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Des femmes au foyer pas si désespérées…

Lourdes tâches, mais il faut bien que quelqu'un s'en occupe. Keystone

Un nombre croissant de femmes suisses auraient tendance à faire passer le foyer et la famille avant la carrière professionnelle.

Les médias suisses s’emparent du phénomène, surtout depuis la publication en septembre de «Das Eva Prinzip» (le principe d’Eva), un livre dans lequel la présentatrice de télévision allemande Eva Herman plaide pour les femmes au foyer.

La nouvelle femme au foyer est typiquement une femme bien éduquée qui abandonne sa carrière – temporairement ou définitivement – pour être une mère à plein temps. La nouveauté, c’est qu’il s’agit désormais d’un choix conscient et non plus dicté par la tradition.

Eva Herman avance l’idée que plutôt que d’essayer de tout faire – et de s’épuiser à la tâche – les mères devraient mettre l’accent sur le temps passé avec leurs enfants. Ce qui signifie rester à la maison.

Les principes de la présentatrice allemande ont trouvé un écho en Suisse où l’écrivain Marianne Sigenthaler vient de publier son propre livre – «Femme au foyer, le meilleur job au monde» – dans lequel elle célèbre les vertus de ce métier.

Une très mauvaise image

«Les femmes au foyer ont une très mauvaise image et j’essaie de l’améliorer un peu», déclare Marianne Sigenthaler à swissinfo.

L’auteur, qui est à la fois mère et journaliste indépendante, admet cependant avoir choisi délibérément un titre provocateur pour son ouvrage.

«Je ne dis pas, comme Eva Herman, que les femmes devraient retourner dans leur cuisine, mais qu’elles devraient avoir le choix, précise-t-elle. Et si elles décident de rester à la maison, elles devraient en profiter le plus possible.»

Le problème de l’argent

Mère de trois enfants, Alexa Tschan voit beaucoup de points positifs dans un travail à la maison à plein temps. Ayant abandonné une carrière prometteuse dans la trentaine, alors qu’elle attendait son premier enfant, elle est l’archétype de la nouvelle femme au foyer.

«C’est génial d’être son propre patron, dit-elle. Je peux organiser ma journée comme je l’entends. Je me sens tout à fait libre et je n’ai aucun regret.»

Malgré cela, Alexa Tschan souligne très vite que la vie d’une femme au foyer à plein temps ne consiste pas simplement à materner et à faire des pâtisseries. Par ailleurs, il existe un manque de considération sociale. Et on ne parle pas de l’argent…

Reconstruire d’anciens stéréotypes

Président du Forum suisse pour les hommes et l’émancipation (maenner.ch), Markus Theunert remarque que les femmes ne peuvent choisir de rester à la maison que si leur partenaire parvient à faire bouillir la marmite.

Il estime que dans leurs livres, Eva Herman et Marianne Siegenthaler, semblent tenter de «reconstruire d’anciens stéréotypes» des hommes et des femmes.

«Si la femme reste à la maison, elle a besoin de quelqu’un qui sort pour gagner l’argent, et c’est de manière stéréotypée le rôle de l’homme», commente-t-il.

Le temps partiel ne fonctionne pas

Bien qu’elle parle d’un métier de «chef de l’entreprise familiale», Marianne Siegenthaler admet que les travaux du ménage – en particulier le nettoyage – n’ont rien de vraiment excitant.

Mais elle indique que de plus en plus de femmes choisissent de rester à la maison et d’y nettoyer les sols plutôt que de voir leur carrière professionnelle freinée.

En raison de la difficulté de concilier une carrière avec l’éducation des enfants en Suisse, beaucoup de femmes préfèrent travailler à temps partiel. Mais un tel choix ralentit leur progression dans l’échelle hiérarchique.

Une désillusion

«Je pense que beaucoup de femmes qui avaient l’idée qu’elles seraient capables de tout gérer – carrière, foyer, enfants – connaissent une désillusion. Elles réalisent que cela ne fonctionne tout simplement pas», déclare Marianne Sigenthaler.

«Elles en arrivent à un point où elle se disent: ‘c’est beaucoup trop; je ne progresse pas dans ma carrière.’ Elles décideront peut-être alors de privilégier leur maison», poursuit la journaliste.

Une fois qu’elles ont pris cette décision, elles peuvent envisager l’avenir différement en organisant leur propre temps, sans avoir la pression de devoir négocier avec des collègues ou avec un chef. Cela compense quelque part la perte d’un salaire mensuel.

swissinfo, Morven McLean
(Traduction de l’anglais: Olivier Pauchard)

Selon l’Atlas suisse des femmes et de l’égalité (statistiques pour l’an 2000):
Dans 37% des familles avec des enfants jusqu’à 7 ans, l’homme travaille à plein temps et la femme reste au foyer (modèle traditionnel de la classe moyenne)
Dans un peu moins de 37% des cas, l’homme travaille à temps complet et la femme à temps partiel (modèle moderne de la classe moyenne)
Dans 12% des cas, l’homme et la femme travaillent les deux à temps complet (modèle de travail égalitaire)
Dans 3,5% des cas, les deux partenaires travaillent à temps partiel (modèle de famille égalitaire)

Selon différents articles parus récemment dans les médias suisses, le modèle de la famille traditionnelle (le mari au travail et la femme qui s’occupe du foyer) connaîtrait un retour en grâce.

Ce modèle présente notamment l’avantage de mieux pouvoir s’occuper des enfants, chose importante à une époque où la démission de parents est souvent stigmatisée.

Cependant, certains spécialistes des questions sociales estiment que ce modèle traditionnel peut constituer un danger pour les femmes en cas de divorce ou de décès du mari. Il leur sera en effet beaucoup plus difficile de se réinsérer sur le marché du travail après une absence prolongée. Et sans travail, leur niveau de vie peut diminuer de manière dramatique.

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