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Genève accouche de la première assurance-maternité de Suisse

Ce que les femmes suisses (ici à Zurich) attendent depuis 50 ans, les Genevoises viennent de l'obtenir. Keystone

Cela fait plus de 50 ans que les Suissesses l´attendent. Mais à court terme, seules les Genevoises sauront ce qu´est une assurance-maternité. Leur parlement cantonal en a voté jeudi la création. Il a réussi là où l´État fédéral s´est montré impuissant.

En juin de l’année dernière, les citoyens et citoyennes suisses avaient refusé par voie de referendum un projet de loi fédérale sur l’assurance-maternité. Ce rejet par le peuple de la mise en œuvre d’un principe pourtant inscrit depuis belle lurette dans la Constitution avait été assez mal ressenti en Suisse romande où tous les cantons, hormis le Valais, avaient dit oui. Les Genevois l’avaient même accepté à trois contre un.

On s’est alors mis ici et là à imaginer que dans ce domaine, certains cantons pourraient reprendre l’initiative. Chose dite et aussitôt faite à Genève. Des femmes militantes, des syndicalistes, des juristes et des représentantes des milieux politiques créèrent un «Comité genevois pour une véritable assurance-maternité».

Leur démarche fut pour ainsi dire «légalisée» lorsque le gouvernement fédéral, en réponse à une interpellation d’une parlementaire, fit savoir que les cantons avaient effectivement la compétence de légiférer en la matière et de profiter de la «capacité résiduelle» que leur reconnaît la loi.

En neuf mois – chiffre symbolique s’il en est – la gauche et la droite genevoises donnèrent naissance à deux projets de loi. Les divergences portaient essentiellement sur la question de savoir s’il fallait s’inspirer respectivement de ce qui se pratiquait déjà dans les conventions collectives en vigueur dans le canton ou plutôt des propositions de l’ex-projet de loi fédérale.

Le gouvernement genevois – à la grande surprise des députés – y alla aussi de sa propre version. Mais, foin des clivages. De part et d’autre, la volonté politique était clairement d’aller de l’avant. Le compromis s’est finalement réalisé dans un délai qui contraste avec les lenteurs fédérales. Jeudi, c’est à l’unanimité, sous des applaudissements nourris et les slogans vengeurs («La Suisse avorte, Genève accouche»!) que le Grand Conseil genevois a donné vie à la première assurance-maternité de Suisse.

Toute femme travaillant dans le canton depuis trois mois aura droit à une allocation de seize semaines après l’accouchement d’un enfant et bénéficiera de 80 pour cent de son salaire. Cette assurance sera également valable dans les cas d’adoption d’enfants de moins de huit ans. Mais les mères au foyer et sans activité lucrative n’y auront pas droit.

Cette assurance-maternité cantonale devrait profiter chaque année à quelque 3000 mères, ce qui représente un coût annuel global d’une cinquantaine de millions de francs. Tout cela sera financé par des cotisations paritaires des salariés et des employeurs sur le modèle de l’assurance-vieillesse. L’État fera une avance de 20 millions de francs pour son démarrage.

Si l’Office fédéral des assurances sociales donne son feu vert – on ne voit pas pour quelles bonnes raisons il pourrait le refuser – la loi genevoise devrait entrer en vigueur le 1er juillet de l’an prochain. Il reste toujours la possibilité d’un référendum. Mais qui prendrait le risque d’affronter une opinion publique locale qui avait largement donné son appui au projet fédéral?

La décision genevoise a été prise au lendemain d’un vote de la Chambre des cantons demandant au Conseil fédéral de mettre en route un nouveau projet d’assurance-maternité à 14 semaines. Cela prendra sans doute plusieurs années. Quant aux cantons romands, ils en sont encore à se tâter sur l’opportunité de se lancer chacun séparément dans l’aventure. Genève vient de leur faire savoir que c’est en tout cas chose possible.

Bernard Weissbrodt


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