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José Giovanni: mort d’un cinéaste rebelle

Amoureux de la montagne, José Giovanni vivait aux Marécottes depuis 1968. swissinfo.ch

Il avait fait tourner Ventura, Gabin, Delon, Belmondo, Brasseur et Girardot. D’origine corse, naturalisé suisse - il vivait en Valais depuis plus de 30 ans -, José Giovanni est décédé samedi à Lausanne, dans sa 81e année.

Retour sur la vie d’un «tendre qui faisait des films de durs».

«Il était hospitalisé depuis mercredi passé. il avait des soucis de santé depuis quelque temps», a déclaré Paul Giovanni, fils de l’écrivain, scénariste et cinéaste, décédé des suites d’une hémorragie cérébrale.

Installé en Valais, aux Marécottes, depuis 1968, José Giovanni, qui avait obtenu la nationalité suisse, laisse 20 romans, 2 livres de souvenirs, 33 scénarios, 15 films de cinéma et 5 téléfilms, qui exaltent souvent l’amitié virile.

Il a été notamment l’auteur ou le scénariste de «Classe tous risques», de Claude Sautet, du «Deuxième souffle», de Jean-Pierre Melville ou du «Clan des Siciliens» d’Henri Verneuil.

En tant que réalisateur, on lui doit entre autres «Le rapace», «Dernier domicile connu», «La scoumoune», «Les égouts du paradis» et surtout «Deux hommes dans la ville», plaidoyer implacable contre la peine de mort, porté par le duo Jean Gabin – Alain Delon.

Il y a quatre ans, José Giovanni avait réglé une dette morale avec son film autobiographique «Mon père, il m’a sauvé la vie», adapté de son livre «Il avait dans le cœur des jardins introuvables».

Rescapé de la guillotine

Digne d’un roman, le destin de José Giovanni débute le 22 juin 1923 à Paris. D’origine corse, ce passionné de nature exerce de nombreux petits métiers, notamment celui de guide de montagne. Durant la Seconde Guerre mondiale, il participe à des actions de résistance.

Après la Libération, il passe par la case prison pour avoir trempé dans une histoire de racket organisée par son oncle. L’affaire tourne mal: cinq tués.

Condamné à mort, il échappe de justesse à la guillotine. En secret, son père a obtenu des lettres de pardon des familles des victimes. Il est gracié et sa peine commuée en travaux forcés.

Il retrouve la liberté à 33 ans, et n’apprendra que deux ans plus tard qu’il la doit à son père. Malgré cela, les deux hommes ne parviendront jamais à communiquer vraiment.

Franc-parler

Il se lance dans l’écriture et publie en 1957 «Le Trou», qui raconte l’univers carcéral. L’histoire sera portée à l’écran par Jacques Becker, ce qui vaut à Giovanni de poser un premier pied sur les plateaux de tournage. La suite appartient au livre d’or du cinéma français.

L’âge n’avait pas tempéré son franc-parler. «Il n’y a rien à espérer de l’humanité», déclarait-il dans une interview à l’agence télégraphique suisse il y a quelques mois. «Je ne crois pas beaucoup que le monde puisse vivre sans guerres. Elles existent depuis toujours, les hommes ne cessent de s’armer. En Afrique, vous voyez des gosses avec des fusils…»

A qui le traitait de pessimiste, il répondait du tac au tac: «Je ne suis pas pessimiste, je suis lucide. Ne confondez pas».

Partisan de l’ordre

Cet individualiste aimait l’ordre. «J’ai fait partie du désordre, je l’ai semé, admettait-il dans la même interview. Pourtant il n’y a pas de prospérité possible dans le désordre. Et l’anarchie est très mauvaise pour les faibles qui dérouillent les premiers. Pour que chacun ait sa chance, il faut un minimum d’ordre, dans le respect de la démocratie».

Ces dernières années, José Giovanni avait mené des actions de prévention de la délinquance dans les écoles. Il y défendait la nécessité du travail. Il visitait aussi des prisons, tentant d’inculquer aux détenus l’obligation d’assumer et de payer leurs erreurs.

«Un homme droit»

«C’était un homme droit et vrai, dit de lui le directeur de la Cinémathèque suisse Hervé Dumont. Il a eu une trajectoire qu’on ne peut pas qualifier d’exemplaire. Pourtant, sa manière de se rebondir a été extraordinaire. Ses livres et ses films ont été sa chance et lui ont permis de se sauver, de se reconstruire».

swissinfo et les agences

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