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Image contrastée de la Suisse à l’étranger

Peter Maurer est ambassadeur de Suisse à l’ONU depuis 2004. swissinfo.ch

Ces derniers mois, la Suisse a occupé le devant de la scène, que ce soit en raison des avatars du secret bancaire ou de l’interdiction des minarets. Ces questions se répercutent sur l’image de la Suisse, selon Peter Maurer, ambassadeur auprès de l’ONU.

«La Suisse, un pays à part ou un exemple?» Diverses personnalités suisses et étrangères ont répondu à cette question lors d’un débat de l’Open Forum de Davos consacré à l’image de la Suisse.

En tant que représentant des intérêts de la Confédération, Peter Maurer, ambassadeur de Suisse au siège des Nations Unies à New-York, était en première ligne pour recevoir les réactions d’autres pays. Interview.

swissinfo.ch: En tant qu’ambassadeur, avez-vous l’impression que les vagues de ces derniers temps ont été préjudiciables à la Suisse?

Peter Maurer: Il faut toujours distinguer entre les lieux et les thèmes dont on parle. Ces cinq dernières années, j’ai travaillé à l’ONU parmi les représentants des 193 Etats membres.

Là, la Suisse jouit d’un certain prestige parce qu’elle contribue réellement à la résolution des problèmes. Dans ce cadre-là, je n’ai pas remarqué de dégâts sur sa réputation.

Dans d’autres cadres, il en va très différemment. Ainsi, cela n’a pas été très facile d’expliquer la votation sur l’interdiction des minarets aux pays musulmans.

swissinfo.ch: Comment ont réagi ces derniers?

P.M.: Cette votation a infligé un grand préjudice à la réputation de la Suisse. Tous mes collègues sans exception m’ont exprimé leur déception.

La réputation de la Suisse a certainement été atteinte momentanément. On peut y remédier en adoptant une politique avisée qui explique ce qu’est la démocratie directe.

On peut aussi y remédier avec une politique extérieure intelligente à long terme. Par exemple, nous avons depuis longtemps de bons contacts avec les Palestiniens et cela nous a aidés à expliquer le fonctionnement de notre système politique.

swissinfo.ch: Avez-vous aussi constaté un changement d’attitude envers la Suisse en ce qui concerne les querelles à propos de secret bancaire et de fiscalité?

P.M.: Au sein de l’ONU, on discute prioritairement des aspects de politique du développement du secret bancaire et mes collègues abordent cette querelle sous cet angle spécifique.

Je n’ai jamais entendu quoi que ce soit d’hostile: la manière d’interpréter la politique fiscale internationale et le secret bancaire de notre pays ne suscitent pas beaucoup d’hostilité au niveau international.

Mais c’est une facette parmi les autre opinions et images au sujet de la Suisse. Mais, justement, il n’est pas question d’affirmer que la Suisse est un paradis sur terre, ou un enfer. Nous sommes un pays comme un autre.

swissinfo.ch: Comment la Suisse est-elle perçue à l’étranger, selon vous?

P.M.: Notre pays est perçu de différentes manières, il y a des choses qu’on apprécie et qui lui confèrent un caractère d’exemple, et il y a des divergences d’intérêts ou des différences de perception qui nous séparent d’autres pays.

C’est aussi la fonction d’un organe international, comme l’ONU et d’autres, de discuter de ces problèmes et de trouver des solutions.

swissinfo.ch: Avez-vous l’impression qu’en raison de différends avec d’autres pays, le «Sonderfall», le cas particulier suisse, ou la façon dont la suisse se distingue des autres Etats, soit remise en question?

P.M.: Je ne crois pas. J’ai toujours affirmé que le monde compte au moins 193 «Sonderfall», sinon plus. J’ai toujours trouvé un peu méprisant de dire que seule la Suisse est un cas particulier.

Je crois que chaque pays a ses particularités. Nous avons nos caractères propres et je ne crois pas que ces spécificités nationales soient englouties par la globalisation.

Nous avons constaté la même chose au sein de l’Union européenne. Même si elle crée un sentiment européen, elle ne gomme pas les particularités nationales.

De même, l’identité suisse n’a pas disparu. Elle se renforce plutôt en collaborant avec d’autres. Car cette collaboration nous permet de déterminer qui nous sommes, qui nous représentons, et c’est là la fonction de la diplomatie et de la politique internationales.

swissinfo.ch: Pensez-vous que le secret bancaire doit être entièrement supprimé?

P.M.: La discussion est en cours. Comme pour bien d’autres questions, il y aura un débat contradictoire en Suisse et des négociations internationales pour savoir dans quelle direction doit évoluer ce secret bancaire.

Je suis convaincu que la solution se trouve au sein même des divergences d’opinion, qu’il faut négocier en tenant compte des différents intérêts. C’est ainsi que les Etats trouvent des solutions et ce sera aussi le cas pour le secret bancaire et pour beaucoup d’autres choses qui sont en train de changer.

swissinfo.ch: La Suisse va-t-elle devoir s’adapter?

P.M.: Les négociations internationales reposent sur la réciprocité et l’échange d’intérêts. Nous avons des intérêts dans beaucoup de domaines du marché global.

Les entreprises suisses font pression contre certaines contraintes du marché global, d’autres pays sont dérangés par notre secret bancaire, tout cela, ce sont des thèmes sur lesquels nous pouvons négocier en temps et en lieu voulus, et on trouvera là aussi des solutions.

Eveline Kobler, Davos, swissinfo.ch
(Traduction de l’allemand: Isabelle Eichenberger)

Il se tient du 28 au 30 janvier à Davos (Grisons), organisé pour la 8e fois par l’Union des églises évangéliques suisses et le World Economic Forum (WEF).

Il met l’accent sur l’adaptation et les effets de la globalisation. Cette plate-forme de dialogue se tient depuis 2003 parallèlement à la rencontre annuelle du WEF.

Le World Economic Forum tient sa 40e édition du 27 janvier au 1er février à Davos.

Il réunit cette année 2500 participants, dont pas moins de 30 chefs d’Etat et plus de 60 ministres.

Né en 1956 à Thoune (Berne), il a passé un doctorat en philosophie à l’Université de Berne.

1987: entre au Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) où il exercera diverses fonctions.

1996: premier collaborateur du chef de la mission d’observation de la Suisse à l’ONU à New York.

2000: nommé ambassadeur et chef de la division politique IV de la direction du DFAE.

2004: nommé chef de la Mission permanente de la Suisse auprès de l’ONU à New York.

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