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Grande solidarité avec les grévistes de CFF Cargo

Les manifestants ont bloqué les voies de la gare de Bellinzone. Ti-Press

Le Tessin s'est livré à une mobilisation sans précédent pour apporter son soutien aux employés des ateliers de Bellinzone, après les suppressions d'emplois annoncées vendredi.

Entre 6000 et 8000 personnes ont manifesté samedi dans les rues de la capitale tessinoise, certains bloquant même les trains pendant une quinzaine de minutes.

«Touchez pas aux ateliers!» ont scandé les manifestants, samedi en défilant dans les rues de Bellinzone, pour protester contre la suppression de 400 emplois annoncée vendredi matin par CFF Cargo, dont 126 dans les ateliers de Bellinzone.

Le personnel est déterminé et la grève dans les ateliers, décidée vendredi, se poursuivra jusqu’à ce qu’une solution satisfaisante soit trouvée, a déclaré le président du comité des travailleurs Gianni Frizzo.

«Ceux qui sont à l’origine des pertes de CFF Cargo ne doivent pas faire payer les travailleurs», a déclaré pour sa part le syndicaliste Donatello Poggi. Il a ajouté que le personnel se sentait d’autant plus dupé que l’entreprise a des commandes et qu’elle est rentable.

Le mouvement est largement soutenu, notamment par les syndicats et le gouvernement tessinois, qui a demandé un entretien au Conseil fédéral.

«Nous avons demandé à la délégation tessinoise aux Chambres fédérales de boycotter les séances du Parlement jusqu’à ce que le Conseil fédéral intervienne», a expliqué le maire de Bellinzone Brenno Martignoni.

La députation tessinoise a déjà demandé à rencontrer d’urgence le ministre des Transports Moritz Leuenberger.

Mouvement de longue durée

Les syndicats se préparent à un mouvement de longue durée. Les grévistes comptent aussi sur la générosité de la population.

La prochaine assemblée du personnel est prévue lundi matin afin de déterminer la suite à donner au mouvement de grève. L’évêque du Tessin Pier Giacomo Grampa a annoncé de son côté qu’il rendrait visite aux grévistes.

C’est ainsi qu’en quelques jours, les ateliers de Bellinzone sont devenus le symbole de la résistance à la logique de marché, dans une réalité où les anciennes Régies fédérales (Swisscom, La Poste et les CFF) ont démantelé quelque 2000 emplois sur 6300, entre 1991 et 2004.

Lâchés par Berne

Les Tessinois sont d’autant plus émus qu’il se sentent lâchés par Berne. Il y a 125 ans, l’ouverture de la ligne des chemins de fer fédéraux à travers le Gothard a permis à tout le canton de se développer.

«Berne a toujours dit qu’elle voulait assurer au Tessin un rôle de pôle ferroviaire industriel au niveau fédéral. Nous allons oeuvrer dans ce sens», a déclaré le conseiller national (député) socialiste Fabio Pedrina.

Saverio Lurati, secrétaire général du syndicat UNIA, déplore également cet oubli des spécificités régionales. «Si le gouvernement laisse faire, cela signifie que la cohésion nationale n’est plus une priorité politique», a-t-il déclaré à swissinfo.

«Pas la faute des Tessinois»

La restructuration du site de Bellinzone «n’est pas de la faute des Tessinois», a déclaré le patron des CFF Andreas Meyer samedi, sur les ondes de la radio alémanique DRS.

Les remaniements annoncés sont le résultat d’un problème à l’échelle suisse et les CFF ne peuvent simplement pas se permettre les investissements qui seraient nécessaires pour sauvegarder ce site, a justifié M. Meyer.

Le chef des CFF espère que beaucoup d’employés accepteront d’autres tâches ailleurs, tout en admettant qu’un déménagement en Suisse romande n’est pas un vrai choix pour les Tessinois.

«Pas la faute de CFF Cargo»

De son côté, la direction de CFF Cargo rejette les reproches de mauvais management soulevés par les syndicats. La stratégie menée après la libéralisation de 1999 était appropriée, a indiqué son directeur Nicolas Perrin samedi dans une interview à la «Berner Zeitung».

A moyen terme, le directeur s’attend à une consolidation dans le trafic ferroviaire des marchandises. Il y aura encore une grande entreprise en Suisse et deux ou trois compagnies ou groupes en Europe, selon son analyse. CFF Cargo est contraint de rechercher des alliances stratégiques.

Le président du conseil d’administration des CFF ne veut pas non plus charger la direction de CFF Cargo. «Celle-ci a fait du bon boulot dans l’ensemble», a déclaré Thierry Lalive d’Epinay au «Blick».

Le but aujourd’hui n’est pas de chercher des coupables, a-t-il renchéri dans le «Bund».

swissinfo et les agences

CFF Cargo a annoncé vendredi des pertes de 190 millions de francs pour 2007 et des mesures d’assainissement, dont la suppression de 401 emplois.

Elles prévoient la suppression de 249 places de travail au siège de Bâle, dont 65 sont restées vacantes depuis l’automne dernier.

A Bellinzone, 126 postes de travail seront supprimés, 18 transférés à Chiasso et au moins 10 à Yverdon.

A Fribourg, ce sont 51 emplois qui seront biffés et 114 déplacés à Bâle.

Enfin, 46 postes seront transférés de Bienne à Yverdon et Olten. Au total, 80 emplois doivent être créés à l’atelier industriel d’Yverdon où sera concentré l’entretien des locomotives lourdes.

La grève coûte 40’000 francs par jour au Syndicat du personnel des transports (SEV), auquel sont affiliés 80% des employés de CFF Cargo. Unia a également promis un soutien financier.

Chacun des 400 employés des ateliers de Bellinzone touche une indemnité de 100 francs par jour.

Le comité de grève a demandé une aide financière au gouvernement tessinois et présentera également une requête auprès des communes et de la population.

La députation tessinoise aux Chambres fédérales a demandé à rencontrer d’urgence le ministre des Transports Moritz Leuenberger.

Le gouvernement cantonal demande de son côté à rencontrer le Conseil fédéral fin qu’il intervienne auprès du conseil d’administration des CFF, lequel a déjà déclaré qu’il ne souhaitait pas intervenir.

Le Conseil fédéral devrait s’occuper de la question de CFF Cargo en avril, lors d’une évaluation des objectifs stratégiques des anciennes régies fédérales (La Poste, Swisscom et les CFF).

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