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Faits et chiffres contre rumeurs xénophobes

En moyenne, les Suisses ont deux fois plus de chances de toucher l'AI que les étrangers. swissinfo.ch

Les étrangers ne profitent pas plus de l’Assurance invalidité que les Suisses. Une étude de l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) prouve même le contraire.

L’OFAS dénonce les «manipulations populistes». Implicitement visée, la droite dure et nationaliste met en cause la «neutralité» de l’Office.

«Le présent article entend s’attacher aux faits, loin des manipulations populistes jouant sur les impressions subjectives». Enoncé dès les premières lignes, le but de l’étude que publie jeudi l’OFAS est clair: démontrer que les étrangers ne sont pas les profiteurs de l’Assurance invalidité (AI).

Et Béatrice Breitenmoser, vice-directrice de l’Office fédéral et co-auteur de texte, de confirmer: «Nous avons établi des évaluations spécifiques afin de donner une base neutre de discussion».

Dans l’esprit de ses auteurs, cette étude répond à l’émission Rundschau du 17 décembre 2003.

Ce soir-là, le magazine hebdomadaire d’actualité de la télévision alémanique a traité des abus en matière d’AI sur un ton que Béatrice Breitenmoser juge «à la limite de la manipulation populiste».

«Cette émission ne laissait place qu’aux émotions, sans informations concrètes et neutres, ajoute la vice-directrice de l’OFAS. Elle a d’ailleurs suscité nombre de lettres et d’interventions parlementaires et même une réaction de la Commission fédérale des étrangers auprès de la chaîne SF DRS.»

Les pendules à l’heure

L’étude de l’OFAS vise donc à remettre les pendules à l’heure. Comme le souligne le texte, les chiffres «démentent sans ambiguïté la rumeur selon laquelle une part importante du total des rentes de l’AI serait versée à l’étranger».

Si l’Office fédéral reconnaît que les demandes de prestations adressées à l’AI depuis l’étranger requièrent un examen plus complexe, il estime faux de dire qu’elles sont potentiellement sources d’abus. Les requêtes sont examinées sur la base du droit suisse par des équipes de spécialistes qui décident des suites à leur donner.

L’étude démontre également que, si le nombre des bénéficiaires de l’AI est en nette hausse depuis 1990, la répartition entre Suisses (65%) et étrangers (35%) est en revanche restée stable depuis 1995.

La majorité des rentiers AI étrangers sont encore des Italiens. Mais, à la différence de celui des ressortissants de l’ex-Yougoslavie, ce groupe diminue constamment.

En effet, 9% des rentiers italiens atteignent chaque année l’âge de la retratie, et la rente de vieillesse vient remplacer la rente d’invalidité. Par contre, ce taux n’est que de 1 à 2% chez les Portugais ou les ressortissants de l’ex-Yougoslavie.

Deux fois plus de chances pour les Suisses

En outre, la probabilité d’obtenir une rente est quasiment deux fois plus élevée pour les cotisants suisses que pour ceux d’une autre nationalité.

Et ceci alors même que le taux d’activité des ressortissants étrangers est plus élevé, que nombre de ces personnes travaillent dans des secteurs plus dangereux et que leur niveau de formation est en général plus bas.

L’étude de l’OFAS précise encore qu’en janvier 2003, 11% du volume des rentes AI ont été versées à l’étranger. La majeure partie, soit 9%, l’a été à des étrangers, contre 2% à des Suisses. En moyenne, la rente d’un Suisse domicilié à l’étranger est 1,5 fois supérieure à celle d’un étranger hors de Suisse. Cette différence reflète les écarts de revenus entre Suisses et étrangers.

Moins de cas psychiatriques chez les étrangers

Autre différence: près de la moitié des nouvelles rentes accordées en 2002 à des Suisses relève de la catégorie «maladies psychiques» alors que cette proportion n’est que d’un bon tiers chez les étrangers.

A l’inverse, les étrangers sont surreprésentés dans la catégorie «os et organes du mouvement». Ce qui s’explique par le nombre important d’entre eux qui travaillent dans le bâtiment, selon l’OFAS.

Pour l’Office fédéral, le vrai problème n’a donc rien à voir avec la nationalité. Il s’agit de la hausse du nombre de rentiers jeunes, atteints dans leur santé psychique et domiciliés en Suisse. En règle générale, ces personnes restent des années voire des décennies à la charge de l’AI.

«Ridicule», selon la droite populiste

Directement visé par l’étude de l’OFAS, l’UDC, parti de la droite populiste n’a pas tardé à réagir.

«Il est absolument ridicule de prétendre qu’il s’agit d’éléments neutres. L’OFAS dépend d’un ministre radical (centre droit) qui a perdu les élections. Peut-être cherche-t-il maintenant à surmonter sa frustration», clame Yves Bichsel, porte-parole de l’UDC.

«Qui connaît la pratique sait que des gens abusent massivement du système, en essayant d’obtenir une rente AI sous n’importe quel prétexte. On peut pratiquement parler d’industrie», ajoute Yves Bichsel.

Et de rappeler que le peuple doit voter cette année sur une hausse de la TVA en faveur de l’AI. «On verra s’il y a une majorité en faveur d’une hausse des impôts pour financer ce système. On observera aussi la position de la majorité du peuple par rapport aux abus», prédit le porte-parole de l’UDC.

Du côté gouvernemental, on ne cherche pas à nier qu’il puisse y avoir des abus. La 5e révision de l’AI, qui sera lancée prochainement devrait d’ailleurs permettre d’y remédier. Elle prévoit de limiter les rentes dans le temps afin de pouvoir examiner à leur échéance si elles doivent continuer à être versées ou non.

swissinfo et les agences

L’Assurance invalidité en 2002:
10 milliards de francs de dépenses, 1,2 milliard de déficit
11% des rentes (47 millions de francs) sont versés à l’étranger (y compris pour les Suisses expatriés)

– Depuis 1995, la proportion entre les Suisses et les étrangers qui touchent une rente AI est restée stable: 65% contre 35%

– Face aux attaques de la droite dure, qui dénonce des abus soit-disant commis par les étrangers, l’Office fédéral des assurances sociales a décidé, en accord avec son ministère de tutelle, de publier des données et des chiffres «objectifs» et «neutres»

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