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L’aide sociale a ses inspecteurs à Berne

L'inspecteur social peut-il faire ses enquêtes à l'insu des personnes bénéficiaires de prestations? imagepoint

Après les villes de Zurich, Bâle et Emmen, quatre communes bernoises (Bienne, Köniz et Ittigen) vont engager des inspecteurs de l'aide sociale. Mais, c'est une première en Suisse, leur travail sera financé par le canton.

Il s’agit d’un projet-pilote: les quatre communes mentionnées mandatent des inspecteurs sociaux pour faire des enquêtes pendant six mois. Leur mission: traquer les abus et, dans la mesure du possible, les prévenir, a expliqué lundi dernier Philippe Perrenoud, le directeur socialiste en charge de la santé au sein de l’exécutif bernois.

Pour le conseiller municipal biennois Pierre-Yves Moeschler, c’est toute la crédibilité de l’administration publique qui est en jeu: «On ne peut se permettre de dilapider l’argent public», déclare le directeur des affaires sociales de la cité horlogère. C’est de ces services qu’est partie l’idée d’une collaboration entre le canton et les communes sur ce dossier.

Dans cet essai-pilote, limité à octobre 2008, les quatre communes concernées diligenteront des enquêtes auprès de leurs inspecteurs lorsqu’elles soupçonneront l’existence d’un abus dans la perception de prestations d’aide sociale. «Les inspecteurs doivent permettre de confirmer ou d’infirmer ce soupçon», explique Walter Haag, chef des services sociaux de la ville de Köniz.

Le canton souhaite pour sa part que la collaboration avec les communes apporte des réponses aux questions suivantes: quelles formes d’abus existe-t-il? Les services sociaux peuvent-ils améliorer leurs contrôles? Les inspecteurs de l’aide sociale sont-ils réellement utiles?

Le canton est d’autant plus intéressé à obtenir des réponses à ces questions qu’il alimente pour moitié le budget de l’aide sociale des communes. L’autre moitié est versée aux communes au titre de la péréquation financière.

Les résultats de cette expérience pilote sont annoncés au plus tôt pour début 2009. Philippe Perrenoud espère que l’ensemble du canton pourra en tirer profit. Mais il s’agit aussi pour le canton de pouvoir argumenter d’une manière sur ce sujet.

Philippe Perrenoud est convaincu que seule une infime minorité parmi les bénéficiaires se rend coupable d’abus de l’aide sociale. «La grande majorité est confrontée à de réelles situations de précarité et a besoin de soutien.»

Enquêtes clandestines contestées

Le canton fixe aux communes pilotes un objectif général de lutte contre les abus, mais leur laisse une large marge de manœuvre quant au choix de la méthode. «Nous pourrons ainsi comparer les méthodes utilisées», explique le conseiller d’Etat.

A Bienne, les inspecteurs sociaux ne peuvent être diligentés que par les services sociaux ou par des tiers. Ils effectuent alors des vérifications au domicile du bénéficiaire et, en cas de soupçon, enquêtent sur de possibles revenus cachés ou non déclarés. Les enquêtes à l’insu des personnes soupçonnées ne sont pas autorisées.

Cette politique sera également appliquée à Ittigen, dans la banlieue bernoise. En raison de l’absence de bases légales, les inspecteurs sociaux ne peuvent faire clandestinement leurs enquêtes. Les autorités ont donc avisé les quelque 400 bénéficiaires que des vérifications de leur situation pourraient être effectuées. Elles espèrent que cette annonce aura un effet dissuasif.

Les autorités de Köniz estiment en revanche que les visites à domicile ne suffisent pas. Elles pourront donc ordonner des mesures de surveillance des bénéficiaires soupçonnés d’abus. Mais cette surveillance ne pourra s’exercer que sur l’espace public, précise Walter Haag, le responsable de l’aide sociale de la commune.

Revirement des autorités municipales bernoises

Quant à la ville de Berne, qui participe aussi au projet, elle a présenté ses intentions en mars dernier. La ville fédérale va ainsi créer un poste et demi pour les inspecteurs de l’aide sociale et un poste entier de «vérificateur» de l’aide sociale.

En ville de Berne, les inspecteurs ne seront pas autorisés à agir clandestinement, à l’insu des personnes concernées. Quant au vérificateur, son rôle sera d’aider les travailleurs sociaux dans les cas de grande complexité au niveau financier.

Pendant longtemps, Edith Olibet, directrice de l’aide sociale, s’est montrée fermement opposée à l’engagement d’inspecteurs dans le domaine de l’aide sociale. Mais, l’été dernier, lorsque le cas d’un iranien qui bénéficiait de l’aide sociale et qui roulait en BMW a été rendu public, les autorités ont révisé leur position.

Sous la pression de la droite

De tels cas, souvent portés à la connaissance de l’opinion par les médias, apportent de l’eau au moulin de l’Union démocratique du centre (UDC) qui dénonce régulièrement les «parasites» de l’aide sociale.

Les bénéficiaires de l’aide sociale, en particulier lorsqu’ils sont d’origine étrangère, sont souvent présentés comme des profiteurs qui vivent aux dépens du contribuable. Mais L’UDC vise également tous les autres niveaux de l’aide sociale.

swissinfo, Renat Künzi
(traduction de l’allemand: Bertrand Baumann)

L’aide sociale est de la compétence des communes.

Les montants versés au titre de l’aide sociale le sont pour moitié à charge du canton et pour l’autre au titre de la compensation des risques au niveau cantonal.

Ce système a contribué à incité les communes à combattre les abus.

On ne sait pas encore avec précision combien coûtera le projet limité à fin octobre 2008.

A Bienne, l’examen de 15 à 20 cas litigieux par des externes reviendra à près de 20’000 francs.

Un montant analogue a été budgété pour l’engagement d’un inspecteur social à Ittigen.

En ville de Berne, dans le cadre du projet, 2,5 nouveaux postes seront créés (150% d’inspecteurs de l’aide sociale, 100% de vérificateur). Les coûts du projet se montent à 220’000 francs.

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