraient très fermement serré la vis pour l’octroi de visas de tourisme.

«Le gouvernement chinois est bien moins restrictif et procédurier envers les touristes (et journalistes) suisses que le gouvernement suisse envers les touristes (et journalistes) chinois», affirme François Leresche.

Et Schengen?

Le chef de la section visas de l’ambassade de Suisse à Pékin Hervé Findeisen reconnaît que l’entrée de la Suisse dans l’espace Schengen a quelque peu restreint la marge de manoeuvre, même si «tout ressortissant chinois est en droit de demander et de recevoir un visa».

«Aucun client ne m’a signalé la moindre difficulté pour obtenir un visa», constate Eric Piatti, directeur du Swissôtel à Pékin. Du reste, le Lausannois est plutôt confiant: «Je constate une légère reprise depuis le 20 août. Le taux d’occupation s’affiche légèrement à la hausse, on dirait qu’on a atteint et dépassé le creux de la vague.»

Il faut dire que le Swissôtel a pu tourner à plein régime durant les célébrations du 60ème, car situé en-dehors du périmètre de sécurité. D’autres hôtels sous direction suisse ont dû fermer boutique, contraints et forcés, avec consigne stricte de ne pas parler aux médias.

Alain Arnaud, Pékin, swissinfo.ch

Les touristes chinois ne représentent guère plus de 1% de l’ensemble des nuitées d’étrangers. Mais le potentiel de développement est jugé énorme et les Chinois se placent en 2e position en matière de dépenses moyennes quotidiennes (430 francs), juste derrière les Pays du Golfe.

La Suisse a signé en juin 2004 avec la Chine un accord qui lui donne le statut de destination approuvée, et ouvre les portes de la Suisse aux touristes chinois.

L’entrée de la Suisse dans l’espace Schengen facilite par ailleurs la visite du pays, puisque la majorité des touristes chinois ne se limitent pas à la Suisse.

En août 2008, l’ambassade de Suisse à Pékin délivrait 4538 visas de tourisme.

En août 2009, ce n’étaient plus que 229, sur un total de 1666 visas délivrés, toutes catégories confondues.

Suite à l’entrée de la Suisse dans l’espace Schengen, elle ne délivre de visas que lorsqu’elle est la destination principale du voyageur. Dans ces cas, les demandes font l’objet de vérifications plus poussées qu’avant Schengen. Le taux de refus est d’environ 0,4% aujourd’hui, selon Hervé Findeisen, chef du service visas.

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