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L’aide au suicide à la croisée des chemins

Sous certaines conditions, l'aide au suicide n'est pas condamnable en Suisse. Keystone Archive

Face à Dignitas, qui accepte les patients étrangers, et à la question de la prise en charge de malades psychiques, Exit veut redéfinir son rôle.

En Suisse romande, Exit s’inquiète de nouvelles tentatives d’interdiction déposées au Parlement fédéral.

L’aide au suicide est sans cesse sous le coup des projecteurs. Il y a une semaine, on apprenait que le ministère public zurichois avait reçu une demande d’entraide judiciaire de l’Allemagne.

L’affaire concerne le suicide d’une ressortissante allemande âgée, morte à Zurich, avec l’aide de Dignitas. Le parquet zurichois n’a pas voulu en dire davantage.

Créée en 1998 par un ancien d’Exit, Ludwig Minelli, Dignitas s’est spécialisée dans l’accueil de patients étrangers. L’association loue un appartement en ville de Zurich expressément pour les personnes venant de l’étranger.

Majorité d’Allemands

La majorité des «patients» sont allemands, précise le procureur cantonal Andreas Brunner. L’Angleterre et la France viennent ensuite.

Puisque chaque suicide donne lieu, à Zurich, à une autopsie, le procureur peut citer des chiffes sur la pratique de Dignitas: une trentaine de personnes en 2001, une cinquantaine l’an dernier. L’augmentation se poursuit en 2003.

Dignitas se voit reprocher de ne pas examiner les requêtes qui lui sont adressées avec toute l’attention pour être notamment sûre que la personne qui veut se suicider ne fait l’objet d’aucune pression extérieure.

«Nous prenons beaucoup de temps pour parler avec la personne et ses proches, explique pour sa part le médecin Jérôme Sobel, président d’Exit Suisse romande (ou ADMD, Association pour le droit de mourir dans la dignité).

Nous sommes trois médecins et sept accompagnateurs et nous ne voulons, ni ne pouvons, être débordés. C’est pourquoi nous refusons les demandes de l’étranger.»

«Immense mérite»

Jérôme Sobel n’en salue pas moins le travail de Dignitas. «Il a l’immense mérite d’obliger les Etats à se poser les bonnes questions.

Car le scandale n’est pas que les gens viennent à Zurich pour mourir, mais que ces personnes doivent quitter leur cocon personnel pour pouvoir mourir dignement. Il faut bien comprendre que les gens qui viennent à Zurich sont très malades et extrêmement déterminés.»

Avec la publicité faite à Dignitas, les autres associations reçoivent également de plus en plus de demandes de l’étranger. Exit Suisse romande les transmet à Dignitas.

Peur d’un retour de baton

Comme l’a montré l’assemblée générale de samedi, Exit Suisse alémanique est traversée par deux courants: beaucoup de ses membres souhaitent une ouverture au moins aux cas de «maladies somatiques graves». Mais le comité directeur a appelé à la prudence.

«Contrairement à la population suisse, le Parlement fédéral reste opposé à ce que l’on fait, dans une proportion de deux contre un», a rappelé le porte-parole d’Exit Andreas Blum.

«Il y a en ce moment des tentatives pour supprimer notre liberté de mourir dans la dignité. Nous devons être très prudents», a demandé la présidente démissionnaire Elke Baezner.

Le comité directeur faisait allusion à deux initiatives parlementaires déposées l’automne dernier, et qui devraient être traitées prochainement au Conseil national.

Courrier aux parlementaires

«La radicale appenzelloise Dorle Vallender a déjà voulu nous mettre sous tutelle en 2001, en vain, rappelle Jérôme Sobel. Elle profite de l’écho médiatique donné à Dignitas pour revenir à la charge.

Nous avons écrit aux parlementaires pour leur expliquer les dégâts que causerait cette motion. En cas d’acceptation, il est clair que nous devrions lancer un référendum.»

Quant à l’autre motion, déposée par l’UDC thurgovien Alexander Baumann, elle demande que toute aide au suicide soit interdite.

Améliorer la prévention

Pour Dignitas, le vrai problème est encore ailleurs. «Il y a 67 000 tentatives de suicides par année en Suisse, dit un responsable qui veut rester anonyme. Parmi elles, 1350 réussissent.

Des associations comme la nôtre pourraient jouer un rôle préventif: nous sommes à l’écoute des personnes qui veulent se suicider et nous pouvons aussi en dissuader un certain nombre.

Pour beaucoup de personnes, savoir qu’elles trouveront une délivrance si la souffrance due à une grave maladie devient trop grande contribue à les rassurer.» Une consolation qui correspond manifestement à un besoin grandissant.

swissinfo, Ariane Gigon Bormann à Zurich

– L’aide au suicide n’est pas condamnable en Suisse, pour autant, dit le Code pénal, qu’elle ne soit pas dictée par «un mobile égoïste».

– Autres conditions: le candidat doit être capable de discernement et le barbiturique létale doit être prescrit par un médecin.

– Le patient doit pouvoir avaler lui-même le breuvage. L’aide est donc dite passive.

– Seuls la Belgique et les Pays-Bas vont plus loin en autorisant, sous certaines conditions très strictes, l’aide active au suicide.

– Exit Suisse alémanique compte quelque 50 000 membres, Exit Suisse romande environ 9000.

– En 2002, Exit Suisse alémanique a aidé 90 personnes à se suicider, contre 124 en 2001.

– 240 demandes avaient été approuvées par un médecin, comme le veulent les statuts. Plus de la moitié des personnes ont donc renoncé à mettre fin à leurs jours.

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