Des perspectives suisses en 10 langues

Les députés ne veulent pas privatiser Swisscom

Le député Fulvio Pelli voulait "libérer Swisscom de sa cage". Il n'a pas été suivi. Keystone

Par 99 voix contre 90, les députés de la Chambre basse du Parlement ont refusé d'entrer en matière sur le projet gouvernemental de privatisation de Swisscom.

La coalition regroupant les socialistes, les Verts et les démocrates-chrétiens craint une perte de qualité du service universel et une mainmise étrangère sur l’opérateur historique.

Malgré près de cinq heures de débat, les partisans de la vente du paquet d’actions Swisscom que détient la Confédération n’ont pas réussi à renverser la vapeur.

Le Conseil national (Chambre basse) n’entre pas en matière sur le projet soutenu par le Conseil fédéral (gouvernement) et par l’opérateur de télécoms.

Les fronts ont paru inconciliables tout au long de la discussion, qui a vu se succéder à la tribune une quarantaine d’orateurs. Les opposants à la privatisation n’ont pas ménagé leurs critiques envers le Conseil fédéral, accusé de «légèreté» dans la préparation du dossier.

Ainsi, pour la présidente des démocrates-chrétiens Doris Leuthard (qui sera très vraisemblablement élue au Conseil fédéral le mois prochain), le gouvernement «n’a pas réussi à lever les doutes qui subsistent sur la nécessité de céder les parts de l’Etat».

Service public

Il ne faut pas «servir Swisscom sur un plateau d’argent à un repreneur étranger» et mettre ainsi en péril le service universel, a averti de son côté le socialiste Werner Marti, rapporteur de la Commission des transports et des télécommunications.

Un argument repris par de nombreux orateurs, qui craignent que l’acquéreur de Swisscom néglige les investissements nécessaires pour le réseau et les nouvelles technologies en voulant obtenir au plus vite le meilleur rendement possible.

Les partisans du maintien de l’opérateur en mains étatiques craignent également de voir Swisscom devenir la première victime d’une vague de privatisations. La Poste, le marché de l’électricité, la Suva (caisse nationale d’assurance-accidents) et bien d’autres secteurs sont déjà dans le collimateur, selon eux.

Enfin, la gauche et les démocrates-chrétiens estiment qu’il n’y a pas de raison de brader une entreprise florissante qui a rapporté aux caisses fédérales plus de 12 milliards de francs au cours des sept dernières années.

En cage

Dans l’autre camp, les orateurs du Parti radical (droite) et de l’Union démocratique du centre (droite dure) ont tenté de faire valoir que ne pas entrer en matière empêche une véritable discussion de fond et la recherche de solutions alternatives.

«Swisscom est aujourd’hui comme en oiseau prisonnier», a dit le radical Fulvio Pelli, en brandissant une cage à la tribune. Pour lui, la politique doit maintenant lui permettre de voler de ses propres ailes afin de faire face à la concurrence.

Radical également, Georges Theiler a rappelé qu’une privatisation «réglerait enfin le conflit d’intérêts que cause la triple casquette portée par la Confédération, qui fait office de régulatrice du marché, de propriétaire et de cliente».

Déception

A l’issue de la session, le ministre des Finances Hans-Rudolf Merz n’a pas caché sa déception. Même s’il s’attendait à un refus, il aurait souhaité que le Conseil national entre au moins en matière. Il a notamment regretté que la décision se soit faite selon des clivages strictement partisans.

Le ministre rejette également les reproches de mauvaise préparation du dossier, et rappelle que le Conseil fédéral n’a pas de «plan B». Hans-Rudolf Merz affirme enfin ne pas craindre le verdict d’une éventuelle votation sur la privatisation de Swisscom.

De son côté, le patron de Swisscom Carsten Schloter admet que les opposants à la privatisation de posent des questions «légitimes» et estime que faute de réponses satisfaisantes, le projet va capoter. Mais l’idée reviendra sur la table.

swissinfo et les agences

– En novembre 2005, le gouvernement annonce son intention de vendre toutes les actions que détient la Confédération dans Swisscom (environ deux tiers du capital).

– Les quelque 16 milliards de francs que rapporterait la vente de ces actions pourraient être utilisés pour éponger une partie de la dette.

– Par ailleurs, le gouvernement souhaite se débarrasser du risque induit par un marché des télécoms très mouvant. Il veut aussi offrir à Swisscom une pleine liberté entrepreneuriale.

– Pour les opposants, la desserte de base pourrait être menacée par une vente à l’étranger. Une privatisation risquerait en outre de péjorer les conditions de travail au sein du groupe.

– Le 10 mai 2006, les députés du Conseil national (Chambre basse) refusent d’entrer en matière.

– En juin, les sénateurs du Conseil des Etats (Chambre haute) doivent encore se prononcer.

– Si le non l’emporte, le projet est enterré. Dans le cas contraire, il revient au Conseil national.

– En cas de revirement, c’est le peuple qui aura le dernier mot, la gauche et les démocrates-chrétiens ayant déjà prévu d’attaquer la décision en demandant le référendum.

La Confédération possède 62% du capital de Swisscom.
En Allemagne, l’Etat possède 37% de Deutsche Telekom.
En France, l’Etat possède 33% de France Telecom.
En Autriche, l’Etat possède 38% de Telekom Austria.
En Italie, Telecom Italia est totalement privatisée depuis 2002.

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative

Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !

Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision