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La lutte mondiale antitabac prend forme à Genève

L'OMS veut s'attaquer à la publicité pour le tabac. Keystone Archive

L'OMS prépare sa convention «pour juguler la publicité, la promotion, la vente et la contrebande des produits du tabac».

La délégation suisse est assez confiante. Le texte définitif devrait être prêt pour l’Assemblée mondiale de mai 2003.

3,002,408. A l’entrée du centre genevois de conférence où l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a réuni les négociateurs, une «horloge de la mort» additionne les décès dus à l’herbe à Nicot depuis le début des négociations en octobre 1999.

Une minute plus tard, le morbide compteur affiche 88 unités de plus. Ce qui fait dire à Mme Bruntland, directrice générale de l’Organisation mondiale de la santé, que le rythme des mortalités ne cesse aussi de s’accélérer.

Elle en conclut que «le moment est venu pour tous les pays de montrer leur détermination pour juguler l’épidémie de tabagisme». Ce à quoi s’attellent donc encore les experts venus négocier cette convention-cadre.

Un second souffle

Selon Chung-Yol Lee, chef de la délégation suisse, les discussions auraient retrouvé un second souffle avec l’arrivée d’un nouveau président, le Brésilien Luis Felipe de Seixas Corrêa, qui a d’emblée soumis un projet revu et corrigé.

Le sous-directeur de l’Office fédéral de la santé publique est optimiste. Le texte de la convention sera passé une fois encore sous la loupe et sera soumis à l’Assemblée mondiale de la Santé du mois de mai prochain.

«Il présente une position assez forte, nous dit-il, ce sera un bon texte avec beaucoup d’articles qui serviront de base à une prévention plus efficace».

La lutte antitabac au niveau mondial butte encore cependant sur les obstacles qui ont pour nom commerce et contrebande, publicité et sponsoring.

Le sponsoring dans la mire

Chung-Yol Lee explique qu’il ne sert à rien d’interdire la publicité pour le tabac et de laisser les fabricants de cigarettes s’adonner aux parrainages.

Dans les pays où la publicité classique pour le tabac a été interdite, les industriels de la branche auraient selon lui multiplié les ‘sponsorings’.

Prenant l’exemple des courses automobiles, il constate que les cigarettiers jouent avec succès sur l’association que le public jeune fait entre un produit et un certain style de vie attrayant.

Gare aux hypocrisies!

A propos de la lutte antitabac dans les milieux jeunes, Chung-Yol Lee est également d’avis qu’il n’est pas judicieux de focaliser sur eux seuls les politiques de prévention.

Non pas seulement parce que la jeunesse aime transgresser les interdits. Mais plus encore, dit-il, «parce que les jeunes sont sensibles aux contradictions et aux hypocrisies des adultes».

Les cigarettiers disent vouloir faire de la prévention auprès de la jeunesse. Certes. Mais, du côté de l’OMS, on n’est pas loin de croire que passer ainsi aux jeunes le message que fumer est un choix d’adulte ne serait qu’une promotion déguisée du tabac.

Le dilemme des diplomates

L’avenir de cette convention antitabac se jouera sur les détails qui en feront ou non un texte juridiquement fort. Ou encore sur l’article 30 qui, dans la version actuelle, stipule qu’aucune réserve ne pourra être faite.

Si cet article subsiste tel quel dans la version définitive, commente encore Chung-Yol Lee, «on ne sait pas combien de pays pourront vivre avec».

Tel est bien le dilemme habituel des diplomates devant un texte: peu contraignant il facilite les ralliements, audacieux il les freine.

A l’OMS, on veut une convention-cadre exigeante qui recueille un maximum d’adhésion. Reste à demander l’avis des marchands de tabac exclus de la négociation mais dont on sait qu’ils ne sont pas pour autant inactifs.

swissinfo/Bernard Weissbrodt, Genève

Selon l’OMS, le tabac tue 4,9 millions de personnes par an
Dans certains pays, plus de 60 % des 13-15 ans consomment du tabac
En Suisse, un tiers de la population de plus de 15 ans consomme du tabac
En 1992 et 1997, la proportion des filles de 15-19 ans qui fument a plus que doublé
En Suisse, chaque année, un demi-million de personnes tentent d’arr^ter de fumer, mais moins d’une sur 20 y parvient durablement

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