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Un chevalier vaudois a fait vibrer les valentins du Moyen Age

Des amoureux à l'honneur sur cette peinture datée de la période 1305-1340 et venant de Suisse alémanique.

Othon de Grandson a guerroyé une grande partie de sa vie en Angleterre, d'où il a ramené cette mode alors très en vogue.

Poète reconnu par les plus grands auteurs de son temps, il a chanté la Saint-Valentin à une époque où cette fête ne faisait pas encore rimer ‘aimer’ avec ‘fidélité’.

En date du 14 février, les journaux prennent de nos jours une teinte plutôt inhabituelle, tirant sur le rose. Grâce aux messages égrenés par les amoureux au fil des pages, c’est la mode quelque peu désuète des billets doux qui retrouve une certaine actualité.

Othon de Grandson lui a connu cet usage alors qu’il était pratiqué par les aristocrates du Moyen Age. Loin de son pays natal alors dominé par la famille de Savoie, ce chevalier vaudois est, dans les années 1370, au service du roi d’Angleterre. Il se bat en son nom et fréquente sa cour.

Ce qui lui permet de rencontrer tout ce que la Grande-Bretagne compte d’auteurs significatifs, tels notamment Chaucer, l’auteur des ‘Contes de Canterbury’. Et surtout de se familiariser avec les mœurs des gentilshommes anglais.

Pour ceux-ci la Saint-Valentin est avant tout l’occasion d’élire leur ‘valentine’, c’est-à-dire la femme ou la jeune fille qu’ils couvriront d’honneurs et de présents et avec qui ils échangeront une correspondance amoureuse anonyme. Mais attention, cela l’espace d’une année seulement.

Le retour du printemps

Maniant la plume avec autant de virtuosité que l’épée – à l’instar d’ailleurs de nombreux seigneurs de l’époque dont le plus connu est sans doute Richard Cœur de Lion -, Othon de Grandson a été parmi les premiers à importer en terre francophone la matière galante anglaise.

Avec ses chansons sur la Saint-Valentin, le chevalier vaudois a donné une légitimité littéraire à une fête, qui par ailleurs était certainement déjà célébrée dans les couches populaires. Sans pourtant qu’on ait aujourd’hui de renseignements très précis à ce sujet.

«D’après les témoignages qui nous sont parvenus, on offrait des poèmes, des chansons. Il s’agit d’une fête de l’amour liée à l’idée de renouveau. En littérature, on trouve cela par exemple dans les ‘chansons de mai’ ou les ‘reverdies’ qui traitent du retour du printemps et de l’éveil de la nature», explique Alain Corbellari, professeur associé de littérature française médiévale à l’Université de Lausanne.

Inspiration plus libertine

Pour sa part, il souligne qu’il est exagéré de dire qu’Othon de Grandson a introduit la Saint-Valentin en Suisse et en France. Mais il note en revanche qu’écrire des vers ‘valentins’ est une démarche plutôt étonnante pour un poète courtois tel que l’était Othon.

L’amour chanté par les troubadours était en effet idéalisé. Quant à la flamme qu’ils vouaient à leur dame, elle était éternelle et impliquait une fidélité à toutes épreuves. Ce qui n’est pas spécialement le cas dans les poèmes de Saint-Valentin datant du Moyen Age, où apparaît souvent une inspiration plus libertine.

Othon de Grandson lui a su mélanger les genres. Et s’il parle d’une amoureuse anonyme – dont le nom, Isabelle, apparaît toutefois dans quelques-unes de ses ballades, mais sous forme codée puisqu’il pourrait s’agir de la reine de France Isabeau de Bavière -, c’est dans la partie aristocratique de son œuvre. Celle où il met en vers la conception chevaleresque de l’amour.

Dans les murs d’Othon

L’espace d’une soirée, celle-ci revivra le 14 février dans les murs du château de Grandson. Depuis l’an dernier, l’Association des amis du château organise en effet un repas-spectacle en l’honneur des amoureux, qui peuvent ainsi revivre une Saint-Valentin médiévale dans les appartements d’Othon.

L’histoire de ce preux chevalier qui se termine en 1397 par un duel judiciaire truqué au terme duquel il perd la vie sera racontée aux chandelles. Quant à ses vers lus au son d’une vielle à archet, ils évoqueront l’époque révolue où l’on «s’énamourait de cuer entier et vray».

swissinfo, Carole Wälti

Saint-Valentin, devenu patron des amoureux, divise les historiens.

Au moins trois saints différents sont nommés Valentin. L’un d’entre eux aurait été décapité parce qu’il aurait béni les mariages des soldats malgré l’interdiction proclamée par l’empereur romain Claude II. Un autre aurait souffert le martyr pour avoir redonné la vue à la fille aveugle de son geôlier.

Chez les Romains, le 15 février était le jour de la fête des lupercales durant laquelle une loterie décidait par tirage au sort des couples à réunir pour l’année à venir.

Cette coutume païenne a été abolie par le pape Gélase Ier en 496. Il l’a remplacée par une fête en l’honneur de saint Valentin. Celle-ci avait pour vocation de rassembler les hommes et les femmes.

Au Moyen Age, la cour d’Angleterre, où le français sert de langue de référence, a réinterprété cette fête à sa façon. Le terme de ‘valentin’ proviendrait du français ‘galantin’, qui désignait un jeune homme porté vers le beau sexe.

La Saint-Valentin est aujourd’hui fêtée dans le monde entier, et non plus uniquement dans les pays de tradition chrétienne.

En Suisse comme dans la plupart des pays européens, les ventes de fleurs et de pralinés explosent le 14 février. Aux Etats-Unis, c’est l’envoi de cartes de vœux qui est privilégié.

En Asie, la fête s’est popularisée dans les années 80, principalement auprès des jeunes qui ont adopté les mœurs commerciales occidentales. Au Japon, il est devenu courant que les femmes offrent ce jour-là des chocolats aux hommes, notamment à leurs collègues de travail.

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