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L’économie suisse a besoin des domestiques clandestins

Dans une brochure publiée jeudi, l'avocat genevois Jean-Pierre Garbade fait l'inventaire des droits protégeant les domestiques en Suisse, la plupart étant clandestin. L'avocat souligne aussi l'apport économique de ces travailleurs.


«Les employés de maison offrent un service qui n’est pas assez reconnu. Ils permettent pourtant à de nombreuses mères de pouvoir travailler ou à des personnes âgées de pouvoir rester dans leur famille ou chez elles», lance Jean-Pierre Garbade, auteur de ce guide juridique pour les employés de maison en Suisse.

Mais voilà, la plupart de ces employés sont clandestins et travaillent donc au noir. Or, ils n’intéressent ni les syndicats, ni les autorités qui refusent d’accorder des permis de travail pour cette catégorie professionnelle.

Raison pour laquelle une ONG philippine (Geneva forum for philippine concern) s’est décidée à agir. Elle a mandaté l’avocat genevois pour rédiger ce guide qui en est à sa deuxième édition. Cette année, la brochure est éditée en trois langue (français, espagnol et anglais).

Elle est destinée aux milliers de domestiques qui vivent principalement dans les cantons de Genève, Vaud, Zurich et Berne. Selon le vice-président du Geneva forum for philippine concern, l’avocat Ildefonso Bagasao, la majorité de ces employés sont philippins, colombiens et péruviens.

Combien sont ces domestiques clandestins? Ildefonso Bagasao ne peut pas articuler de chiffre précis. Mais il précise qu’en Europe, 500 mille Philippins sont employés de maison, la plupart clandestinement.

L’avocat philippin et son collègue genevois sont également incapables de décrire précisément les conditions de travail de ces employés. Mais ils estiment que les cas les plus graves d’exploitation impliquent des employeurs venus du Golfe qui emmènent dans leurs bagages leurs domestiques. Une situation qui concerne également les diplomates en fonction en Suisse.

Jean-Pierre Garbade souligne à ce sujet la mauvaise volonté du ministère suisse des Affaires étrangères qui refuse d’entrer en matière sur la création d’une agence par laquelle transiterait le salaire des domestiques employés par les diplomates et les fonctionnaires internationaux. Un tel organisme de contrôle est pourtant à l’étude en France et aux Etats-Unis.

Toujours est-il que la majorité de ces domestiques travaillent pour des Suisses. La brochure s’adresse d’ailleurs aussi bien à l’employé qu’à l’employeur. Car, même clandestin, le personnel de maison a des droits au même titre que n’importe quel travailleur. Jean-Pierre Garbade rappelle que des contrats type de travail sont imposés par les cantons, depuis le début du siècle, pour les employés de maison et les travailleurs agricoles.

Aujourd’hui, une femme de ménage colombienne peut réclamer devant un tribunal l’octroi d’un salaire décent (Genève est le seul canton à avoir fixer un salaire minimum de 2355 francs pour un plein temps), tout comme la sécurité sociale ou des allocations familiales. «La police n’a pas accès à ces informations. Les clandestins ne prennent donc pas le risque d’être renvoyés dans leur pays», assure Jean-Pierre Garbade.

Reste que la peur immense qui tenaille les clandestins les empêche le plus souvent de faire respecter leur droit. Jean-Pierre Garbade soutient donc la proposition de légaliser le statut des clandestins vivant actuellement en Suisse. Une idée lancée récemment par la socialiste Christiane Brunner.

Mais, l’avocat genevois note que le projet de révision de la loi sur les étrangers va dans la direction contraire en voulant fermer la porte aux réfugiés économiques venu du tiers-monde. La clandestinité et son lot d’injustices ne sont donc pas prêts de disparaître.


Frédéric Burnand

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