Des perspectives suisses en 10 langues

L’éducation sexuelle pour protéger les enfants

Peut-on prendre un bain entre frère et sœur ? imagepoint

Les parents devraient parler de sexualité le plus tôt possible avec leurs enfants. Notamment pour les protéger contre la violence. Une brochure qui vient d'être publiée entend les y aider.

«Education sexuelle des petits enfants et prévention contre la violence sexuelle» a été présentée en allemand à Berne par la Fondation suisse pour la protection de l’enfance et Conseil aux mères et aux pères. Les versions française et italienne sont annoncées pour 2010.

La sensibilisation croissante à la violence sexuelle contre les enfants crée une grande insécurité chez les parents. Ceux-ci se demandent de plus en plus souvent comment protéger leurs enfants tout en leur laissant suffisamment d’espace pour leur permettre de faire leurs propres expériences et découvertes par eux-mêmes.

Beaucoup de parents sont aussi désemparés par le fort battage médiatique autour de la sexualité. Faut-il en parler aux enfants ou plutôt rester sur la réserve ?

Une tâche difficile

«C’est une tâche difficile pour qui a des enfants», a relevé Jacqueline Fehr, présidente de la Fondation suisse pour la protection de l’enfance et députée socialiste, en présentant la brochure. Et de proposer des exemples, tirés du quotidien d’un enfant de quatre ans.

«Benjamin aimerait jouer au docteur avec sa camarade, mais les parents le lui interdisent. En lavant Tim, sa mère lui nomme les diverses parties de son corps mais fait l’impasse sur les organes génitaux, par gêne. A la crèche, tous les enfants se baignent nus, mais Selma et Gian doivent porter un maillot de bain, conformément à la volonté de leurs parents. Quand Samuel se promène tout nu dans l’appartement et joue avec son pénis, ses parents lui disent qu’on ne fait pas cela, que c’est inconvenant.»

«Les parents sont encore plus désécurisés par les nombreux rapports et enquêtes qui indiquent que c’est au sein de la famille que les enfants subissent le plus de maltraitances sexuelles», affirme Ursula Dolder, présidente de Conseil aux mères et aux pères.

«Comment puis-je protéger mon enfant concrètement ? Comment lui parler de sexualité avec naturel ? Pour ce genre de choses, les parents ont besoin d’aide, d’autant que généralement, on n’en parle pas», poursuit la spécialiste.

Donner de l’assurance et protéger

«Quand ils abordent ces questions avec leurs enfants, beaucoup de parents manifestent de l’incertitude, de la gêne ou carrément un manque de connaissance. C’est ainsi qu’ils envoient des signaux négatifs et risquent d’empêcher leur progéniture de découvrir que le corps est précieux», poursuit Jacqueline Fehr.

La nouvelle brochure permet une approche différenciée. Ce qui devrait aider les parents qui souhaitent accompagner leurs enfants à leur donner de l’assurance et à les protéger. De même, cela permet d’encourager la collaboration avec les jardins d’enfants, les structures d’accueil et les mamans de jour. «Nous avons à cœur de favoriser un réseau interdisciplinaire», indique Ursula Dolder.

Inclure les familles de migrants

L’éducation sexuelle, comme du reste la sexualité en général, est un tabou culturel pour de nombreux migrants en Suisse. C’est précisément la raison pour laquelle il est important de sensibiliser ces milieux, selon Ursula Dolder.

«Nous avons souvent affaire à des familles de migrants de culture et de langue très différentes. Nous effectuons notamment des visites à domicile. Pour pouvoir traduire le thème de l’éducation sexuelle dans leur propre culture, il est important de voir exactement d’où ils viennent, quel est leur background culturel et mental, notamment en matière de sexualité.»

Les maltraitances les plus courantes

La semaine dernière, l’hôpital des enfants de Zurich a présenté de nouveaux chiffres en matière de maltraitance enfantine, portant sur la période 2003-2006. Une majorité des cas sont d’origine sexuelle, soit près de 40%.

Ce qui ne surprend pas le pédagogue Bruno Wermuth, co-auteur de la brochure en question. Par contre, il s’étonne de lire dans cette étude zurichoise que les auteurs d’agressions sexuelles sont pour la plupart étrangers à la famille.

«Je me l’explique par le fait que la société est devenue nettement plus sensible aussi à d’autres types d’agressions. Par exemple les agressions entre enfants du même âge, qui sont plus souvent prises en compte. Et cela contribue peut-être à modifier les chiffres, dans le sens de dire ‘ça n’arrive pas seulement dans le cercle des proches’».

Le problème de l’hyper-sexualisation

Le battage médiatique quotidien sur la sexualité ne pose pas seulement un problème aux enfants, mais aussi aux adultes.

Pour Bruno Wermuth, il est important de prendre une certaine distance pour se protéger de cette offre surabondante. Il faut aussi que chacun prenne conscience de la manière dont il perçoit la sexualité et de la manière dont il souhaite la vivre. «Elle doit être vécue dans la sphère intime.»

En réponse à cette hyper-sexualisation, on peut aussi se demander s’il faut vraiment en faire un thème comme un autre autour de la table familiale. «Et bien je pense que non. Car j’encourage plutôt les gens à donner des signaux clairs face à cette inflation et à faire preuve d’une certaine retenue», tranche Bruno Wermuth.

C’est précisément pourquoi, conclut le pédagogue, il est important que cette brochure montre ce qu’on peut exiger de ses enfants et où se situent les limites.

Jean-Michel Berthoud, swissinfo.ch
(Traduction de l’allemand: Isabelle Eichenberger)

Publiée en allemand, elle devrait paraître en français et en italien l’année prochaine.

Elle montre la relation entre éducation sexuelle et protection des enfants contre la violence sexuelle et propose aux parents et aux divers intervenants des informations pratiques sur le développement des enfants et le rôle des parents.

Elle propose aussi des réponses aux questions de tous les jours concernant ce qu’on peut permettre ou non et les limites qui doivent être posées.

Selon des chiffres publiés par l’Hôpital des enfants de Zurich, sur 1484 cas de maltraitance d’enfants déclarés entre 2003 et 2006, 54% ont été le fait d’adultes hommes.

Si l’on y ajoute les 20% d’agresseurs mâles mineurs, 74% des délits sont imputables à des hommes

Les agressions sont surtout d’ordre sexuel, soit 38,3% des cas annoncés. La plupart sont le fait de personnes extérieures à la famille, alors qu’on avait jusqu’ici admis généralement qu’elles provenaient de l’intérieur du cercle familial. On peut toutefois raisonnablement supposer que ces chiffres sont faussés par le fait que les victimes d’agressions commises à l’intérieur de la famille ne vont pas forcément à l’hôpital.

Les maltraitances se produisent dans toutes les couches de la population. Toutefois, les agressions de type sexuel tendent à être plus fréquentes dans les classes supérieures, alors que dans les classes inférieures, ce sont les violences corporelles qui sont les plus nombreuses.

(Traduction de l’allemand: Isabelle Eichenberger)

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative

Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !

Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision