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La Suisse et la France se réconcilient à Davos

Nicolas Sarkozy est accueilli par Klaus Schwab, patron du WEF, sous le regard de Doris Leuthard. Reuters

Nicolas Sarkozy a officiellement donné mercredi le coup d’envoi de la 40e édition du World Economic Forum (WEF) de Davos. Peu avant ce discours très attendu, dirigeants suisses et français ont finalisé un accord pour mettre un terme à la crise née de l’affaire HSBC.

«Nous avons désormais trouvé un accord concernant les données volées», a déclaré le ministre suisse des Finances Hans-Rudolf Merz au sortir d’une rencontre avec le ministre français du Budget Eric Woerth. Cette réunion s’est déroulée juste avant le discours d’ouverture du WEF 2010 prononcé par Nicolas Sarkozy, qui s’est lui-même entretenu avec son homologue suisse Doris Leuthard.

En fin d’année dernière, l’affaire des données volées par un ex-employé de la filiale genevoise de la banque HSBC, puis transmises au gouvernement français, avaient provoqué une vive tension entre Berne et Paris.

Suite à la mise au jour de cette affaire et à l’intransigeance des autorités françaises, la Confédération avait décidé en décembre de bloquer la ratification par les Chambres fédérales de la nouvelle convention de double imposition signée avec la France. Pour sortir de cette impasse, Eric Woerth avait proposé la semaine dernière à Hans-Rudolf Merz de mettre sur pied un groupe de travail.

La crise est oubliée

Selon Hans-Rudolf Merz, la crise est désormais derrière. Et ceci pour trois raisons. Tout d’abord, la France a transmis à la Suisse des copies de ces données. «Deuxièmement, on nous a promis que Paris ne demanderait pas d’assistance administrative sur la base de ces documents», a expliqué le conseiller fédéral (ministre).

Et troisièmement, la France a assuré à la Suisse qu’elle ne livrerait pas ces données à d’autres Etats, mais demanderait à ces pays d’adresser à la Suisse une demande d’aide administrative par les canaux officiels.

«Ces trois mesures sont utiles à nos deux pays et résolvent le problème des données volées», a indiqué Hans-Rudolf Merz.

Sarkozy en vedette

La présence de Nicolas Sarkozy à Davos aura donc été bénéfique pour le Conseil fédéral. Le président français était la vedette de cette journée d’ouverture du WEF, où il a tenu un discours enflammé contre les dérives du «capitalisme financier» et évoqué une «crise de la mondialisation».

Tout en affirmant qu’il n’était venu «donner des leçons à quiconque», il a dressé sur un ton très offensif un long réquisitoire du système qui a abouti à la crise.

Il a ensuite appelé à une gestion prudente de la sortie de crise. Un retrait trop rapide des liquidités injectées par les Etats risquerait «de tout faire s’effondrer», a-t-il mis en garde. Il a également plaidé pour une réforme du système monétaire international, appelant à la tenue «d’un nouveau Bretton Woods», allusion aux réformes qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale.

Les banques visées

Dans son discours, Nicolas Sarkozy s’en est particulièrement pris aux banques. «Le métier de banquier n’est pas de spéculer (…), c’est de financer le développement de l’économie», a-t-il affirmé devant un parterre de patrons de multinationales, de dirigeants politiques et de banquiers.

«Nous continuerons à faire courir des risques insoutenables à l’économie, à encourager la spéculation, à sacrifier le long terme si nous ne changeons pas la réglementation bancaire», a-t-il déclaré.

Doris Leuthard, qui avait pris la parole juste avant Nicolas Sarkozy, a également pointé du doigt les banquiers qui «tentent de se dérober à leurs responsabilités», relevant que, cette année encore, «des bonus d’un volume inédit» vont être versés.

Mesures insuffisantes

La ministre suisse de l’Economie a également estimé que la pression du secteur bancaire avait «empêché jusqu’ici l’adoption de règles plus strictes concernant les fonds propres et les liquidités» dans plusieurs pays, sans les nommer.

«Dans le domaine de la régulation financière, nous courons tout droit vers le précipice», a-t-elle mis en garde, appelant les dirigeants politiques et les patrons des banques à assumer leurs «responsabilités».

Pour Doris Leuthard, peu de mesures ont été prises jusqu’à présent, «sauf pour tenter de récupérer à l’étranger, avec des moyens plus ou moins douteux, les taxes prétendument énormes dont les contribuables ne se seraient pas acquittées», une allusion à la lutte menée contre les paradis fiscaux et le secret bancaire que défend la Suisse.

Décalage

«Les déficits budgétaires et la dette, eux, subsistent sans qu’une vraie stratégie soit mise au point pour y remédier», a regretté Doris Leuthard, ajoutant observer «un décalage entre les discours et la réalité».

Mandatés en avril 2009 par les pays du G20, le Comité de stabilité financière (FSB) et le Comité de Bâle élaborent des mesures visant à renforcer la stabilité du secteur financier.

Mais face à ces mesures et les récentes propositions du président américain Barack Obama de réguler la taille des établissements financiers, ces derniers sont intervenus au WEF pour protester contre une régulation excessive, selon eux, du secteur, et les risques de protectionnisme.

swissinfo.ch et les agences

Le groupe pharmaceutique bâlois Roche et la Royal Bank of Canada sont cette année les «lauréats» des Public Eye Awards, décernés mercredi en marge du WEF à Davos. Les deux entreprises sont sanctionnées pour leurs pratiques sociales et écologiques jugées «irresponsables» par la Déclaration de Berne (DB) et Greenpeace.

Les ONG reprochent au laboratoire bâlois de mener en Chine des tests pour un médicament sur plus de 300 organes sans dire d’où ils proviennent alors que 90% des organes transplantés dans ce pays seraient issus de détenus condamnés à mort.

La Royal Bank of Canada est épinglée pour son rôle de principal financier des producteurs de pétrole à partir des sables bitumineux. Ces entreprises exploitent «le pétrole brut le plus sale du monde» dans la province canadienne de l’Alberta sur une superficie plus grande que la Suisse et l’Autriche réunies, selon les organisations.

Les Public Eye Award sont décernés en marge du Forum économique mondial (WEF) depuis onze ans. Parmi les nominés de cette année figuraient aussi l’entreprise de communication Farner PR et le Comité international olympique (CIO).

Reconstruction. Près de 2500 participants, dont pas moins de 30 chefs d’Etat et plus de 60 ministres, sont attendus pour la 40e édition du World Economic Forum (WEF) qui se tient du 27 janvier au 1er février dans la station grisonne de Davos. La manifestation est placée sous le slogan «améliorer l’état de la planète: repenser, remodeler, reconstruire».

Thématiques. Le Forum accordera une large place à l’avenir d’Haïti ainsi qu’aux suites à donner au sommet sur le climat de Copenhague. Les alternatives pour une croissance, le nouveau rôle des Etats-Unis et de la Chine ou encore l’avenir du Brésil comme force économique seront les autres grands enjeux abordés.

Invités. Parmi les présidents les plus en vue invités à Davos figureront Nicolas Sarkozy (France), Ilham Aliyev (Azerbaïdjan), Felipe Calderon (Mexique), Lech Kaczynski (Pologne), Luiz Inàcio Lula da Silva (Brésil), Shimon Peres (Israël), ou encore Alvaro Uribe (Colombie) et le nouveau chef d’Etat sud-africain Jacob Zuma.

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